La Lettre n°158 de Avril 2018

Actualités : L'Oréal aurait-il raison de racheter la participation de Nestlé dans son capital ?

En 1974, la famille fondatrice de L’Oréal a ouvert à Nestlé, à hauteur de 49 %, le capital du holding de contrôle à 53 % du groupe de cosmétique. L’une et l’autre étaient à la recherche d’une diversification essentiellement financière car les synergies entre les deux groupes sont quasiment inexistantes. Au cours du temps, une filiale commune, Galderma, a été créée dans le soin de la peau, et une autre dans les compléments alimentaires à visée cosmétique, Inneov, fermée depuis 2015.

En 2004, L’Oréal a absorbé son holding de contrôle, si bien que la famille fondatrice et Nestlé se sont trouvé actionnaires en direct avec respectivement 27,5 % et 26,4 % du capital.

Compte tenu de l’importante et croissante génération de flux de trésorerie disponible par L’Oréal, loin d’être entièrement absorbée par les dividendes, et d’une structure financière sans dette bancaire et financière nette, des rachats d’actions ont été initiés en 2004 et ont porté jusqu’en fin 2013 sur 5,6 Md€.

En 2014, Nestlé qui détenait alors 29,4 % de L’Oréal, a cédé à celui-ci 8 % de son capital, ramenant sa participation à 23,3 % ; celle de la famille fondatrice est passée corrélativement et mécaniquement de 30,6 % à 33,3 %. Ce rachat de 6 Md€ a été financé par 3,4 Md€ de liquidités et par 50 % du capital de la co-entreprise Galderma dont Nestlé a ainsi pris le contrôle total.

Entre 2015 et fin 2017, L’Oréal a procédé à des rachats d’actions pour 1 Md€. Au 31 décembre 2017, L’Oréal disposait de 1,6 Md€ de trésorerie nette de toutes dettes bancaires et financières. Ceci sans compter une participation de 9,4 % dans Sanofi, héritage de la prise de contrôle en 1973 du laboratoire Synthélabo, rapproché de Sanofi en 1998, et qui vaut actuellement environ 7,8 Md€. Il y a actuellement à peu près autant de synergies entre L’Oréal et Nestlé qu’entre L’Oréal et Sanofi : c’est-à-dire aucune.

En 2017, L’Oréal a réalisé un excédent brut de trésorerie de 5,9 Md€, reçu 350 M€ de dividendes de Sanofi et a publié un résultat net part du groupe de 3 825 M€.

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Nestlé ayant annoncé un programme de rachats d’actions de 20 MdFS, étant sous la pression du fonds activiste Third Point de Daniel Loeb qui le presse de céder sa participation dans L’Oréal, un nouveau dirigeant ayant été choisi à l’extérieur du groupe pour la première fois dans l’histoire de Nestlé, il n’est pas déraisonnable de penser que Nestlé pourrait céder prochainement ses actions L’Oréal, achevant ainsi le mouvement qu’il a initié en 2014.

Si Nestlé proposait à L’Oréal de lui céder sa participation, ou l’essentiel de celle-ci, mettons 20 % sur les 23,2 % actuellement détenus, cela serait-il raisonnable pour L’Oréal de procéder à leur rachat ? Nous ne traiterons ici que des aspects financiers et non des dimensions comptables, juridiques ou boursières.

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Sur la base d’une capitalisation boursière actuelle de L’Oréal de 107 Md€, 20 % reviendraient à 21,4 Md€. 7,8 Md€ pourraient être financés par la cession des actions Sanofi à un coût fiscal négligeable compte tenu du régime du long terme qui s’appliquerait. Resteraient donc 13,6 Md€ à trouver, ce qui porterait l’endettement bancaire et financier net, en pro forma au 31 décembre 2017, à 12 Md€. Soit deux fois l’EBE 2017.

L’Oréal pourrait trouver sans difficulté cette somme dans le marché bancaire, puis obligataire, tant la faible volatilité de ses flux de trésorerie disponible rend sa capacité à rembourser sa dette indubitable : Sanofi vient de lever 8 Md€ d’obligations sur plusieurs tranches avec une maturité moyenne de 9 ans et un taux d’intérêt de 0,9 % environ. Et L’Oréal n’est pas exposé au risque de la recherche scientifique et de la fin des brevets comme Sanofi l’est pour ses médicaments.

