La Lettre n°138 de Mars 2016

Actualités : Financer ou non ses engagements de retraite

Rappelons tout d’abord que les engagements de retraite sont de deux types :

  • les régimes à  cotisations définies pour lesquels l’entreprise s’engage à verser un certain montant chaque année pour constituer la retraite du salarié (ces sommes sont alors placées jusqu’à la retraite de l’employé dans le cadre de retraites par capitalisation, ou versées à des retraités via un organisme public dans le cadre de retraites par répartition). Le salarié ne sait donc pas de quel montant il disposera à sa retraite (cela dépendra notamment du succès de placement des fonds par les organismes gérant ces retraites). Ces types de régimes n’entraîne pas d’engagements au bilan des entreprises, mais une simple charge se traduisant par un débours de liquidités ;

  • les régimes à prestations définies pour lesquels l’entreprise s’engage à verser au salarié, à sa retraite, un pourcentage de son salaire final (ou d’une moyenne de ses salaires). L’entreprise peut préalablement au départ à la retraite de ses employés investir dans des actifs qui seront liquidés au fur et à mesure où les retraites doivent être versées. Mais elle n’en a pas dans tous les pays l’obligation. Par ailleurs, l’engagement que prend l’entreprise dépend de l’espérance de vie du futur retraité et de sa pérennité dans l’entreprise[1]. Dans ce cas, l’entreprise constatera une provision reflétant l’estimation de la valeur actuelle des retraites à payer sous déduction de la valeur des actifs de couverture dans lesquels l’entreprise a investi.

Les provisions pour engagements de retraites peuvent représenter des sommes substantielles : 3,8 Md$ pour Total, 8,5 Md€ pour Deutsche Telekom, 21,6 Md$ pour General Motors…). Au global au Royaume-Uni, le déficit de financement des plans de retraite atteignait 244 Md£ en 2015[2] (1 298 Md£ d’actifs contre 1 542 Md£ d’engagements). Aux Etats-Unis, le déficit de financement des 100 entreprises avec le déficit le plus important atteignait 326 Md$ en 2014[3]. Il était estimé à 100 Md€ pour les firmes du CAC 40[4].

Si ces déficits de financement des engagements de retraites sont assimilables à de l’endettement financier [5] pour l’analyse financière et la valorisation ; ils ont, pour le directeur financier, une nature éminemment comptable : aucun établissement financier ni investisseur ne prête effectivement ces sommes aujourd’hui. Ce sont en fait les salariés qui le font !

Une question récurrente et complexe pour le directeur financier qui doit gérer un montant important d’engagements de retraite est de savoir si l’entreprise a intérêt à combler à court terme ce déficit de financement ou non, voire (car c’est parfois possible) de demander à un assureur de se substituer à l’entreprise dans ces engagements.

Les solutions possibles

  • Ne rien faire… et vivre avec ce déficit. Les besoins de trésorerie se matérialiseront quand les employés partiront à la retraite. Pour une entreprise relativement jeune, ce n’est certainement pas un raisonnement absurde…

  • Combler graduellement le déficit d’année en année. Notons que les contributions exceptionnelles venant combler le déficit s’imputent directement sur les capitaux propres et ne donnent pas lieu à une charge au compte de résultat. Certaines législations imposent ce comblement sur une certaine période (7 ans aux Etats-Unis par exemple).

  • Emprunter pour combler le déficit immédiatement.

  • Transférer, moyennant le paiement d’une soulte, tout ou partie des engagements à une compagnie d’assurance qui se substituera alors à l’entreprise pour le paiement des retraites. Cette solution n’est en pratique possible que pour les plans dont les droits sont figés. Les assureurs sont plus à l’aise avec le « rachat[6] » uniquement des employés déjà partis en retraite (mais cela peut être une partie importante des engagements des groupes industriels)

  • Ne transférer que le risque d’évolution des tables de mortalité grâce à un swap de table de mortalité (les anglo-saxons parleront de longevity swaps)

  • Fermer le plan aux nouveaux entrants et stopper le gain de nouveaux droits pour les employés dans le plan. Ainsi les engagements sont figés (à l’exception du pourcentage d’employés qui restera effectivement dans l’entreprise jusqu’à leur retraite). Il faut bien évidemment alors offrir une compensation aux salariés (généralement un plan à contribution définie). Au Royaume-Uni, 34 % des plans sont ainsi figés. En 2015, US Steel a choisi de figer l’acquisition de nouveaux droits dans ses plans (ceux-ci étant déjà fermés aux nouveaux entrants depuis 2003)

