La Lettre n°72 de Janvier 2009

Actualités : L'analyse financière des entreprises indiennes

4 895 entreprises indiennes étaient cotées en décembre 2008 sur les bourses indiennes. En éliminant de l’échantillon celles du secteur financier, celles ne disposant pas de 4 années de comptes et celles trop petites, on aboutit à un ensemble de 468 sociétés représentant 78% de la capitalisation boursière indienne (qui est d’environ 430 Md€, soit 40% de celle d’Euronext Paris ou à peu près celle de l’Australie ou de l’Italie).

Nous leur avons appliqué la méthodologie d’analyse financière habituelle (1). Leurs comptes agrées sont disponibles sur demande via la boite aux lettres du site www.vernimmen.net. Pour la plupart, elles clôturent leurs comptes au 31 mars.


Création de richesse

Le chiffre d’affaires cumulé des entreprises indiennes de l’échantillon est de 349 Md€, soit l’équivalent du chiffre d’affaires cumulé de BP et Total.

Les entreprises indiennes cotées font apparaître une très grande diversité de taille : les 10% les plus grandes font 80% du chiffre d’affaires, 90% du résultat d’exploitation avec des chiffres moyens de 6Md€ et 0,9 Md€.

A l’inverse, les 10% les plus petites font 0,4% de chiffre d’affaires, -0,1% du résultat d’exploitation avec des chiffres moyens de 33 M€ et -7 M€.
La concentration est nettement plus forte qu’en Chine (2).
L’énergie est le premier secteur avec 36% du total, en lent déclin relatif depuis quelques années au profit des matières premières et des industries de base (23%). L’informatique souvent citée comme secteur emblématique ne fait que 6% du chiffre d’affaires : 


Sans surprise le niveau de croissance de ces entreprises cotées a été fort depuis 2005 avec + 26%/an en moyenne. Comme l’inflation indienne a été de l’ordre de 5%/an, ces entreprises ont cru en volume de l’ordre de 20%/an, soit beaucoup plus que l’économie indienne dans sa totalité qui s’est contentée d’un taux de croissance en volume de 9%/an environ.

Cette forte croissance est accompagnée d’une stabilité des marges d’exploitation :

A titre de comparaison les marges d’exploitation des groupes européens ont été en 2007 de l’ordre de 12%. A la différence de la Chine (où ce même ratio était de 10,7%) spécialisée dans des exportations à bas prix, l’Inde s’est plus focalisée sur des produits et des services plus hauts de gamme (45% de ses exportations).


Investissements
La gestion de l’actif économique ne montre pas de faiblesse :

Le besoin en fonds de roulement est à peu près stable en jours de chiffre d’affaires :

ainsi que l’utilisation des actifs immobilisés dans un pays où le poids des services est déjà élevé (54% de la valeur ajoutée contre par exemple 40% en Chine) et donc l’intensité capitalistique plus faible :

Sans surprise, compte tenu du fort taux de croissance de l’activité, les investissements représentent 3,5 fois la dotation aux amortissements, si bien que les immobilisations nettes représentent 63% des immobilisations brutes contre 50 % pour l’échantillon européen et 75% en Chine.


Financement
Compte tenu de la forte croissance et malgré une excellente rentabilité comme on le verra dans un instant, les entreprises indiennes de notre échantillon ont dégagé depuis 2005 un flux de trésorerie disponible après frais financiers systématiquement négatif, très majoritairement couvert par endettement :

L’augmentation de l’endettement qui a doublé sur la période reste tout a fait raisonnable globalement puisque l’excédent brut d’exploitation a connu la même évolution sur la période et que l’endettement net de départ était modéré : 0,9 fois l’EBE 2004-2005. Au total, il reste au 31 mars 2008 :1,1 fois l’EBE alors qu’en Europe et aux Etats-Unis (3) le ratio était de 1,5 et en Chine de 1,3.
Rentabilité
La rentabilité des entreprises indiennes cotées est excellente : autour de 20% après impôt pour la rentabilité économique, soit largement plus que le coût du capital, même avec une prime de risque à 10% (4) ! La rentabilité des capitaux est encore meilleure compte tenu d’un effet de levier modéré : environ 23% à comparer avec 15% en Europe (5).

Avec une forte croissance, une forte rentabilité (seules les entreprises du dernier quintile ont un taux de rentabilité économique après impôt inférieur de peu à 10%) et faiblement endettées, les groupes cotés indiens paraissent bien armés pour résister à la crise économique. En tout cas ils apparaissent incomparablement plus solides que les entreprises chinoises dont seulement 20 % d’entre elles gagnaient leur coût du capital (6).

On notera quand même la forte disparité des performances au sein des entreprises indiennes : celles du premier quintile (qui fait 86% du chiffre d’affaires total et 90% du résultat d’exploitation) ayant par exemple des ratios de structure financière 2 à 3 fois meilleurs que celles des autres quintiles, un BFR 2 à 3 fois moins élevé (en % du chiffre d’affaires), une intensité capitalistique pouvant être jusqu’à 2 fois moindre pour des marges d’exploitation identiques.

