La Lettre n°93 de Décembre 2010

Actualités : L'analyse financière des BRICs

Depuis trois ans nous avons étudié la situation financière des principaux groupes cotés de Chine (1), d'Inde (2), du Brésil (3) et de la Russie (4). Nous avons refait ce travail sur les comptes 2009 afin de pouvoir mettre en exergue les différences entre les groupes de ces pays.
Au total notre étude porte sur des groupes non financiers regroupant :


Une grande partie de l'économie russe et brésilienne est déjà cotée en bourse, alors que l'Inde et la Chine ont une proportion deux fois moindre de leur PIB coté, ce qui laisse entrevoir que 2011 ne sera pas la dernière année en Chine d'introductions en bourse à tour de bras.

Activité

L'économie russe est très marquée par les matières premières et l'énergie, alors que le Brésil, l'Inde et la Chine sont beaucoup plus diversifiés :

En matière de croissance, la Russie se singularise par une croissance en volume nettement plus faible de 2006 à 2009 que celle de ses pairs (2%). Ceci s'explique par le recul brutal de 2009 (-10%) largement induit par l'évolution du prix du pétrole, compte tenu de l'importance de l'énergie dans l'économie russe :

Marges

Elles sont très élevées en Russie, pays où l'intensité concurrentielle est faible, et au Brésil, car dans ces deux pays l'énergie joue un rôle majeur et comme il s'agit d'un secteur très capitalistique, les marges sont tendanciellement plus élevées :

Naturellement, les marges baissent en 2009 mais à des niveaux qui n'ont rien d'inquiétant. A titre de comparaison, en 2009 le ratio résultat d'exploitation / chiffre d'affaires des groupes européens cotés était de l'ordre de 9% et on attend 12% en 2010.

On ne manquera pas de constater que la Chine, atelier du monde, a les marges les plus faibles.


Investissements

Ils sont naturellement élevés en relatif compte tenu des taux de croissance en volume :

Côté besoin en fonds de roulement, les BRIC ont encore beaucoup à apprendre mais il est difficile d'être bon en même temps sur tous les critères ! Et quand la croissance est là, la gestion du BFR est souvent une priorité de second ordre.

Financement

Un niveau d’endettement globalement modéré mais trop marqué par l’endettement à court terme en Chine et en Russie, résultat probable d’une faible protection des prêteurs et / ou d’une fiabilité relative des comptes :

Rentabilités
Les groupes chinois en moyenne gagnent moins que leur coût du capital et ce n’est pas le propre de la mauvaise année 2009 (5). Les groupes russes aussi, mais cela est moins net et surtout cela est circonscrit à 2009. En effet en 2007 et 2008, ils gagnaient environ 17 % sur leur actif économique.

Valorisation et conclusion

Le Brésil a des caractéristiques qui le rapproche d’un pays développé : taux de distribution des résultats élevé, flux de trésorerie disponibles positifs, moindre croissance sauf pour ses paramètres d’évaluation : fort PBR.

La Chine croît vite mais sans assez de rentabilité, donc génère des flux de trésorerie négatifs qui sont couverts par un endettement à court terme. Si cela n’est pas corrigé dans les années qui viennent, les désillusions boursières risquent d’être grandes.

L’Inde croît et accumule les dettes.

La Russie crée sur le papier beaucoup de valeur mais les groupes russes sont mal valorisés (PBR de 0,9) probablement à cause des risques élevés de ce pays (et pas uniquement climatiques …), d’un faible gouvernement d’entreprise et de marges qui devraient baisser avec le développement de la concurrence.

(1) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 61 de décembre 2007.
(2) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 72 de janvier 2009.
(3) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 87 de mai 2010.
(4) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 89 de juillet 2010.
(5) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 61 de décembre 2007.


Tableau : Le coût du crédit aux entreprises en France

La Banque de France publie dans son Bulletin Mensuel de novembre 2010 les résultats de son enquête trimestrielle sur le coût du crédit aux entreprises et aux entrepreneurs individuels lorsque l’usage du prêt est professionnel.

 

Sans surprise, il y a une corrélation négative entre la taille du crédit et les conditions de taux. La taille du crédit est en effet un indicateur de fragilité de l’emprunteur et de faiblesse de sa position de négociation.

On ne commentera pas plus que dans une perspective historique les taux d’intérêt à court, moyen et long termes, sont à des niveaux très bas (1).

S’il est bien un produit que les banquiers ne poussent pas à la vente, c’est le  découvert, en  particulier auprès des très petites entreprises : jusqu’à 76 000 € de crédit, il est plus cher que toute autre forme de crédit y compris à moyen ou long terme malgré une courbe des taux qui a retrouvé une certaine pentification.