  • … Au moins fermer les plans aux nouveaux entrants (en proposant aux nouveaux employés des retraites à cotisations définies) ce qui résoudra le problème, au moins à terme ! Au Royaume-Uni, la moitié des plans sont fermés aux nouveaux entrants

Les critères à prendre en compte

Les options ouvertes pour le traitement des passifs de retraite et la meilleure option à retenir pour les gérer dépendent de la situation de chaque entreprise :

  • dans quels pays l’entreprise a-t-elle des plans à prestations définies ? Suivant les géographies, les paramètres fiscaux et juridiques (capacité à fermer les plans, obligations de compensations envers les employés, déductibilité des contributions, taxe sur les déficits) seront différents, mais également la sophistication des investisseurs (ainsi, les longevity swaps sont fréquents au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas par exemple mais extrêmement rares encore en France) ;

  • les plans ouverts le sont-ils à de nouveaux entrants ?

  • les plans sont-ils fermés à l’accumulation de nouveaux droits pour les employés déjà dans le plan ?

  • quelle est la proportion de retraités dans les plans ?

Ces critères influeront sur l’appétit des compagnies d’assurance de se voir transférer tout ou partie des engagements. Cet appétit se matérialisera sur leur volonté de faire ou non et sur le montant de la soulte qu’elles exigeront (qui pourra aller de 100% du montant comptable à plus de 150% du montant comptable)

Par ailleurs l’entreprise sera sensible à :

  • la capacité de lever des financements

  • la prise en compte ou non par les tiers (agence de rating, analystes, investisseurs) de ces engagements.

On peut lister les arguments faisant pencher la balance d’un coter ou d’un autre :

  • Les arguments pour un transfert des passifs

Se défaire de risques mal maîtrisés par l’entreprise. La valeur des engagements de retraite au bilan va varier en fonction des tables de mortalités, de la performance financière des marchés, des taux d’intérêt, de la politique salariale de l’entreprise, de la longévité des employés au sein de l’entreprise… Certains de ces risques font partie de l’activité de l’entreprise (politique RH par exemple), d’autres s’imposent sans que l’entreprise n’ait de levier. Dans le cas extrême où l’entreprise cède à une compagnie d’assurance l’ensemble des risques (que celle-ci acceptera moyennant le paiement d’une soulte bien sûr), l’entreprise pourra se concentrer sur ses opérations sans voir ses performances financières impactées par l’allongement de l’espérance de vie par exemple.

Jouer les économies d’échelles. A nouveau, si la solution retenue est d’externaliser l’engagement auprès d’une compagnie d’assurance, cette dernière agrègera les engagements de plusieurs entreprises.

Réduire la charge fiscale (notamment aux Etats-Unis). L’administration américaine inflige une taxe de 3% (ce taux étant régulièrement révisé… à la hausse, le taux pourrait atteindre 4% en 2019) sur les déficits de pension américains. Ce qui représente une incitation claire à combler le déficit.

Montrer une gestion pro-active de ses engagements. Aussi bien vis-à-vis de ses actionnaires que de ses créanciers (largement représentés par les agences de notation), une gestion proactive et transparente des engagements de retraite démontre la prise de conscience de l’importance de cet élément pour l’entreprise.

Améliorer facialement ses performances financières ? Les charges de retraite sont comptabilisées pour partie en frais de personnel (acquisition de nouveaux droits, charges du plan) et pour partie en frais financier (« désactualisation » c’est-à-dire constater une année de moins dans le calcul de la valeur actuelle nette). En imaginant se défaire d’un plan qui donne lieu à l’acquisition de nouveaux droits, on transformerait des frais de personnel en frais financiers (sur la dette levée pour financer le transfert les engagements) et donc une amélioration de l’EBE… Mais ceci est un peu théorique car les assureurs ne sont pas prêts à reprendre des plans ouverts ou donnant droit à de nouveaux droits.

  • Les arguments pour le statu quo

Ne pas réduire la duration de son endettement. Les engagements de retraite sont des engagements à très long terme. Substituer une dette nécessairement à plus court terme (en tout cas en Europe où les dettes bancaires dépassent rarement 5 ans et les dettes obligataires 15 ans) va donc réduire la duration moyenne des dettes de l’entreprise (dans la mesure où l’analyste les a effectivement retraités comme de la dette !).