Boursièrement, les groupes indiens ont été affecté comme les autres et ont perdu plus de la moitié de leur valeur en 2008 :

Avec un PBR de 2 et un PER sur les résultats 2007-2008 de 9,2, elles ne paraissent pas surévaluées comme l’étaient manifestement leurs consoeurs chinoises il y a un an (5).


(1) Voir le chapitre 10 du Vernimmen 2009.
(2) Voir la Lettre Vernimmen n° 54 de janvier 2007.

(3) Voir le chapitre 39 du Vernimmen 2009.

(4) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 71 de décembre 2008.
(5) Voir le chapitre 39 du Vernimmen 2009.
(6) Voir la Lettre Vernimmen.net n°61 de décembre 2007.



Tableau : Les taux d'impôt en France


La contribution sociale sur les bénéfices de 3,3 % reste applicable en 2009 (cette dernière est calculée sur l’IS diminué d’un abattement de 763.000 euros). Les taux d’impôt en France pour 2009 seront de :


(1) 15 % sur les premiers 38 120 € de bénéfice imposable.
(2) 33,1/3 % sur la fraction d’IS inférieur ou égale à 763 000 €.
(3) 19%, 15 % ou 1,66% sur la fraction d’IS inférieure ou égale à 763 000 €.

(a) Sociétés dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 7,630 M€ et dont le capital, entièrement libéré, doit être détenu pour au moins 75 % par des personnes physiques (ou des sociétés qui satisfont aux conditions).

(b) Régime des plus-values et moins-values à long terme :

Sont exonérés sauf application d’une quote-part de frais et charges de 5%, les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans qui revêtent ce caractère au plan comptable ainsi que ceux considérés comme tels par la loi fiscale : (i) titres ouvrant droit au régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du CGI si inscription à une subdivision spéciale d’un compte de bilan correspondant à leur classification comptable (ii) actions acquises en exécution d’une OPA ou OPE par l’entreprise initiatrice.
 
Sont imposables au taux réduit de 15% (15,49% si contribution sociale de 3,3% applicable) les produits nets de concession de brevets, d’inventions brevetables ou de procédés de fabrication ainsi que les plus-values y afférentes (extension aux cessions de brevets, d’inventions brevetables ou procédés de fabrication applicables au titre des exercices ouverts à compter du 26 septembre 2007 et au titre des exercices clos à compter de cette même date). Sont aussi concernées les plus-values de cession de parts de FCPR et d’actions de SCR lorsque ces titres sont détenus depuis plus de 5 ans (avec, sous certaines conditions, application de l’exonération avec quote-part de frais et charges de 5%). 

En revanche, sont désormais taxables au taux de droit commun, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées par une société relevant de l’IS à compter du 26 septembre 2007 (exception : taxation à 19% si cession des titres au profit de certaines sociétés immobilières telles que les SIIC ou de certains organismes publics (société d’économie mixte, HLM)).

Les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées ainsi que de titres de SIIC sont imposées à un taux spécifique de 19% (19,63% si contribution sociale de 3,3% applicable) dès lors qu’ils sont détenus depuis au moins 2 ans et considérés comme des titres de participation au plan comptable ou considérés comme tels au plan fiscal pour les exercices ouverts à compter du 31/12/2007.

(c) Participation au moins de 5 % en droits de vote et capital, titres détenus sous forme nominative, concerne aussi les titres dépourvus de droit de vote (actions de préférence) si la société mère détient globalement au titre de cette participation au moins 5% du capital et des droits de vote de la société émettrice. 

(d) Pour les titres ou parts de sociétés soumises à l’IS acquis à partir du 1er janvier 2006, la plus-value de cession à titre onéreux est diminuée d’un tiers par année de détention des titres au-delà de la 5ème année de leur détention (soit en pratique à partir de 2011) : exonération d’imposition sur le revenu pour les actions acquises à partir du 1er janvier 2006 et détenues pendant 8 ans, soit en pratique exonération totale pour les cessions intervenues à compter de 2014 (mais pas d’exonération des contributions sociales de 12,1%).

(e) Les prélèvements sociaux sur ces produits sont prélevés à la source, au lieu d’une imposition établie par l’administration l’année suivant celle de l’encaissement du revenu (sauf titres détenus dans un PEA).




Recherche : Les managers écoutent-ils le marché ?

Un phénomène fréquent sur le marché des fusions/acquisitions est à la source de nombreux travaux de recherche : la réaction négative du marché sur le titre de l’acquéreur potentiel. Pourtant, la majorité des opérations annoncées sont menées à leur terme. Trois chercheurs se sont interrogés sur la prise en compte des réactions du marché par les dirigeants lors de telles opérations (1) : ils se demandent si les dirigeants « écoutent » le marché. Leurs résultats sont sans surprise et confirment la plupart des prédictions théoriques sur le sujet.

