La Lettre n°58 de Juillet -Août 2007

Actualités : Tu sais ou tu...SEPA ?
par Luc Migeot (1)

Avez-vous entendu parler du SEPA ?

Certains observateurs attentifs ont pu déceler, dans la presse spécialisée ces derniers mois, quelques allusions à l'arrivée imminente d'un nouveau « grand chantier » européen pour les entreprises : le SEPA.

Single Euro Payments Area, c’est ce que représente cet acronyme ; dans la pratique, rares sont ceux qui en savent beaucoup plus sur ce chantier, hors du petit cercle d’initiés qui travaillent sur le sujet - depuis 5 ans pour les banquiers, ou 2 ans pour les trésoriers d'entreprise.

À quelques mois du lancement (janvier 2008) des premiers produits SEPA sur le marché, les choses devraient changer rapidement... Quelques indices ne trompent pas :

• Mars 2007 le MEDEF crée un « groupe de travail SEPA »;
• Mai 2007, BusinessEurope - fédération des confédérations patronales nationales - lui emboîte le pas, lançant une « Taskforce SEPA »;
• Juin 2007 c'est l’EPC - instance de concertation des banques européennes chargée de mettre en oeuvre le SEPA - qui crée le « Stakeholders’ Forum» / SEPA.
 
Une instance qui réunira régulièrement les utilisateurs des futurs instruments de paiement SEPA (grandes entreprises, PME, trésoriers, consommateurs) avec : les banques, la Banque Centrale Européenne et la Commission Européenne.

Autant de signes qui annoncent que le SEPA est un chantier qui va, au sein des entreprises, mobiliser beaucoup d'énergie dans les prochains mois et années, à l'image de son illustre aîné, le chantier Euro...

Mais, ce SEPA... en quoi cela consiste, précisément ?
En quoi les entreprises sont-elles concernées ?
Comment devront elles s'y prendre pour y faire face ?

C’est ce que nous nous attacherons à examiner au fil du présent dossier.

1. En quoi consiste, précisément, le chantier SEPA ?

Le SEPA, c’est un espace (européen) au sein duquel citoyens, entreprises ou autres acteurs économiques, pourront émettre et recevoir leurs paiements dans les mêmes conditions, de délais, formats, obligations, et surtout de coûts... quels que soient les pays de localisation des comptes bancaires du débiteur et créditeur.

Sur quelles zones géographiques s'appliquera le SEPA ?

Le SEPA concerne en priorité la zone euro : 13 pays dans lesquels les infrastructures de paiement existantes seront progressivement remplacées par de nouvelles infrastructures, compatibles SEPA.

Mais le SEPA concerne également le reste de l'Union Européenne et même les quatre pays avec lesquels elle entretient des liens privilégiés -Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse : ces 18 pays seront concernés par le SEPA de deux manières :

• d'une part, lorsqu'ils effectuent des paiements en euro, ces paiements devront être au standard SEPA ;
• d'autre part, tous les paiements (Euro ou devises domestiques) devront être conformes à la nouvelle Directive sur les Services de Paiement (PSD) qui définit les nouveaux droits et devoirs des utilisateurs d'instruments de paiement. Cette Directive, votée en Avril dernier, devra être transposée d’ici novembre 2009 dans la législation nationale de chacun des 31 pays du périmètre SEPA.
Quelles instances gèrent le projet?

Lancé conjointement par la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne, la mise en œuvre de ce projet a été confiée à l’EPC (European Payments Council), une instance créée en 2002 qui fédère l’ensemble des acteurs du secteur bancaire européen.

L’ambition de cette initiative politique est de créer un espace unique de paiement pour l'euro, en cohérence avec l'union économique et monétaire et  l’Agenda de Lisbonne.

Quel impact sur le marché des paiements ?

Au-delà de la fraction « transfrontalière » des paiements en « Euro» (qui représente moins de 2% du volume), c’est bien l’ensemble des infrastructures de paiement de chacun des pays concernés que le SEPA obligera à revoir : nouveaux standards, nouveaux formats, nouvelles règles de gestions, nouveaux circuits, nouvelles contraintes règlementaires... et même nouveaux acteurs. C’est toute « l’industrie » du paiement qui est impactée...