Ne pas imposer de fait un retraitement qui n’était pas fait pas tous les analystes/investisseurs. C’est certainement dommage, mais tous les analystes et tous les investisseurs n’ont pas lu le Vernimmen et certains ne retraitent pas les engagements de retraite dans la dette. Substituer à une provision une dette financière met en évidence cet élément que certains ont pu oublier…

 

Le sujet des engagements de retraite est éminemment technique et nécessite de maîtriser des domaines très divers (comptabilité, fiscalité, droit social, gestion RH, …). A ce titre il rebute plus d’un directeur financier. Mais compte tenu des montants en jeu, il serait certainement inconscient de s’en désintéresser. Une étude approfondie de chaque plan et des solutions envisageables est donc souhaitée.

 

 

[1] En France l’obligation s’éteint lorsque le salarié quitte l’entreprise, dans la plupart des autres pays, l’obligation est pondérée par le nombre d’années (par rapport à la carrière totale) où l’employé reste dans l’entreprise.

[4] Galéa et Associés

[5] Voir chapitre 8 du Vernimmen

[6] Le terme n’est pas très heureux étant donné que les assureurs se font bien évidemment payer pour reprendre ces engagements

 



Tableau : Les taux d'impôt en France

Principaux taux d’impôt sur les bénéfices, les plus-values, les dividendes et intérêts reçus, réalisés en France par les sociétés et les personnes physiques[1] :

 

(1)        15 % sur les premiers 38 120 € de résultat imposable. Les charges financières nettes ne sont déductibles qu’à hauteur de 75%  de leurs montants lorsque celui-ci dépasse 3M€ (seuil et non franchise). De plus les bénéfices distribués supportent une contribution supplémentaire de 3%  (disposition ne s’appliquant ni aux succursales de sociétés établies dans l’Union européenne ni aux « PME communautaires », i.e. les sociétés exploitantes qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 M€ ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43M€).

(2)        La contribution sociale de 3,3 % est assise sur l’IS de référence sous déduction d’un abattement de 763 000 € par période de 12 mois (lorsqu’un exercice est différent de 12 mois, l’abattement est ajusté en conséquence) ; d’où, si l’IS de référence est inférieur à 763.000 €, un taux d’IS de 33,33% seulement (CA < 250 M€) ou de 36,90% (CA >250 M€). Ce taux passe sinon à 34,43% (CA < 250 M€) ou 38% (CA > 250 M€).

(3)        Pour simplifier le tableau, seul est pris en compte l’IS au taux normal. Des taux réduits s’appliquent dans certains cas (19 % ou 15 %).

(a)         Sociétés dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 7,630 M€ et dont le capital, entièrement libéré, doit être détenu pour au moins 75 % par des personnes physiques (ou des sociétés qui satisfont aux conditions).

(b)        Bénéficient du  régime des plus-values et moins-values à long terme les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans qui revêtent ce caractère au plan comptable ainsi que ceux considérés comme tels par la loi fiscale : (i) titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, voir c), prévu aux articles 145 et 216 du CGI si inscription à une subdivision spéciale d’un compte de bilan correspondant à leur classification comptable (ii) actions acquises en exécution d’une OPA ou OPE par l’entreprise initiatrice.

La moins-value constatée lors de la cession de titres de participation détenus depuis moins de deux ans à une société liée est mise en suspens. Le régime et la date d’imposition de ce résultat dépendent du maintien ou non des titres dans le groupe économique.

Sont imposables au taux réduit de 15% (hors majorations applicables) les plus-values de cession de parts de FCPR et d’actions de SCR lorsque ces titres sont détenus depuis plus de 5 ans Ce taux réduit de 15% s’applique également aux produits nets de concession de brevets, d’inventions brevetables ou de procédés de fabrication ainsi que les plus-values y afférentes.

Sont taxables au taux réduit de l’IS de 19%, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées réalisées par une société relevant de l’IS. Celles provenant de titres non cotés sont taxables au taux normal de l’IS.

Les cessions de titres de sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif ne relèvent pas du régime long terme.

(c)         Participation d’au moins 5 % du capital conservés pendant au moins deux ans. Concerne aussi les titres dépourvus de droit de vote (actions de préférence) si la société mère détient globalement au titre de cette participation au moins 5% du capital et des droits de vote de la société émettrice. Sont exclues de ce régime les participations dans des sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés (notamment SIIC pour les dividendes prélevés sur des bénéfices exonérés, SICAV…). De même, le régime mère-fille n’est pas applicable aux distributions réalisées par les sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI.

