La Lettre n°141 de Juillet 2016

Actualités : Le Vernimmen 2017

Pour vous le procurer, il faudra attendre le 1er septembre ou le 16 août si vous êtes abonnés à sa version électronique sous www.vernimmenenligne.net.



Actualités : Actualité des principales dispositions des contrats de fusion-acquisition de petite taille

Les avocats du groupe CMS, représentés par le Bureau Francis Lefebvre en France, publient depuis 2008 une étude sur les clauses principales des opérations de fusion-acquisition qu'ils conseillent en Europe, d’une taille principalement inférieure à 100 M€. En tout 2 800 transactions sont passées au crible, dont 391 en 2015[1]. Des comparaisons avec des transactions similaires aux Etats-Unis sont faites.

Des clauses d’ajustement de prix sont présentes dans 78 % des transactions européennes.

Elles peuvent prendre deux formes :

  • Une clause d’ajustement du prix proprement dite qui permet de corriger le prix après le transfert des titres de l’entité cédée/acquise (le closing en franglais) sur la base des comptes arrêtés au closing par rapport au prix qui avait été convenu au moment de la signature du contrat d’acquisitions/cession des titres de l’entité (le signing). Les principaux facteurs d’ajustement sont la variation du besoin en fonds de roulement, la variation de l’endettement net, la variation du fonds de roulement propre[2] ou de l’actif net entre ces deux dates.
  • La locked box, mécanisme qui garantit à l’acheteur que depuis les derniers comptes qui lui ont été communiqués et sur la base desquels il a fixé son prix (comptes de référence), il n’y a pas eu de fuites au profit du vendeur (pas de dividendes versés, pas de commissions de gestion, pas de rachat d’actions). C’est la clause classique de gestion en bon père de famille depuis l’arrêté des comptes de référence[3].

En Europe, la moitié environ des transactions font l’objet d’une clause d’ajustement du prix proprement dit. Sur l’autre moitié, dans 56 % des cas un mécanisme alternatif de locked box est en place. Il donne une bonne garantie de visibilité aux vendeurs du prix net qu’ils percevront de l’acquéreur, ce que les fonds d’investissement apprécient pour pouvoir reverser au plus vite à leurs investisseurs le produit de la cession.

Ces deux mécanismes sont d’autant plus fréquents que la taille de la transaction est élevée : ils sont absents dans 27 % des transactions de moins de 25 M€, mais dans seulement 12 % des transactions de plus de 100 M€.

S’il n’y a plus d’écarts très significatifs entre les différents pays européens dans leur utilisation de ces mécanismes, la différence avec les Etats-Unis est frappante. Outre Atlantique, l’usage dans 86 % des transactions du mécanisme d’ajustement du prix (purchase price adjustment), réduit à la portion congrue la locked box.

Les clauses de compléments de prix basés sur la performance future de l’entreprise cédée (earn-out) progressent, mais ne sont présentes que dans un peu moins de 20 % des transactions européennes.

La taille de la transaction est un facteur déterminant de l’utilisation d’earn-outs[4] : on les trouve deux fois plus dans les transactions inférieures à 100 M€ (18%) que pour celles d’une taille supérieure à 100 M€ (8 %). Plus l’entreprise est petite, plus sa valeur est liée aux dirigeants et il est donc logique que l’acheteur tente de faciliter la transition et de se protéger contre une perte de valeur due au départ des dirigeants actuels en les incitant financièrement à rester pour bénéficier du mécanisme d’earn-out.

Sans surprise, c’est dans les secteurs les plus volatiles (sciences de la vie, technologies, media, télécom) que le recours au mécanisme d’earn-out est le plus fréquent : environ le quart des transactions. A l’inverse, il est le plus souvent totalement absent des secteurs à bonne visibilité comme les infrastructures et l’hôtellerie. Il n’y a alors pas d’enjeu puisque les résultats futurs sont perçus comme aisément prévisibles et assez indépendants des dirigeants en place.