L’étude porte sur les plus grosses opérations annoncées par des entreprises cotées aux Etats-Unis entre 1990 et 2003 (au total plus de 4000 opérations). Les auteurs s’intéressent aux opérations annoncées et annulées (12% de l’échantillon). Ils montrent, pour les titres des entreprises  ayant finalement annulé l’opération, une sous-performance de 2% par rapport à leur indice de référence au moment de l’annonce. Dans le cas des opérations confirmées, la réaction était positive de 1,3%. Ce résultat confirme la prise en compte par les dirigeants de la réaction des marchés pour poursuivre ou non une opération annoncée. Accessoirement, l’analyse statistique montre quelques faits stylisés intéressants : les opérations les moins souvent annulées sont celles qui ne sont pas hostiles, celles initiées par les plus grandes entreprises, et celles qui ne sont pas payées en actions.

Les auteurs s’intéressent ensuite aux facteurs qui conduisent les dirigeants à écouter les marchés. Selon la théorie de l’agence, un dirigeant peut être tenté de poursuivre ses propres intérêts plutôt que ceux des actionnaires. En particulier, les opérations de fusions et acquisitions peuvent lui permettre de diriger une plus grande entreprise, augmentant ainsi son prestige et parfois sa rémunération. L’étude montre que l’existence d’un actionnaire majoritaire dans le capital incite le dirigeant à tenir plus souvent compte de la réaction du marché. C’est aussi le cas lorsque la sensibilité des revenus du dirigeant à la performance boursière est forte: la probabilité d’écoute du marché augmente de 5% par écart-type de sensibilité. Ces deux mécanismes permettent donc de se prémunir partiellement contre les comportements opportunistes des dirigeants.
Notons toutefois que les résultats obtenus, s’ils sont statistiquement significatifs, restent d’ampleur assez faible. Certaines prédictions des modèles d’agence ne sont pas confirmées par les données de cette étude (par exemple, le fait qu’un conseil d’administration resserré contrôle mieux le chef d’entreprise). De plus, une meilleure gouvernance n’améliore que faiblement l’écoute du marché par les dirigeants. La question de la raison pour laquelle les dirigeants écoutent peu le marché reste posée : comportement opportuniste, information privée du dirigeant meilleure que celle du marché… Les auteurs penchent pour une myopie des dirigeants face aux réactions du marché. Ils leur suggèrent donc de choisir les dates des annonces d’opérations de fusions et acquisitions en dehors de tout autre événement, afin de mieux lire et prendre en compte les réactions du marché. Cela fera sourire tous ceux qui participent à ces opérations. Chacun voit midi à sa porte !


(1) J.B. Kau, J.S. Linck et P.H. Rubin (2008), Do managers listen to the market ?, Journal of Corporate Finance, n°14, p.347-362.



Q&R : Qu'est ce que X B R L ?


XBRL (eXtended Business Reporting Language) est un langage informatique permettant de standardiser la publication sous format électronique des éléments financiers des entreprises.

Ce langage est développé à partir du langage XML depuis 1999. Son but est de permettre d’automatiser le traitement des données financières des sociétés, il s’adresse donc potentiellement à tous les utilisateurs de l’information financière (management, investisseurs, banquiers, fisc, …).

XBRL est promu par un consortium sans but lucratif ; l’utilisation du langage est libre et gratuite. Notons cependant que la mise en œuvre de la publication de compte sous ce format nécessitera un investissement non négligeable pour les entreprises (et représentera une source important de revenus pour les consultants pour l’adaptation des systèmes !)

La mise en place de XBRL nécessite une codification de l’ensemble des principes comptables (on parle de « taxonomies »), et ce dans chacun des référentiels. Ce travail a déjà été effectué pour les normes américaines (US GAAPs) et est en cours pour les IFRS. Les liens entre chacune des taxonomies doivent également être réalisés.

XBRL a été retenu en Europe pour le reporting des banques, sa diffusion continue à l’international : il est ainsi adopté en Chine ou au Japon. La SEC a décidé d’imposer progressivement la transmission des états financiers au format XBRL. Cette obligation s’appliquera progressivement pour tous les comptes clôturés après le 15 juin 2011 déposés à la SEC.

Mais XBRL ne fait pas l’unanimité, ainsi, par exemple la FSA au Royaume-Uni s’est montrée réticente à l’utilisation de ce langage pour des questions de coût.

En France, la réflexion continue : un groupe de travail a été mis en place en 2007 par l’AMF. Une association de promotion de XBRL en France a été créée, à noter qu’elle est hébergée par le Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts Comptables.

XBRL aura certainement l’avantage de permettre une standardisation des états comptables, ce que les IFRS n’imposaient que modérément.

Le risque est certainement la complexification croissante du reporting financier. Les IFRS nécessite déjà des connaissances poussées en comptabilité pour décoder les états financiers. Espérons que l’imposition d’un format XBRL n’impose pas l’utilisation systématique de logiciels nouveaux pour pouvoir exploiter les données financières.



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