A 10 %, il faut vraiment ne pas avoir d’autres choix pour y recourir ! Le taux du découvert est le même qu’il y a quatre ans alors que les autres taux des ressources à court terme ont baissé de 1 à 2 %.

En revanche, pour les entreprises plus grandes (crédit supérieur à 0,3 M€), il n’y a pas de différence significative dans le taux d’intérêt des différentes formes de concours à court terme. 
(1) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 92 de novembre 2010.



Recherche : La valeur des administrateurs indépendants

Nous présentons ce mois-ci un article qui étudie la contribution des administrateurs indépendants à la valeur de l’entreprise. Deux spécialistes de la finance d’entreprise (1) ont montré que l’annonce de la mort subite d’un administrateur indépendant conduit à une chute du cours de l’action de 0,85% en moyenne. Leur analyse porte également sur l’importance du degré d’indépendance de l’administrateur décédé ; la réaction boursière est d’autant plus importante que son indépendance était élevée.

L’apport de cet article à la littérature sur les administrateurs indépendants vient de son approche, consistant à utiliser la mort subite comme phénomène exogène aux caractéristiques de l’entreprise. La plupart des études empiriques sur la valeur créée par les administrateurs indépendants font face à une difficulté majeure : la présence d’administrateurs indépendants est elle-même partiellement expliquée par la situation de l’entreprise. En particulier, il est établit que de mauvaises performances conduisent à un conseil d’administration plus indépendant. Ceci pourrait expliquer que beaucoup de travaux concluent à une influence nulle, voire négative, de l’indépendance des administrateurs sur la valeur de l’entreprise. En identifiant 229 cas de mort subite d’administrateurs indépendants (2), les auteurs ont construit une base de données permettant d’étudier la réaction du marché à la disparition exogène et non anticipée d’un administrateur indépendant. Les principaux résultats de cette publication sont les suivants :

• sur une période de 4 jours autour de l’annonce officielle du décès (entre J-1 et J+2), l’action de l’entreprise affiche une sous-performance moyenne de 0,85% ;
• la réaction négative est plus élevée pour les administrateurs dont le degré d’indépendance est élevé. C’est le cas des administrateurs présents depuis peu, car à l’inverse une longue présence dans le conseil d’administration crée un attachement de l’administrateur à l’entreprise et à sa direction. C’est aussi le cas des administrateurs qui n’ont pas été nommés par le PDG actuel de l’entreprise (3) ;
• l’effet est également plus marqué lorsque l’administrateur décédé possédait le droit de vote décisif pour assurer la majorité aux indépendants, ou lorsqu’il est membre du comité d’audit de l’entreprise ;
• la réaction du marché est bien liée à l’indépendance de l’administrateur et non à ses capacités intrinsèques ou son expérience (4).

Par son approche originale et la qualité de la base de données exploitée, cet article apporte une démonstration empirique très convaincante de l’apport des administrateurs indépendants à la valeur de l’entreprise.
(1) B.D.NGUYEN et K.M.NIELSEN (2010), The value of independent directors : evidence from sudden deaths, Journal of Financial Economics, n°98, pages 550-567.
(2) L’étude porte sur les sociétés cotées sur les marchés américains entre 1994 et 2007.
(3) Cet effet est bien entendu mesuré toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire après prise en compte de la durée au conseil d’administration.
(4) Les auteurs utilisent le fait que certains de ces administrateurs siégeaient dans plusieurs conseils d’administration pour isoler les « effets fixes » liés à la compétence. Ils prennent également en compte le niveau de qualification des administrateurs indépendants.



Q&R : L'assurance de la garantie de passif


Quiconque a déjà cédé ou acquis une entreprise dans sa vie, ou participé en tant que conseil à ce processus, sait qu’il y a toujours un moment psychologiquement délicat (et financièrement important) quand se pose la question inéluctable de la garantie de la garantie de passif.

On se rappelle (1) que la garantie de passif protège l’acheteur contre des risques non révélés au moment de la cession qui apparaîtraient après la réalisation de celle-ci et qui trouveraient leur origine dans des actes ou des faits survenus avant la cession. Ainsi un contrôle fiscal invernant deux ans après la cession et portant sur un exercice clos avant le cession ; ou un client qui devait payer une créance commerciale et ne le fait, in fine, pas, cette créance n’ayant pas été provisionnée.