Dans 39 % des cas, l’earn-out porte sur une durée supérieure à 24 mois :

et est fonction principalement de l’EBE ou du résultat d’exploitation :

C’est en Allemagne (25 % des transactions) et en Europe du Sud (17 %) que les earn-outs sont les plus populaires. En revanche le Royaume-Uni (12%), la France (11 %), et les pays de l’Est (6%) y ont moins recours. Aux Etats-Unis, l’earn-out est présent dans plus du quart des transactions.

Des clauses de De minimis que l’on retrouve maintenant dans près de trois-quarts des transactions européennes.                                                

Cette clause prévoit qu’une réclamation individuelle n'est prise en compte que si son montant dépasse un certain chiffre appelé de minimis.

Très populaire au Royaume-Uni (on les trouve dans 84 % des transactions), elle l’est moins en Europe centrale et de l'Est et au Bénélux (68 %) et surtout en France (37 % en 2015, venant de 69 % en 2014). Aux Etats-Unis, le de minimis est loin de faire non plus l’unanimité (37 % des transactions prévoient une telle clause).

Dans un peu plus de la moitié des cas, le de minimis est inférieur à 0,25 % du montant de la transaction :

Un seuil pour les réclamations dans 72 % des transactions, qui se traduit ensuite dans 80 % des cas par un paiement au premier euro et par une franchise égale au seuil pour 20 % des transactions.                                      

Au Royaume-Uni, au Bénélux et dans les pays de langue allemande, le mécanisme le plus fréquent est celui du paiement au premier euro des dommages subis une fois qu’un seuil (basket) est dépassé par le cumul des réclamations individuelles.

A l'inverse en France, dans les pays de l’Europe de l’Est et aux Etats-Unis, le système de la franchise prévaut (dans la moitié des transactions en France et 65 % aux USA) : l'acheteur n'est indemnisé qu'au-delà du seuil qui constitue ainsi une franchise.

On observe de surcroît qu’aux Etats-Unis le niveau de seuil moyen est beaucoup plus bas qu’en Europe, ce qui en fait, de ce point de vue, un pays moins favorable aux vendeurs.

Seules 11 % des transactions européennes ne prévoient pas de limitation aux garanties données par le vendeur.

Il est très rare que la garantie donnée par le vendeur ne soit pas limitée dans son montant. C’est principalement le cas d’achat d’affaires en difficulté et très endettée pour lesquelles la valeur des capitaux propres est faible, voire négative. Dans le cas le plus général, il y a une limite fonction du montant de la transaction : dans 58 % des transactions européennes, le plafond de la garantie est de moins de 50 % de la valeur de la transaction. Mais dans 11 % des cas, il n’y a pas de plafond et pour 23 % des transactions, c’est le montant de la transaction elle-même.

On est loin de la situation américaine où 92 % des transactions ont un plafond de garanties inférieur à 25 % de la valeur de la transaction (39 % en Europe).

69 % des transactions limitent la durée de réclamation au titre de la garantie à 12-24 mois.

Et seuls 15 % des contrats prévoient une durée de plus de 2 ans. Mais en France ce pourcentage grimpe à 40 %. Plus la taille de la transaction est importante, plus la durée de réclamation est courte : seules 6 % des transactions supérieures à 100 M€ ont une durée de réclamation supérieure à 2 ans.

La garantie de la garantie de passif concerne un tiers des transactions et prend essentiellement la forme d’un séquestre.          

Obtenir une garantie d’actif et de passif est bien pour un acheteur. Pouvoir la mettre en œuvre si besoin est et obtenir du vendeur le paiement d’une indemnité est mieux. Ceci pose le problème de la solvabilité du vendeur après réalisation de la transaction et pendant la durée pendant laquelle la garantie court.

La modalité la plus populaire est le compte séquestre (63 % des transactions), puis la rétention d'une partie du prix par l'acheteur (20 %, mais qui pose à son tour le problème de la solvabilité de l’acheteur post transaction) et la garantie bancaire pour 17 % des cas.

Une popularité croissante de l’assurance de la garantie de passif qui intervient dans 22 % des transactions supérieures à 100 M€.

Surtout utilisée par les fonds d'investissement à la vente qui veulent ainsi fixer le prix de cession net définitif et ne pas être appelés ensuite pour verser des sommes qu'ils ont restituées à leurs investisseurs[5]. C’est en effet dans ce cas l’assureur qui paie. Elle intéresse aussi l’acheteur qui a des doutes sur la solvabilité du vendeur poste cession. Elle ne se rencontre que dans 7 % des transactions inférieures à 25 M€.