Au sein des banques, c’est un chantier crucial, tant par l’ampleur des travaux informatiques qu’il va imposer que par les révisions stratégiques qu’il va nécessiter... Nos fournisseurs de prestation de paiement ne seront plus forcément franco-français, mais pourront traiter nos flux depuis n’importe quel point d’Europe.

Même si les banquiers sont, de toute évidences, les plus directement exposés à ce changement... ce ne sont pas, et de loin, les seuls concernés ! Les entreprises (grandes et petites), les administrations (qui comptent pour 50% du volume total de paiements effectués), les commerçants (avec des enjeux particuliers sur les paiements par carte) et les particuliers seront directement impactés.

Quels seront les futurs instruments de paiement SEPA ? 

Sans entrer dans le détail de chaque instrument on pourra retenir que le SEPA concerne 3 instruments de paiement « dématérialisés » :
• Le virement (ou SCT pour SEPA Credit Transfer)
• Le prélèvement (ou SDD pour SEPA Direct Debit)
• le paiement par carte  (de crédit ou de débit)
Voir encadrés séparés.

On pourra également retenir que les autres moyens de paiement (Chèque, Effets, TIP, Télé règlement, etc...) sont réputés d’envergure domestique ; il appartiendra à chaque communauté de statuer sur leur sort. La tendance la plus probable étant leur disparition à plus ou moins long terme.
 
Quel impact sur l'économie et la société ?

Le SEPA va de toute évidence intensifier la concurrence en matière de fourniture de services de paiement. Mais, au delà, en imposant une modernisation des infrastructures, il permettra d’apporter dans l'ensemble de l'économie une simplification et une rationalisation des processus administratifs. L'euro se trouvant renforcé par un espace de paiement intégré.

Comment se déroulera la mise en œuvre ?

Dans chaque pays de l'Euroland, un « comité de migration SEPA » a été mis en place, dirigé conjointement par la Banque Centrale Nationale et la représentation nationale des banques, il va adresser chacune des difficultés spécifiques que pose la migration de la situation actuelle (différentes dans chaque pays) à la situation cible SEPA (identique pour tous).

Mais, au fait,  qu'est-ce qui va changer, concrètement?

Pour le consommateur final, on pourra citer l’exemple du titulaire d’une résidence secondaire dans un autre pays de la communauté... Aujourd'hui il doit le plus souvent disposer d'un compte dans le pays de sa résidence secondaire ; avec le SEPA se sera inutile... Si l’on prend le cas des cartes, les ressortissants de zones frontalières ont pu expérimenter qu'il n'est pas toujours aisé de faire accepter sa carte de paiement chez les petits commerçants du pays d’à coté. Avec le SEPA, ce type de désagrément disparaîtra.

Pour les PME, c'est du coté de la simplification des opérations administratives que résident les plus grands espoirs si l’on en croit l’UEAPME. En effet, si l'on observe les pays les plus avancés d'Europe dans ce domaine : les techniques de facturation électronique, de lettrage automatique des encaissements, d'automatisation des flux comptables, sont très largement avancées..., générant des gains de productivité considérable - en particulier pour les très petites entreprises.

Pour les entreprises (quelle que soit leur taille) ayant une activité significative à l'étranger les apports du SEPA sont encore plus évidents.

2. En quoi les entreprises sont-elles concernées ?

Au-delà du secteur de la banque, naturellement très fortement impacté (voir encadré), le SEPA aura également un impact très important sur les autres entreprises, même si elles ne sont qu’utilisatrices des instruments de paiement.

Dans une première approche, l’entreprise va naturellement percevoir toutes les contraintes et les obligations que va immanquablement faire peser sur elle la mise en œuvre du SEPA :

• mise à niveau des bases de données de coordonnées bancaires
• modification des applications de gestion des prélèvements automatiques
• modification en profondeur des interfaces de communication bancaire
...et plus généralement de tous les systèmes informatiques qui véhiculent ou traitent des informations relatives aux paiements...

Cette liste donne une première idée de l'ampleur des chantiers qui attendent nos entreprises...