Autrement dit, l’acquéreur prend un risque de contrepartie (2) sur le cédant qui pourrait être devenu insolvable au moment où la garantie de passif trouverait à s’appliquer, et donc incapable d’indemniser financièrement l’acquéreur.

Et comme jamais personne n’accepte de gaîté de cœur d’être soupçonné de pouvoir devenir insolvable, en particulier pas les personnes physiques, le moment où ce sujet est abordé est toujours délicat.
Les moyens classiques de couvrir ce risque sont :

• le séquestre d’une partie du prix de vente sur lequel viendra s’imputer les éventuels paiements au titre de la garantie de passif ;
• une caution bancaire ;
• une garantie à première demande.  

A ces moyens traditionnels s’est ajoutée au cours du temps l’assurance. En effet, certaines compagnies d’assurance proposent d’assurer ce type de risque, pour le compte des acheteurs (l’acquéreur peut alors actionner directement l’assureur sans avoir à réclamer d’abord au vendeur) ou des vendeurs (le vendeur est alors couvert contre les conséquences pécuniaires pour lui des réclamations faites par l’acheteur au titre de la garantie). La prime payée, au titre de ce contrat d’assurance, correspond donc à une majoration du prix payé ou à une minoration du prix reçu dans la transaction.

Dans des cas compliqués et pour autant que le marché de ce type d’assurance soit ouvert, il peut s’agir d’un vrai deus ex machina, d’autant qu’une telle assurance peut être très vite mise en place (de quelques jours à deux semaines). Cependant, il ne faut pas se cacher que ce segment du marché de l’assurance est étroit et qu’il peut se tarir. Ainsi, après un tournant du siècle très actif, le marché s’est refermé dans les années 2002 – 2004 du fait de l’arrivée de débours sans relation avec les primes facturées. Il connaît depuis peu une nouvelle vigueur.

La police garantie de passif ne couvre pas les risques déjà évalués dans les annexes au contrat de garantie, les domaines n’ayant pas fait l’objet de due-diligence,les ajustements de prix post closing, les amendes et les pénalités, les fraudes du vendeur.

Il faut tabler sur des primes entre 2 à 4 % du plafond de la garantie avec une franchise de 0,5 à 2 % de la valeur de la transaction et une prise de risque maximum pour la compagnie d’assurance de quelques dizaines de M€, le plus souvent. Avec une valeur de transaction de 150 M€ et une plafond de garantie à 25 % de ce montant (37,5 M€), une franchise de 1,5 M€; le coût est de l’ordre de 1 M€, soit 0,7 % du volume de la transaction.
(1) Voir le chapitre 48 du Vernimmen 2011.
(2) Voir le chapitre 54 du Vernimmen 2011.


Autre : Nouveau sur le site www.vernimmen.net


Nous avons créé, sous l’onglet ressources, une page consacrée à l’histoire récente de la finance. En effet, depuis que le Vernimmen parait tous les ans afin de mieux servir ses utilisateurs, nous ouvrons chaque nouvelle édition par quelques pages qui mettent en perspective l’évolution des pratiques et de la théorie de la finance sur l’année écoulée. Cette nouvelle partie du site www.vernimmen.net regroupe ces mises en perspectives successives.
Cependant, nous réservons aux propriétaires de l’édition 2011 ou aux abonnés de l’édition électronique en ligne du Vernimmen, cette mise en perspective qui ne figurera dans cette rubrique qu’après la parution de l’édition 2012 (prévue en septembre 2011).

*********** Actualisation de la version électronique du Vernimmen 2011 ***********
sur www.vernimmenenligne.net

Nous avons mis à jour les graphiques et tableaux statistiques qui pouvaient l’être avec des données à début décembre 2010 pour :

• Le nombre de sociétés cotées dans le monde
• Les capitalisations boursières dans le monde
• Les volumes de transactions sur les bourses mondiales
• La valeur de quelques actifs en France depuis 1996
• Les bêtas des actions de l’Eurostoxx 50
• Les corrélation entre les rentabilités des pays
• Les primes de risque en Europe et aux Etats-Unis
• La prime de liquidité en Europe
• Les spreads obligataires en Europe
• Les spreads obligataires aux Etats-Unis
• L’évolution des taux d’intérêt français
• Les émissions de billets de trésorerie
• Les volumes de crédits syndiqués
• Les taux de rendement des actions
• Les PBR des actions
• Les PER des actions
• Taux d’intérêt et inverse du PER
• La volatilité du marché action
• Les émissions d’obligations convertibles en Europe
• Les augmentations de capital Europe
• Les introductions en bourse dans le monde
• Les opérations de rapprochement dans le monde
Pour les consulter, cliquez ici.


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