 (d)      Les moins-values subies au cours d’une année par les personnes physiques sont imputables sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année et des 10 années suivantes.

 

[1] Hors régimes spéciaux et plus-values immobilières.

 



Recherche : Qui achète des actions de croissance et qui achète des actions dépréciées ?

par Laurent Calvet - Enseignant-chercheur à HEC

Une vaste littérature documente que les actions dépréciées (« value stocks ») surperforment les actions de croissance (« growth stocks ») sur le long terme (Fama et French 1992, 2012, Graham et Dodd 1934). L’explication de ce phénomène empirique constitue l’un des enjeux majeurs de la recherche contemporaine en finance. Deux grands types d’explications ont été proposés. L’approche rationnelle est fondée sur le fait que les valeurs dépréciées sont fortement exposées aux fluctuations macroéconomiques (Cochrane 1999), ce qui inciterait les investisseurs à exiger de fortes primes de risque sur ces titres. L’approche comportementale considère que les actions de croissance font l’objet d’une exubérance irrationnelle de la part des investisseurs, ce qui ferait de ces titres de très mauvais investissements. 

La recherche a jusqu’à présent peiné à faire la part des choses entre ces mécanismes sur la base de données boursières et macroéconomiques traditionnelles, qui n’apportent pas d’informations sur les motivations des investisseurs. Dans un article à paraître dans Journal of Finance[1], Sebastien Betermier, Laurent Calvet et Paolo Sodini étudient ces questions sur des données microéconomiques recensant le patrimoine financier et les revenus de chaque résident suédois. L’article montre que les approches rationnelles et comportementales contribuent toutes deux à expliquer les arbitrages des ménages en actions de valeur et actions de croissance. En particulier, les choix des ménages sont remarquablement cohérents avec les théories rationnelles. Il est donc raisonnable de penser que les actions de valeur surperforment les actions de croissance en raison d’expositions différentes aux fluctuations macroéconomiques, qui semblent comprises par les ménages.

Plus précisément, les auteurs montrent que les actions de valeur sont plutôt détenues par les ménages ayant une forte capacité à absorber le risque financier, par exemple parce qu’ils disposent d’un patrimoine financier et immobilier élevé, ont un faible niveau d’endettement, reçoivent un salaire stable, ou ont peu d’enfants à charge. Inversement, les ménages ayant une position financière plus fragile ont tendance à peu investir en actions de valeur et à privilégier les actions de croissance.

 

Les auteurs mettent en évidence une relation linéaire entre l’âge d’un investisseur et la fraction du portefeuille détenue en actions de valeur. Plus un investisseur est âgé, plus il a tendance à investir en actions de valeur. Cette « value ladder » est cohérente avec le fait que lorsqu’un investisseur vieillit, ses revenus futurs (capital humain) deviennent davantage constitués de pensions de retraite que de salaires.  Un investisseur plus âgé est donc moins exposé aux fluctuations macroéconomiques qu’un investisseur plus jeune, et est donc plus à même d’investir en titres cycliques tels que les actions de valeur. Une explication complémentaire est que les actions de croissance promettent des dividendes à un horizon lointain et sont donc très sensibles aux variations du taux d’actualisation, ce qui rend ces titres particulièrement risqués pour des ménages âgés ayant un court horizon d’investissement.

Enfin, l’arbitrage entre actions de valeur et actions de croissance tend à varier suivant les secteurs dans lesquels travaillent les investisseurs. Les ménages travaillant dans des secteurs cycliques ont, ceteris paribus, tendance à moins investir en actions de valeur. De plus, la relation entre âge et investissement  en actions de valeur (« value ladder ») est plus prononcée dans les secteurs cycliques. Ces diverses régularités sont remarquablement cohérentes avec les théories rationnelles.

[1] Who Are the Value and Growth Investors?



Q&R : Comment les entreprises cotées rachètent-elles leurs actions ?

Lorsqu’une entreprise souhaite racheter ses actions[1], elle peut le faire :

  • Par rachat au fil de l’eau sur le marché.
  • Par rachat auprès d’un actionnaire en particulier.
  • Par offre publique de rachat d’actions (OPRA) ouverte à tous ses actionnaires.