Mais se focaliser sur les seules contraintes, en méconnaissant les multiples opportunités que ce chantier va ouvrir, pourrait se révéler une erreur grave, voire fatale dans un contexte de concurrence de plus en plus exacerbée.

Pour une entreprise exerçant une activité internationale en Europe, un premier ensemble d'opportunités pourra être étudié du coté «Trésorerie» :

• La rationalisation de ses flux de trésorerie :
Le SEPA va permettre à l'entreprise de simplifier sa gestion trésorerie internationale, elle pourra centraliser sur un seul compte tous les flux de paiement, de/vers toute l'Europe. Plus besoin d'architecture complexe pour centraliser chaque jour ses excédents ou ses besoins de trésorerie... Plus besoin non plus de faire face à une multiplicité de plates-formes de communications bancaires, pour s'adapter aux spécificités de chaque pays ; un seul modèle couvrira tous les besoins. Une bonne occasion également de rationaliser de simplifier ses flux de paiement intragroupe....
• Une rationalisation et de son architecture bancaire :
Moins de comptes bancaires, moins de signataires à gérer, moins de conventions à suivre, moins de risques à identifier, maîtriser et documenter... Et beaucoup de commissions diverses qui vont disparaître (tenue de comptes, connexions bancaires, services spécifiques...)
•  …

Le SEPA devrait également apporter une diminution des coûts financiers :

Du fait du SEPA, l'entreprise disposera d'une meilleure visibilité sur ses propres flux ; elle sera capable de les regrouper à l'échelle européenne...  ce qui devrait sensiblement améliorer sa posture de négociations face aux banques. Dans le même temps, la concurrence des banques s'étant ouverte à toute l'Europe, l'entreprise devrait voir de nouveaux entrants proposer de nouveaux services ou des prix plus attractifs. Autant de signaux qui devraient faire pression à la baisse sur la facture de commissions bancaires.
Au-delà des aspects trésorerie et finances, le SEPA va imposer un changement d'échelle géographique dans la vision des entreprises.

Avec l'uniformisation des instruments de paiement en Europe, nous devrions assister à la véritable naissance du marché domestique de plus de 300 millions de consommateurs attendue depuis l’introduction de l’Euro. Un changement de perspective qui devrait amener les entreprises présentes en Europe à s'interroger sur l’opportunité d’une approche encore plus européenne de leur organisation. Une vraie réflexion stratégique s’impose pour bien profiter du SEPA.

Des perspectives de rationalisation et d'optimisation des organisations à l'échelle européenne :

Le SEPA va faire tomber des frontières invisibles, mais bien réelles, qui existaient entre les différents pays en matière de traitement administratif. Ainsi, des équipes qui aujourd'hui traitent les paiements et leur réconciliation d'une manière adaptée au contexte de chaque pays, vont se retrouver, demain, du fait du SEPA, à traiter les mêmes flux de la même manière. Centraliser les traitements administratifs, optimiser les organisations, systématiser les contrôles, formaliser et optimiser les niveaux de service... Autant d'opportunités que le SEPA fera naître dans toutes les fonctions opérationnelles (trésorerie, comptabilité / client ou fournisseurs, services logistiques, ....)

Le SEPA, et pour les banques, quel impact ?....
Une étude publiée en 2005 par Cap Gemini et ABN AMRO donne la mesure de l'ampleur du phénomène !
Selon cette étude la rationalisation imposée par le SEPA causerait à la profession bancaire une perte de revenus estimée entre 13 et 29 Milliards d’euros par an ; pour l'ensemble de l'Europe : soit entre -30 et -60% du chiffre d’affaire de l'activité paiement, qui elle-même représente 1/3 du revenu des banques.
Des chiffres qui permettent de mieux comprendre les grandes manoeuvres de ces derniers mois dans la banque...


Mais quid des entreprises dont l'activité se situe essentiellement en France ?...

Une chose est certaine : le fait d'être strictement franco-français ne mettra pas à l'abri d’un chantier SEPA, chantier qui pourra se révéler aussi lourd que pour certaines multinationales.