Dans les contrats dans lesquels on la trouve, l’assurance de la garantie de passif couvre 28 % du prix d’achat pour un coût de 1 à 2 % du montant couvert.

Plus d’un tiers des transactions prévoit une clause d’arbitrage, pourcentage stable au cours du temps.

La clause d’arbitrage permet de soustraire les différends naissants du contrat de cession des tribunaux, souvent perçus comme imprévisibles dans leurs décisions, publics et longs à statuer, au profit d’institutions d’arbitrage.

Cette pratique est quasiment inexistante en France et au Royaume-Uni, mais très répandue dans les pays de l’Europe de l’Est et du Sud. Elle concerne simplement 15 % des transactions au Etats-Unis.

La Material Adverse Clause reste marginale en Europe (16% des transactions) contrairement aux Etats-Unis où elle va de soi (91 % des cas).                  

Elle permet à l'acheteur de se retirer d'une transaction signée mais pas encore réalisée, en arguant de changements significatifs dans l'environnement, la conjoncture, etc. Elle progresse en France (26 % des cas) et au Bénélux (22 %), mais pas au Royaume-Uni où elle est très rare (7% des transactions).

Plus la taille de la transaction est importante, plus elle a des chances d’apparaître : 30 % des ventes de plus de 100 M€.

[1] Etude non disponible au format électronique mais qui peut être obtenue auprès de www.cms-bfl.com.

[2] Pour plus de détails sur le fonds de roulement propre, voir la Lettre Vernimmen.net n° 73 de février 2009.

[3] Pour plus détails sur la locked box, voir la Lettre vernimmen.net n° 104 de janvier 2012.

[4] Pour plus de détails sur l’earn-out, voir le chapitre 48 du Vernimmen 2016.

 



Tableau : Les taux d'impôt sur les sociétés dans le monde

Le taux moyen d’impôt sur les sociétés dans le monde s’établit en 2016 à 23,63 % et ils retrouvent leur niveau de 2014 après la hausse temporaire de 2015 (23,87 %), soit leur plus bas niveau historique. Dans l’Union Européenne, la moyenne est à 22,09 % grâce à la Suède 22 %, le Royaume-Uni à 20 %, la Pologne à 19 %. A côté de chez nous, la Suisse est à 18%, la Russie à 20 %. Et la France est à 34 % contre 38 % l’an passé, mais ce taux ne tient pas compte des impôts locaux et les prélèvements sociaux et divers qui ne sont pas légers en France.

L’écart entre la France et le Royaume-Uni est maintenant de 14 points. Autrement dit le même bénéfice avant impôt se traduit par un résultat après impôt de 21 % supérieur outre-Manche à ce qu’il est ici, et donc par un autofinancement supérieur. Et comme le gouvernement britannique, post Brexit, veut réduire le taux d’impôt sur les sociétés à 15 %, le différentiel passerait alors à 29 %.  Même avec un taux réduit à 28 % qui avait été promis pour 2017, le différentiel serait encore de 11 % et pourrait remonter à 18 % si le taux de l’impôt sur les sociétés tombait bien à 15 %.

Comme Henri Lagarde l’a très bien montré [1] ces taux ne sont que des taux faciaux qui cachent des modalités d’application qui, en France, ont tendance à alourdir le taux effectif.



Recherche : Value ou growth : les facteurs explicatifs du style d'un investisseur

Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à Paris-Dauphine

Il est usuel de séparer les styles d’investissement en deux grandes catégories : value et growth. L’investissement value consiste à repérer les entreprises dont les ratios de valorisation sont peu élevés, en espérant détecter des actions dont la valeur de marché est plus faible que la valeur intrinsèque. L’investissement growth privilégie pour sa part les actions des entreprises à fort potentiel de croissance, qui investissent beaucoup en recherche et développement, et qui présentent par conséquent des ratios de valorisation élevés. Nous présentons ce mois-ci un article[1] qui tente de repérer les facteurs spécifiques aux investisseurs qui influencent leur style d’investissement. Il complète celui de L.Calvet et alii présenté en mars dernier[2].