En 2017, le flux de trésorerie disponible de L’Oréal, après des investissements industriels dépassant de 25 % la dotation aux amortissements, a été de 3,7 Md€. En lui retirant 105 M€ de frais financiers additionnels nets d’impôts, les 350 M€ de dividendes de Sanofi qui ne seraient plus perçus (les actions ayant été cédées), et les dividendes de 2017 réduits de 20 % (actions de Nestlé rachetées), on aboutit à un flux net de 1,75 Md€, qui permet d’amortir 15 % de la dette dès la première année. Autrement dit, même en prenant l’hypothèse d’une constance des flux, qui n’a jamais été observée (L’Oréal est une entreprise en croissance comme en témoigne son PER de 2017 de 28 fois), la dette est remboursée intégralement en 7 ans.

Le bénéfice par action serait relué de l’ordre de 10 %, les capitaux propres par action dilués de 44 € à 6 € et la rentabilité des capitaux propres bondirait à plus de 100 %. Mais comme notre lecteur le sait[1], ceci n’a qu’un très lointain rapport avec la création ou la destruction de valeur, et il convient de n’y accorder aucune importance.

Si cette opération ne remet pas en cause la solvabilité de L’Oréal, ni sa capacité à rembourser ses dettes en temps et en heure, est-elle susceptible de restreindre les capacités de croissance externe du groupe de cosmétique ?

Il ne semble pas, pour deux raisons : d’abord le groupe n’a jamais conduit d’opérations de croissance externe de plus de 1,2 Md€ (Yves Saint Laurent Beauté en 2008 pour 1,15 Md€ et IT Cosmetics pour 1,1 Md€ en 2016). Cela ne semble pas être sa culture. Sa culture est de racheter des entreprises de taille petite ou moyenne, souvent nationales ou régionales, et d’en faire des champions mondiaux comme Lancôme, La Roche-Posay ou Maybelline. Par ailleurs, une acquisition de grande taille pourrait poser des problèmes d’anti-trust compte tenu des nombreuses positions de leader de L’Oréal sur les différents segments de la beauté.

Cela dit, une acquisition à 2 ou 3 Md€, même rapidement après un éventuel rachat des actions de Nestlé, ne ferait que porter son endettement à 2,5 fois l’EBE. Pas de quoi écrire à sa tante.

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Une opération de rachat d’actions de cette ampleur créerait-elle de la valeur pour les actionnaires de L‘Oréal ?

Nous expliquons dans le Vernimmen[2] que le rachat d’actions est susceptible de créer de la valeur si et seulement si :

1/Les actions sont rachetées à un prix inférieur à leur valeur. On peut ici en douter. Prétendre que l’action L’Oréal est surévaluée ou sous-évaluée serait bien présomptueux. L’Oréal est la 13e capitalisation boursière européenne, avec un flottant de près de 50 Md€, suivie en permanence par des dizaines d’analystes boursiers dans un secteur qui ne paraît pas compliqué à comprendre.

2/L’accroissement du poids de la dette va se traduire par une meilleure performance des dirigeants compte tenu de la contrainte que son remboursement exerce sur eux. Peut-être, mais avec une rentabilité économique de 22,6 % après impôt, on ne peut pas dire que L’Oréal sous-performe de façon évidente. . .

3/Si les fonds ainsi rendus aux actionnaires avaient une rentabilité marginale dans l’entreprise inférieure à son coût du capital. Peu probable vu la rentabilité économique atteinte !

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Alors pourquoi faire cette opération si elle est peu susceptible de créer de la valeur pour les actionnaires ?

Pour trois raisons nous semble-t-il, et sous une condition.

1/Quand un grand actionnaire minoritaire souhaite vendre sa participation, et sauf à trouver un investisseur qui l’acquiert, il est amené à faire un placement dans le marché[3] qui pèse sur les cours, et/ou à céder tout ou partie de ses actions à l’entreprise dans le cadre de son programme de rachat d’actions. Cette dernière technique a été utilisée, par exemple, pour la sortie de Dentsu du capital de Publicis, de Lagardère de celui de Airbus, de Danone dans Yakult ou de Carlo Tassara dans ArcelorMittal. Cela n’a donc rien d’inhabituel quand la structure financière de la société le permet.