Parmi les sujets qu'elles devront aborder figurent en bonne place:

• la mise en conformité des coordonnées bancaires dans les bases de données clients, fournisseurs, salariés, Tiers...
C’est un chantier qui touchera toutes les entreprises, et consistera à faire figurer en lieu et place du « RIB » le nouveau code d'identifications bancaires conformes aux normes européennes, c'est-à-dire l’IBAN + BIC qui figure depuis plusieurs années sur nos relevés d'identité bancaire, sans que l'on n’y prête plus d'attention que cela...

• la refonte complète de leurs systèmes informatiques et des procédures pour tout ce qui concerne les prélèvements automatiques.
Ce chantier devrait concerner essentiellement les grands facturiers qui utilisent aujourd'hui cet instrument de paiement (énergie, télécoms, assureurs, crédit à la consommation...). Mais également des établissements de plus petite taille (syndic d’immeubles,  éditeurs,...).  L'impact peut être considérable, en effet le nouvel instrument de paiement (SDD) fonctionne selon une logique radicalement différente de celle du prélèvement automatique. C'est l'ensemble du système qu'il faudra revoir (circuits, documents, formation des acteurs, communication client, archivage, sécurité juridique,...)

• adaptation des habitudes « métier » en particulier tout ce qui concerne la gestion des références (fournisseurs ou clients)

La mise à profit des 140 caractères du champ de référence disponible dans les nouveaux instruments SEPA nécessitera une modification des habitudes tant du côté émetteur qui devra revoir sa manière de codifier les opérations, que du côté récepteur qui devra adapter la manière dont il exploite les informations reçues, pour pouvoir les automatiser et les optimiser.

Comment mettre en oeuvre un chantier SEPA dans les meilleures conditions ?

C'est le sujet auquel s’est attaché le Groupe de Travail SEPA du MEDEF depuis sa mise en place. Un groupe de travail qui réunit :

• Des secteurs d'activité particulièrement touchés par le SEPA:
les banques, les sociétés financières, la distribution et commerce...
• Des métiers dans l’entreprise plus particulièrement concernés par l'impact du SEPA : les trésoriers, les crédits manager, les directeurs d’achats, les informaticiens …

Il ressort de ces travaux quelques idées clés quant à la manière de se préparer au SEPA :

• Le SEPA est une évolution incontournable de notre environnement auquel les entreprises doivent se préparer.
• Le SEPA est un chantier qui impactera potentiellement toutes les fonctions de l'entreprise, il est impératif de le considérer comme un projet d'entreprise.
• L’élaboration de la stratégie SEPA de l'entreprise est à mettre à l'ordre du jour de l'année 2008.
• Il est vivement recommandé pour ce faire de construire une structure de pilotage au plus haut niveau dans l'entreprise, est d'en confier la responsabilité à un « Monsieur SEPA », directement rattaché aux plus hautes instances de l’entreprise (à la manière des « Monsieur Euro »).
 
Pour aider ses membres à mettre en oeuvre ce projet d'entreprise, le MEDEF publiera l'automne un document comportant les informations pratiques sur le profil et les missions de « Monsieur SEPA ».
 
De son côté, BusinessEurope met en place, en collaboration avec l'association européenne des trésoriers (EACT), et celle des PME (UEAPME) une série de groupes de travail qui permettront d'analyser les différentes difficultés rencontrées sur le terrain dans les entreprises et de les faire remonter vers les instances européennes compétentes.

Nul doute que le travail de Monsieur SEPA en sera largement facilité...

Le « SEPA Credit Transfer »  (SCT)
C’est un virement en Euro.
Il fonctionnera de manière indifférenciée à l’intérieur d’un pays ou entre pays d’Europe.
Les banques commenceront à le proposer à partir du 28 Janvier 2008 ; mais ce n’est que dans quelques années (vers 2010-2012?...) qu’il deviendra obligatoire : lorsque la « masse critique » aura été atteinte (75% du volume et 50% des usagers).

Il nécessitera impérativement de fournir les coordonnées bancaires au format européen (IBAN + BIC)... y compris pour les virements domestiques.