Dans cet article, les auteurs n’hésitent pas à proposer une explication partiellement biologique aux comportements d’investissement. Ils se fondent pour cela sur une méthodologie de recherche qui a été développée à la frontière de la biologie et des sciences sociales pour expliquer les comportements humains. Les démarches utilisées pour ces études et leurs conclusions ne font pas l’unanimité dans la communauté scientifique ; nous nous contenterons ici de décrire la méthode employée et ses résultats, laissant le soin au lecteur de se forger son opinion. L’autre partie de l’explication des comportements est recherchée dans les expériences de vie des investisseurs.

Pour la partie biologique, la méthode consiste à s’intéresser au comportement des jumeaux. Les jumeaux monozygotes (populairement appelés « vrais jumeaux ») partagent 100% de leur patrimoine génétique, alors que les jumeaux dizygotes (« faux jumeaux ») ne partagent en moyenne que 50%. Si l’on suppose que l’entourage (par exemple les parents) se comportent de la même façon avec les jumeaux monozygotes et dizygotes, et si les monozygotes ont un style d’investissement plus similaire entre eux que les dizygotes, alors on estimera qu’il y a une part biologique dans ces comportements. C’est effectivement ce qu’obtiennent les auteurs de l’étude. Pour y parvenir, ils s’appuient sur des données détaillées disponibles sur les jumeaux en Suède (Swedish Twin Registry). Leur base de données comporte plus de 10 000 jumeaux monozygotes et plus de 24 000 hétérozygotes, tous investisseurs sur les marchés d’actions. Ils utilisent comme indicateur du style d’investissement le ratio price-to-earnings (PER) moyen du portefeuille d’actions de l’investisseur. Un faible ratio est indicateur d’un style value, un ratio élevé d’un style growth. Ils obtiennent un coefficient de corrélation des PER de 0,49 pour les monozygotes et de 0,35 pour les dizygotes. D’autres mesures sont effectuées avec le ratio price-to-book (PBR) et avec les investissements en fonds mutuels, avec des résultats semblables. Les auteurs concluent à l’existence d’une composante biologique dans les styles d’investissement.

Le reste de l’article s’intéresse aux caractéristiques individuelles (genre, âge, statut économique…) ainsi qu’à la partie acquise des comportements, liée aux expériences de vie. L’article est vaste et les résultats nombreux, citons ici simplement les plus notables. Le ratio PER moyen des investisseurs de 65 ans est 6 points plus faible (soit 39% de la médiane) que celui des investisseurs de 25 ans. Cet écart est considérable et compatible avec l’idée que les investisseurs jeunes ont un horizon d’investissement plus long, et que le style growth a tendance à être privilégié en cas d’horizon long. Concernant les expériences de vie, les individus qui ont grandi durant la Grande dépression (ceux qui sont nés dans les années 1920) ont une approche plus orientée value (ratio PER inférieur de 1,7 point).

Finalement, cet article tente de repérer un très grand nombre de facteurs explicatifs du comportement d’investissement. Il est difficile de conclure et de mesurer séparément chacun d’entre eux, mais les résultats indiquent que des facteurs spécifiques aux investisseurs peuvent contribuer à expliquer leur style, et que ces facteurs sont extrêmement nombreux. Il y a quelques années nous avions présenté dans cette chronique[3] un article établissant le lien entre le caractère des dirigeants d’entreprise et leur choix de financement. L’approche ici est comparable, mais porte sur les investisseurs individuels. Dans les deux cas, un lien statistique est établi entre caractéristiques individuels et comportement économique.

 

[1] H.CRONQVIST, S.SIEGEL et F.YU (2015), Value versus growth investing: Why do different investors have different styles ?, Journal of Financial Economics, vol.117-2, pages 333 à 349.

[2] Who are the value and growth investors?, Lettre Vernimmen.net de mars 2016, pages 8 et 9.

[3] « Choix de financement : une question de caractère ? » Lettre n°113 de mars 2013

 



Q&R : Quel est l'impact d'une baisse des cours de bourse sur le bilan d'une entreprise et d'une banque ?