Vu la taille du bloc de Nestlé (21,4 Md€), les investisseur financiers capables de l’acquérir sans ciller doivent se compter sur les doigts d’une main. Quant à un industriel, on voit mal l’intérêt pour une participation minoritaire à une époque où les diversifications sont devenues rarissimes. Et un achat des actions de Nestlé en vue de prendre dans un second temps le contrôle de L’Oréal, semble tout aussi hypothétique pour des raisons d’anti-trust et parce que les performances de L’Oréal sont telles que bien malin serait celui qui pourrait les améliorer encore.

Autrement dit, un rachat d’actions quand la structure financière de l’entreprise le permet, et on a vu plus haut que cela est le cas, peut éviter ce qui est appelé un overhang, c’est-à-dire à une baisse des cours dans l’attente d’une opération de marché probable dans son occurrence, mais incertaine dans sa date de réalisation ; puis une baisse des cours du fait de l’augmentation brutale du flottant, de plus de la moitié au cas particulier.

2/Pour solder la participation de 9,4 % dans Sanofi, qui a autant à faire dans le bilan de L’Oréal (aucune synergie entre les deux groupes) que les actions L’Oréal dans le bilan Nestlé. Il paraît clair aux observateurs externes que nous sommes, que cette participation a été gardée pour permettre, le cas échéant et le moment venu, de pouvoir racheter la participation de Nestlé. On notera que, d’un point de vue financier, si L’Oréal avait cédé ses actions Sanofi il y a quelques années, sa performance boursière aurait été encore meilleure puisque son Total Shareholder Return (TSR) a été supérieur à celui de Sanofi.

3/Compte tenu du professionnalisme légendaire des dirigeants de L’Oréal, il n’est pas à douter qu’ils aient passé beaucoup de temps sur ce dossier. La sortie de Nestlé de leur capital par rachat de l’essentiel du bloc, une fois décidée, serait réglée en quelques heures et leur permettrait de se concentrer à 100 % sur la beauté. « Chacun chez soi et les moutons sont bien gardés », comme dit l’adage.

Quant à la condition, c’est celle d’un rachat des actions de Nestlé à un prix ne dépassant pas le niveau du cours de Bourse, dont il n’y a pas lieu de penser au cas particulier qu’il ne reflète pas au moment présent la valeur intrinsèque du leader mondial de la beauté.

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On notera qu’à l’assemblée annuelle qui s’est tenue il y a quelques jours, les actionnaires ont approuvé à 99,3 % et 99,8 % les résolutions permettant à L’Oréal de racheter et d’annuler ses actions au cas où Nestlé souhaiterait les vendre.

 

 

[3] Selon des techniques exposées dans le chapitre 27 du Vernimmen 2018.

 



Tableau : Les délais de paiements des entreprises chinoises en 2017

Ils ont atteint un plus haut historique depuis 2003, date à laquelle la Coface a commencé à les compiler :

Source Coface

La hausse de 2017, après celle de 2016, les porte à 76 jours. La proportion d’entreprises chinoises subissant des délais supérieurs à 120 jours est ainsi passée de 19 % à 26 %, mais celles se voyant imposer des délais supérieurs à 180 jours sur au moins 2 % de leur chiffre d’affaires atteint 47 % en 2017 contre 35 % en 2016. Quant à celles pour qui ces délais de paiement ultra-longs dépassent 10 % du chiffre d’affaires, leur proportion est passée de 11 % à 21 %. La Coface estime que seulement 20 % des créances impayées après 180 jours seront in fine honorées.

Les secteurs les plus mauvais payeurs sont l’énergie et la construction, là où les surinvestissements ont été les plus importants[1] semble-t-il.

On rappellera à nos lecteurs novices que des délais de paiement qui s’allongent, ici de 36 % depuis 2015, sont rarement le signe d’une bonne santé économique, et que plus ils sont longs, plus le danger d’effets de dominos – la faillite d’entreprises non saines contaminant des entreprises initialement saines qui n’arrivent plus à se faire payer et qui connaissent à leur tour des difficultés de ce fait – est important. C’est pour cela que le BFR en jours de vente ou les délais de paiement figurent par les facteurs les plus discriminants des fonctions score.[2]

 

[2] Pour plus de détails sur les fonctions score, voir le chapitre 9 du Vernimmen 2018.

 



Recherche : Comment la déréglementation bancaire pénalise l'innovation dans les PME

De nombreuses études montrent que la dérégulation des marchés financiers à travers le monde accroît la concurrence entre les banques, ce qui présente bien des avantages. En étudiant les effets de la dérégulation sur l’innovation, J. Hombert et A. Matray[1] observent toutefois une répercussion négative pour les petites entreprises, qui semblent perdantes en termes de financement et de rétention de leurs talents. 