Le système bancaire garantira le transport sans altération de bout en bout d’une zone de référence de 140 caractères : ce que l’émetteur aura communiqué comme « référence » sera intégralement restitué au destinataire.
Ce sont donc des perspectives totalement nouvelles qui s’ouvrent pour toutes les fonctions de lettrages et de réconciliations... une petite révolutions pour les services de comptabilité clients, les credit managers et toutes les personnes qui dans l’entreprise doivent rapprocher des factures et des paiements...

Autre innovation de taille, un délai maximum sera garanti pour véhiculer les fonds de l’émetteur au destinataire, avec un maximum de 3 jours au départ quels que soient les pays de départ et d’arrivée (aujourd’hui aucune garantie n’existe et les délais peuvent dans certains cas excéder 10 jours, sans recours pour les usagers) délai maximum qui sera réduit à 1 jour en 2012.

Enfin, la facturation sera plus transparente avec notamment la suppression des jours de valeurs et l’interdiction de prélever des frais directement sur la somme créditée. Les frais quand il y en a, devront être facturés séparément et lisiblement.



Le « SEPA Direct Debit » (SDD)

C’est l’instrument le plus novateur du dispositif SEPA.
En effet, aujourd'hui nous connaissons le prélèvement automatique, qui permet d’autoriser un créditeur à prélever directement sur le compte d’un débiteur moyennant autorisation préalable... mais ceci fonctionne exclusivement entre comptes bancaires localisés en France.

Le SDD offrira les mêmes possibilités, mais permettra de débiter un compte euro situé dans n’importe quel pays d'Europe...  Une perspective qui ouvre de multiples horizons !

Toutefois, il s'agit d'un produit complexe à mettre en œuvre, et qui nécessitera beaucoup d'ajustements par rapport au dispositif que nous connaissons aujourd'hui en France ; les travaux sont en cours mais les premiers SDD ne devraient pas être accessible avant début 2010.

Un délai que les émetteurs de prélèvement auront tout intérêt à mettre à profit pour adapter les systèmes existants.... Les remontées «terrain» qui nous parviennent indiquent qu’il n’y aurait pas un instant à perdre sur ce chantier !



Paiement par Cartes compatibles SEPA :
Il s'agit de l'un des sujets les plus complexes dans le dossier SEPA...

À première vue, pour les clients, la carte est déjà par excellence l'instrument de paiement le plus commode pour les paiements à l'étranger ; difficile d'imaginer ce qui devra changer...

Pour le commerçant, la perception est claire :
- lorsque qu’un client se présente avec une carte (Visa ou Mastercard) française, il est soumis à la commission « Carte Bancaire ».
- Si la carte est « étrangère » le commerçant devra régler une commission «d’interchange » internationale évidemment beaucoup plus élevée...

Vers lequel de ces deux niveaux de commissions tendra la future carte SEPA ?... c’est là tout l’enjeu des tractations en cours...  des tractations qui manifestement ne sont pas achevées.

(1) Luc Migeot (luc.migeot@ni-hao.fr).
Président de Ni-Hao, Conseil en dématérialisation de Processus
• Président du « Groupe de Travail SEPA » du Medef.
• Président de la « Taskforce SEPA » du BusinessEUROPE.
• Délégué du BusinessEUROPE au sein du Stakeholder’s Forum de l’EPC.




Tableau : Les taux d'IS dans le monde

Cette année encore, l’étude annuelle de KPMG fait apparaître une baisse du taux moyen de l’impôt sur les sociétés qui s’abaisse à 24,2 % dans l’Union Européenne, contre 25,8 % avant l’an passé (et 38 % en 1993). L’Espagne et les Pays-Bas ont réduit significativement leur taux. Pour 2008, les taux moyens devraient encore baisser compte tenu des annonces faites en Espagne, au Royaume-Uni, en Chine et en Allemagne.  



(1) Pour plus de détail , voir la Lettre Vernimmen N°54 de janvier 2007.