La baisse des cours de bourse n'a pas le plus souvent d'impact direct sur la structure bilancielle d'une entreprise cotée ou non, mais un impact indirect.

En effet une entreprise cotée ou non détient très rarement des actions dans le cadre d’une activité de gestion de trésorerie ; le risque propre des actions étant antinomique de la préservation du capital qui est l’objectif du trésorier.

Elle peut détenir des actions cotées en tant que titres de participation, mais dans ce cas le caractère long terme de la participation permet de s’extraire des fluctuations boursières du cours de l’action de la participation.


Par contre, en cas de baisse forte du cours de bourse de l’entreprise cotée et si l'entreprise a des goodwills[1] à l'actif de son bilan liés à des acquisitions des années précédentes, il y aura de ce fait indice d'une perte de valeur des goodwills. Il conviendra alors de réexaminer leur valeur, quitte à passer une provision pour dépréciation qui réduira le montant pour lequel ils sont inscrits au bilan et le montant de ses capitaux propres (pour respecter l'équilibre bilanciel).

En gestion financière, une baisse des cours de bourse significative, au moins 20 %, rend difficile la réalisation d'une augmentation de capital qui pourrait s'avérer utile/nécessaire pour financer des investissements ou refinancer un endettement venant à échéance. Cela peut conduire à retarder le moment où elle sera réalisée ou à explorer des alternatives : entrée d'un investisseur (fonds d'investissement, fonds souverain), cession d’actifs[2].


Concernant les banques, la dépréciation des goodwills entrainée par une baisse des cours de bourse n'a pas de conséquence directe sur leurs ratios de solvabilité puisque leurs capitaux propres sont retenus après déduction des goodwills. Par contre, la baisse des cours, si elle est continue et importante, peut inquiéter les investisseurs qui détiennent des actions ou souscrivent des titres de dettes émis par cette banque pour se financer. Ils peuvent être conduits à refuser à l'avenir de souscrire de nouveaux titres émis par cette banque, pouvant alors lui causer des problèmes de financement (crise de liquidité) qui peuvent, à leur tour, s'ils ne sont pas stoppés, déboucher sur une faillite (cf. Lehmann). Mais il y a rarement de fumée sans feu : un cours de bourse ne baisse pas de 60 % en 6 mois comme celui de Unicredit en Italie au premier semestre 2016 sans raison : au cas particulier des craintes de sous provisionnement du portefeuille de crédits dans le contexte d'une économie italienne qui a dû mal à redémarrer avec un risque politique en octobre (référendum institutionnel). Dans ce cas, le conseil d’administration ne doit pas hésiter à prendre des mesures énergiques (changement de dirigeants, cession d’actifs, augmentation de capital, réduction ou suppression du dividende, etc.) pour casser la spirale négative, montrer qu’il y a un pilote et redonner confiance.

Enfin une baisse des cours durable, après une période de forte progression, rend inintéressant l’exercice de stock-options récemment attribuées, ce qui dans des entreprises où les hommes et les femmes sont le principal actif n’est pas sans poser des problèmes de motivation et de cohésion.

[1] Pour plus de détails sur le goodwill et son traitement, voir le chapitre 7 du Vernimmen 2016.

 



Autre : NOS LECTEURS ECRIVENT : Approche non conventionnelle de la Valeur Actuelle Nette : Comment disloquer les taux sous-jacents ?

"Tanguy FAROULT – Directeur des études, Direction Audit et Risques GROUPAMA – chargé d’enseignement, Mastère Finance et Stratégie, Sciences Po Paris"

Une littérature abondante traite des limites du taux de rentabilité interne (TRI : non toujours calculable, parfois multiple, réinvestissant les flux intermédiaires au TRI du projet) et recommande fortement l’usage de la Valeur Actuelle Nette (VAN : toujours calculable, unique, réinvestissant les flux intermédiaires au coût du capital) pour l’analyse de rentabilité de projets ou la gestion d’un portefeuille d’activité.