 

  1. Les rachats d’actions au fil de l’eau

Les sociétés cotées peuvent racheter sur le marché (au fil de l’eau) jusqu’à 10 % de leur capital dans le cadre d’un programme de rachat d’actions d’une durée maximum de 18 mois (le programme pouvant bien évidemment être renouvelé). Les rachats ne doivent pas représenter plus de 25 % du volume moyen des transactions sur Euronext[2], sauf achat de blocs. Le plus fréquemment, les actions acquises sont annulées (dans la limite de 10 % du capital tous les 24 mois). Elles peuvent également être conservées par l’entreprise pour servir de monnaie dans le cas d’une acquisition ou être remises aux salariés en cas d’exercice de stock-options/actions de performance ou aux porteurs d’obligations convertibles qui en demandent la conversion. Les actions auto-détenues tant qu’elles sont détenues par la société perdent leur droit de vote et leur droit au dividende. Enfin, elles peuvent alimenter un contrat de liquidité exécuté par un intermédiaire indépendant ou être revendues à l’issue d’un programme de rachat.

Pour mettre en œuvre ce programme, l’entreprise peut simplement demander à une banque d’acheter une certaine quantité de titres par jour (dans la limite autorisée). Elle peut également donner un mandat à une banque d’acquérir un certain volume sur une certaine durée. La banque cherchera alors à acheter selon les meilleurs intérêts de l’entreprise sans prendre d’engagement de livrer les titres exactement au cours moyen pondéré par les volumes de la période.

La banque peut également prendre un engagement plus ferme sur le prix d’achat. Certains algorithmes d’achat (modulant la quantité de titres acquis chaque jour en fonction de la performance du titre) et un certain savoir-faire du courtier (quant au moment des achats dans la journée) permettent aux banques de pouvoir garantir à l’entreprise un prix moyen d’achat des titres inférieur au cours moyen pondéré par les volumes quotidiens[3] sur la période. Les banques parleront de rachats « VWAP minus ». Cette « bonification » est en réalité obtenue principalement en laissant à la banque une flexibilité sur la durée du programme de rachat lui permettant d’en déterminer l’échéance effective[4].

Dans le même esprit, certaines entreprises proposent de partager la performance afin d’aligner les intérêts de la banque et de l’émetteur. Ainsi, par exemple si le cours pondéré sur la période est de 100 et que la banque réussit à acquérir les titres à en moyenne 95, la performance (ici 5 = 100 - 95) sera répartie entre l’entreprise (par exemple 85 % soit 4,25, son prix d’achat effectif sera alors 100 - 4,25 = 95,75) et la banque (dans notre exemple 15%, soit 0,75).

  1. Rachats auprès d’un actionnaire spécifique

Une société peut procéder au rachat d’actions auprès d’un de ses gros actionnaires (minoritaires) identifiés. Cette opération permet alors d’organiser la sortie totale ou partielle de cet actionnaire. C’est une alternative pour lui à la cession sur le marché d’un bloc, cette alternative aura le mérite de ne pas peser sur le titre. Ainsi en 2014, l’Oréal a racheté 8 % de son capital auprès de Nestlé ; en 2015 Publicis a acquis 1,1% de ses titres auprès de la famille Badinter.

Notons que, comme cette opération n’est pas égalitaire, elle devra respecter certaines contraintes de prix (prix de marché) afin de garantir une équité.

  1. Les OPRA

Dans la pratique, le conseil d’administration, utilisant une autorisation qui doit lui avoir été donnée par l’AGE, propose à tous les actionnaires de leur racheter tout ou partie de leurs actions à un certain prix et ce pendant une certaine période (de l’ordre de quelques semaines). Si trop de titres sont présentés à l’offre, la société procède à une réduction des demandes de rachat et annule les titres rachetés. Ainsi Alstom a-t-il lancé en 2016 une OPRA portant sur 29,5 % de son capital : seulement 39,1 % des actions apportées à l’offre ont été effectivement rachetées car les montants apportés dépassaient de loin la taille de l’offre. Si, au contraire, un nombre insuffisant de titres est présenté, l’émetteur acquiert, puis annule alors toutes les actions proposées.

Contrairement aux deux types de transaction présentées précédemment qui sont réalisées au cours de bourse (ou marginalement en dessous), l’OPRA est proposée avec une prime par rapport au cours de bourse.


[1] Le chapitre 40 du Vernimmen 2016 vous renseignera sur le pourquoi des rachats d’actions.

[2] Cette modalité est préconisée par l’AMF pour éviter toute suspicion de manipulation de cours (satisfaisant ainsi aux règles de safe harbor - présomption irréfragable de légitimité)

[3] VWAP – Volume Weighted Average Price.

[4] La durée initialement fixée est donc une durée maximale du programme

 



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