Recherche : L'incertain apport du Comprehensiveincome

En mars 2006, l’International Accounting Standards Boards (IASB) a émis une proposition de nouvelle présentation comptable des résultats des entreprises. L’institution internationale de normalisation suggère que la dernière ligne du compte de résultat soit constituée du « comprehensive income (CI) » (1), et non plus du résultat net. Le CI est défini comme la variation périodique des capitaux propres hors relations avec l’actionnaire, i.e. distribution de dividendes et opérations sur capital. Il intègre, en plus du résultat net dans sa version IFRS, tous les gains et pertes de changes latents, les réévaluations d’actifs, les couvertures de flux de trésorerie, les variations de juste valeur des instruments financiers destinés à la vente et, le cas échéant, les gains et pertes actuariels liés aux engagements de retraites. Selon cette logique, le résultat net ne serait plus qu’un solde intermédiaire du tableau de variation des capitaux propres, la différence entre ce résultat net et le CI étant appelée « other comprehensive income (OCI) ».


Si cette réforme était adoptée, il s’agirait d’une évolution de la comptabilité internationale vers le principe de full fair value. La présentation du compte de résultat mettrait en effet l’accent sur la variation de valeur de l’entité, davantage que sur les flux générés par l’activité. Des chercheurs en comptabilité et finance de l’Université Paris Dauphine (2) se sont intéressés à l’apport éventuel de cette notion pour la mesure de la performance financière des entreprises. Ils évaluent notamment la contribution respective du résultat opérationnel, net et du CI à la valorisation boursière des entreprises. L’utilité informationnelle du CI est faible dans les cinq pays analysés (Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie et Espagne) par rapport à celle du résultat net. En revanche, les OCI semblent rajouter de l’information utile à la valorisation des cours à celle déjà véhiculée par le résultat net.

Par ailleurs, les auteurs montrent que pour les sociétés ayant publié par anticipation le CI, ce solde devient plus explicatif, notamment en Allemagne. A titre indicatif, fin 2004, plus de 60% des sociétés allemandes publiaient un CI, contre moins de 10% dans les autres pays d’Europe continentale.

L’utilisation du CI conduit à considérer la comptabilité comme un outil de gestion de portefeuille plutôt que de gestion de l’entreprise : l’objectif est de représenter l’ensemble de la valeur créée pour l’actionnaire sur la période. Cependant, ce résultat inclut de nombreux gains non encore réalisés : il pourrait y avoir là, selon les auteurs, une source de manipulations comptables dans l’évaluation à la « juste valeur » de tous les gains et pertes latents. Par ailleurs, ces éléments ne sont pas toujours contrôlés par le dirigeant puisqu’ils dépendent des fluctuations du marché. Le pouvoir disciplinaire du CI reste donc à démontrer.

Les professionnels eux-mêmes apparaissent comme très partagés, craignant que le reporting de la valeur se substitue finalement au reporting de la performance, et que la distinction entre les résultats certains et liquides et les résultats latents ne devienne que plus ténue. Une autre inquiétude est celle de l’indépendance de l’évaluation. Il peut apparaître, en effet, préférable de ne pas confier aux dirigeants de l’entreprise un double rôle de fournisseur d’information et d’(auto)évaluateur, normalement dévolu aux analystes financiers. Après tout, non bis in idem...
(1) Terminologie issue des normes US GAAPs, traduite en français par « résultat intégral » et reprise en référentiel IFRS sous le label « Total Recognize Income and Expense ».
(2) L.Batsch, J.F.Casta et O.Ramond (2007). ‘Résultat et performance financière en normes IFRS : Quel est le contenu informatif du comprehensive income?’, Cahiers de recherche du CEREG, juillet 2007, université Paris-Dauphine.



Q&R : Quelques termes d'assurance

Comme tout métier, l’assurance a son jargon. En voici les principaux termes, très marqués par le monde anglo-saxon.

Annual Premium Equivalent (APE) (Primes liées aux affaires nouvelles est utilisé parfois en français)
La plupart des polices d’assurance sont à prime annuelle. Cependant, certaines sont à prime unique (versée une fois pour toute au début du contrat), en particulier en assurance-vie. Dès lors, il est difficile de comparer les volumes de nouvelles affaires d’assureur à assureur sur la seule base des primes encaissées sur les nouveaux contrats, puisque la proportion de contrat à prime unique varie d’un assureur à l’autre.
L’APE permet ce type de comparaison puisque, par convention, les primes uniques sont prises pour 10 % de leur montant dans le calcul des primes générées par les nouvelles affaires.