Néanmoins, ces articles, focalisés sur les limites bien réelles du TRI, semblent ignorer le défaut majeur de la VAN, qui est sa rigidité. Le coût du capital utilisé pour faire la pesée relative de divers projets (de combien la croissance attendue excède le taux de croissance plancher retenu ?) joue le rôle de 3 taux bien distincts : le taux de réinvestissement des flux, le taux de croissance minimal exigé du capital immobilisé et enfin, le taux d’actualisation prenant en compte le risque. (1)

Si le coût du capital est de 10% est-il raisonnable de penser que les flux des projets seront réinvestis au même taux ? Le recours à un taux sans risque commun à l’ensemble des projets ne serait-il pas plus adapté ? De même le taux d’actualisation doit prendre en compte le risque c'est-à-dire la volatilité intrinsèque de chaque projet : or, rien ne dit que cette volatilité (qui peut être appréciée par exemple en recourant à des scénarios probabilisés (2)) est a priori égale au coût du capital et soit, lorsque le coût du capital est celui de l’entreprise, identique pour tous les projets.

Enfin, lorsque l’on analyse un portefeuille existant, un coût du capital évalué au niveau de l’entreprise et identique pour ses activités, semble une approche bien trop grossière pour suivre et piloter la rentabilité. (3) L’entreprise va pondérer son capital sur  des activités à des niveaux divers de maturité et de rentabilité dont la performance globale doit a minima atteindre le coût du capital requis pour l’entreprise.

Mais le recours aux métriques traditionnelles, telles que définies sous Excel, ne permet pas, par exemple,  de différencier la rentabilité cible par produits (cibles positives et/ou négatives dont la moyenne pondérée donne  le coût du capital) tout en conservant un taux de réinvestissement commun (taux sans risque) et un taux d’actualisation différent du coût du capital retenu.

A cette problématique on oppose souvent la complexité des calculs nécessaires et la matérialité en termes d’impact sur la prise  de décision des écarts de valorisation. Mieux vaut, nous dit-on, utiliser des modèles simplifiés (les fonctions TRI et VAN d’Excel) unanimement acceptés en dépit de leurs limites, que pas de modèle du tout ou une approche controversée rendue non opérationnelle par sa complexité. A ce stade de l’échange, notre interlocuteur citera en général Paul Valéry «Tout ce qui est simple est faux, mais tout ce qui ne l’est pas est inutilisable».

  1. Sur ce thème « Retour sur le TRI » du même auteur  La lettre Vernimmen n°130, Février 2015,
  2. « Avoiding a risk premium that unnecessarily kills your project » R.Davies, M.Goedhart, T.Koller (McKinsey quarterly Review August 2012)
  3. « WACC Fallacy: The Real Effects of Using a Unique Discount Rate » P.KRÜGER, A.LANDIER, D. THESMAR (May 2015)

Pourtant, la dislocation des taux sous-jacents d’une VAN n’est pas un calcul difficile.

 Il suffit de partir d’un format type « calcul de valeur ajoutée économique » (2 taux : taux de rentabilité cible et taux d’actualisation) et d’éclater le calcul du coefficient d’actualisation en ses deux composantes, valeur temps (taux sans risque nominal) et le risque (potentiel de volatilité de l’excédent).

Un exemple  simple permettra d’illustrer la démarche.

Supposons un  projet nécessitant un investissement initial de 25 M€ avec les données suivantes sur trois ans : capital requis de clôture (28, 30, 36) et marge (4, 6, 5).  La performance sur 3 ans, en supposant la récupération du capital immobilisé pour sa valeur faciale en fin de période, se mesurera à partir de  la chaîne de flux  du projet.

Par exemple le flux de  période 1 sera évalué à +1  en déduisant de la marge de période (4)  la dotation au capital requis sur la période (+25-28), le flux de période 2 sera la marge de +6 moins la dotation au capital (+28-30) et le flux de fin de période la marge de 5 et une dotation intégrant la récupération du capital de clôture (+30-36+36) soit la marge de période plus le capital d’ouverture.

La fonction  TRI (valeurs, [estimation]) appliquée à la chaîne de flux des années 0 à 3 (-25, +1, +4, +35) donnera un taux de rentabilité interne de 18% pour des flux de fin de période. Pour un coût du capital de 12% la fonction VAN (-25+ VAN (taux, valeur1, [valeur2],...) donnera une valeur actuelle nette de +3.99 M€. Ce montant pourra également être obtenu en actualisant les flux sur la base du coût du capital k et en les cumulant sur la période étudiée.