Net Book Value (NBV)
Valeur comptable nette d’un actif. Elle correspond au coût d’acquisition moins les amortissements et les dépréciations éventuelles.

Ratio combiné (combined ratio en anglais)
Rapport de la somme des frais de gestion et du coût des sinistres sur le total des primes encaissées par la compagnie d’assurance. Un ratio supérieur à 100 % ne permet pas à la compagnie d’assurance de réaliser un profit, sauf si les produits financiers (dividendes, intérêts, loyers et plus-values) viennent plus que compenser l’insuffisance des primes par rapport aux coûts d’assurance. C’est une mesure d’efficacité de la gestion des compagnies d’assurance au même titre, dans son principe, que le coefficient d’exploitation pour les banques par exemple.

Loss Ratio (ratio de sinistre sur prime)
Coût des sinistres / primes encaissées.

Gross Written Premium (GWP) (Primes émises brutes)
Ensemble des primes que la compagnie d’assurance percevra sur la durée de vie d’un contrat.

Net Written Premium (NWP) (Primes émises nettes)
Ensemble des primes que la compagnie d’assurance percevra sur la durée de vie d’un contrat sous déduction du coût de la réassurance qu’elle mettra en place.

Value of Business in Force (VBI) (Valeur des contrats en portefeuille)
Le business in force correspond à l’ensemble des polices d’assurance pour lesquelles les primes sont payées ou ont été payées. C’est donc le portefeuille des polices vivantes. En assurance-vie, la VBI correspond à la valeur actualisée des profits attendus. Aucun goodwillou valeur des affaires nouvellement acquises n’est pris en compte.

Differed Acquisition Costs (DAC) (Coûts d’acquisition différés)
Amortissement des coûts d’acquisition d’un client (essentiellement les commissions versées aux agents ou aux distributeurs externes ayant apporté le contrat) sur la durée de vie du contrat d’assurance.

Adjusted Net Asset Value (Anav) (Actif net réévalué ajusté)
Capitaux propres de la compagnie d’assurance majorés des plus-values latentes revenant aux actionnaires (et non aux assurés), sous déduction des coûts d’acquisition des clients non encore amortis. C’est l’actif net réévalué.

Embedded Value (EV)
L’EV correspond à la valeur intrinsèque d’une compagnie d’assurance-vie, sans prise en compte d’un goodwill. Elle se calcule comme la somme de l’actif net réévalué (Anav), de la valeur actualisée des profits futurs sur les polices d’assurances actuellement en cours sous déduction du coût du capital.


Solvency II
À l’instar de Bâle pour les banques, l’Union européenne a établi un nouveau code réglementaire pour la gestion des risques des compagnies d’assurances. La version définitive de Solvency II (Solvabilité II) devrait être arrêtée en 2007 pour une application en 2010.

Par rapport à la directive Solvency I actuellement en place, Solvency II a généralisé la mesure du risque opérationnel, introduit le Solvency Capital Requirement et entraînera un contrôle accru du régulateur.

Merci à Jean-Sébastien Dietsch pour sa relecture.



Autre : 250 nouvelles définitions au glossaire

Nous venons d’ajouter 250 nouvelles définitions au glossaire du site www.vernimmen.net qui en comprend désormais 1 570. A consulter en cliquant ici si vous avez un doute sur ce que veut dire stand alone, à titre irréductible, profondeur d’un marché, prime brooker, clause d’associé le plus favorisé, CIF, SRD, family office, Solvency II, etc ….

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COLLOQUE


LaSociété Francaise des Evaluateurs organise sa table ronde annuelle le 19 septembre 2007 à Sciences Po Paris de 18h00 à 19h15 autour du sujet : l’évaluation dans le cadre des offres publiques : théorie et pratique. Pour recevoir une invitation, écrivez à cmichel@hlhz.com en indiquant si vous serez présent au cocktail qui suivra.


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