Le tableau 1 présente le calcul via une présentation de type « résultat économique » introduite à la fin des années 1990 par le cabinet américain Stern Stewart qui est une approche en « deux taux » (un taux cible k, un taux d’actualisation k’’ souvent identiques) bien plus parlante pour les opérationnels.

Le résultat est rapporté au capital requis d’ouverture (RORAC : Return On Risk Adjusted Capital) et comparé à la croissance attendue (le coût du capital en % appliqué au capital d’ouverture en valeur). Les écarts sont calculés années par années, actualisés et cumulés pour donner la VAN de 3.99 M€.

Tableau 1 – Calcul de résultat économique en 2 taux

En partant de cette présentation, qui n’a que deux taux, comment pouvons-nous calculer une VAN en réinvestissant les flux intermédiaires au taux de 2%, en conservant le taux de croissance cible du capital confié de 12%, et en actualisant la différence en valeur avec un taux de 15% ?

Pour faire un tel calcul il suffit de substituer à la formule classique du coefficient d’actualisation  pour un taux fixe k  de (1+k)-n une  formule non conventionnelle calculant le coefficient d’une année n de la période N  comme le produit (1+k’) (N-n) x (1+k’’)-N  avec un taux de réinvestissement du flux k’ et un taux d’actualisation pour le risque k’’.

Le tableau 2 présente le calcul et la VAN en « trois taux » peut désormais être évaluée à 3.38 M€.

Tableau 2 – Calcul de résultat économique en 3 taux

A titre de contrôle on peut utiliser une approche calculatoire différente et plus complexe travaillant à partir d’un capital immobilisé et des 3 taux.  La première étape consiste (tableau 3) à recalculer le TRI corrigé de la série, c'est-à-dire recalculer un taux de croissance annuel moyen pondéré sur la base du taux de réinvestissement k’ retenu (2%). Ce taux s’établit à +17.1% et la partie droite du tableau 3 rappelle le calcul conventionnel du TRI où les flux intermédiaires sont réinvestis au TRI du projet (18%).

Tableau 3 – approche par les taux : étape 1 TRI modifié

L’étape 2 va consister à  corriger le coût du capital et le calcul est présenté dans le tableau 4 ci-dessous. En effet un coût du capital de 12% sera un taux annuel de 12% au terme de 3 ans si et seulement si le flux intermédiaire est réinvesti à ce même taux. Le coût du capital corrigé (avec un réinvestissement de 2%) deviendra ainsi 11.9% au terme de trois ans.

Signalons que TRI corrigé et Coût de Capital Corrigé peuvent être comparés (tout comme le TRI classique et le coût du capital annuel) comme indicateur avancé du signe de la valeur actuelle nette, puisque la VAN sera nulle quand le TRI corrigé sera égal au coût du capital corrigé

Tableau 4 – approche par les taux : étape 2 Coût du capital modifié

Enfin la dernière étape, présentée en tableau 5 ci-dessous, consistera simplement à calculer le différentiel entre la valeur des flux constatés ou prévus (40.12 M€) et la valeur des flux cibles minimum (34.99 M€) au terme de la période de 3 ans retenue pour « rabattre » ce différentiel sur la base de la volatilité estimée de cet excédent.

Tableau 5 – évaluation de l’excédent/ insuffisance et actualisation fin de période

Conclusion

Cette approche de « dislocation » des taux sous-jacents d’une VAN permet de piloter un portefeuille d’activités, ou de choisir d’investir sur une nouvelle activité, sur la base  d’un meilleur indicateur que la VAN conventionnelle en un taux unique.

 Soulignons qu’en « alignant les trois planètes » (taux réinvestissement= coût du capital= taux d’actualisation prenant en compte le risque) l’approche donne le même résultat que le calcul conventionnel disponible via la fonction VAN d’Excel.

En revanche la puissance de ces approches non conventionnelles provient bien de cette aptitude à disloquer ces trois taux figés dans l’approche traditionnelle, alors qu’ils ne sont rarement, sinon jamais, alignés dans la vraie vie financière de l’entreprise.



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