La dérégulation des marchés financiers a débuté dans les années 1970. Cette libéralisation a renforcé la concurrence entre les banques – et permis leur essor – tout en s’accompagnant d’un regain de croissance de l’industrie et des entreprises individuelles. J. Hombert et A. Matray ont voulu savoir quels en avaient été les effets sur l’innovation. En quoi le financement des innovateurs a-t-il été affecté par l’arrivée de ces grandes banques plus compétitives ?

Ils ont choisi de s’intéresser au phénomène de la dérégulation bancaire aux États-Unis, excellent laboratoire. Là-bas, les banques sont en effet régulées au niveau de chaque État, et non au niveau fédéral. Par conséquent, dans certains États, les banques ont été dérégulées dans les années 1970, alors que d’autres étaient toujours soumises au régime de la régulation dans les années 1990. « C’est un peu comme un laboratoire de biologie. Nous avons passé au crible les données des États régulés et celles des États dérégulés, et nous les avons comparées sur une période d’environ 15 ans ». Pour comprendre comment la dérégulation pouvait impacter l’innovation, il a décidé de prendre comme indicateur de référence les brevets déposés. Le nombre de brevets est en effet assez révélateur du dynamisme de l’innovation et les données sur les brevets, accessibles à tous aux États-Unis, sont faciles à analyser. Comparant le nombre de brevets sur une période donnée, les résultats révèlent une baisse du dépôt de brevets de la part des petites entreprises dans les États dont les marchés bancaires étaient dérégulés. « Il est indéniable que la dérégulation bancaire offre de nombreux avantages, mais elle ne semble pas favorable à la capacité d’innovation des petites entreprises », expliquent les auteurs. « Cela ne signifie pas nécessairement que le système est mauvais, mais la donne a changé ».

Les grandes banques n’ont pas les mêmes modes de fonctionnement que les petites. Auparavant, les banques étaient cantonnées à une région ou une zone donnée. Ces petites structures entretenaient des relations privilégiées avec les entreprises et les emprunteurs locaux. Les conseillers clientèle avaient accès non seulement à la situation financière et aux livres de compte de leurs clients, mais aussi à des renseignements plus personnels. Ils savaient si leurs clients étaient fiables et dignes de confiance et ils pouvaient exploiter cette connaissance pour décider d’accorder ou non un prêt. Dans les grandes banques, il n’y a pas cette connaissance personnelle. Elles s’appuient au contraire sur des algorithmes. Elles injectent dans leur système les informations financières des entreprises pour qu’il calcule leur niveau de solvabilité et indique au banquier quelle décision prendre. Ces algorithmes, qui reposent sur des modèles de notation de crédit, sont efficaces et économiques et ils se sont également avérés très favorables au jeu de la concurrence entre les banques. « Mais c’est justement là le cœur du problème pour les petits innovateurs », soulignent les auteurs. « Il n’est pas facile d’étudier le bilan financier d’une petite entreprise et de savoir si tel ou tel projet a des chances de réussir. Il faut réunir plus d’informations non financières pour percevoir si une idée est bonne ou pas. Or, les grandes banques, sophistiquées, ne savent pas gérer ce type d’information, et ce sont les petites entreprises qui en paient les conséquences ».

Poussant plus loin leur analyse, J. Hombert et A. Matray ont suivi un certain nombre d’inventeurs individuels sur une période donnée. Décortiquant leur parcours professionnel, ils ont constaté que ceux qui avaient débuté dans de petites entreprises les quittaient généralement pour des structures plus importantes après la dérégulation. Les grandes entreprises « aspirent » donc les talents porteurs d’innovation des petites structures. « Les petites entreprises innovantes ont plus de mal à obtenir des financements après la dérégulation, ce qui implique une plus grande difficulté à garder leurs talents. Lorsque les budgets ne sont plus au rendez-vous, les inventeurs se tournent vers des structures plus importantes bénéficiant d’enveloppes financières plus intéressantes », expliquent les auteurs.

« Globalement, la transition de petites banques locales à de grosses structures a été positive pour bon nombre d’acteurs de l’économie, mais pas pour les petits innovateurs », indiquent les auteurs. Les chercheurs ne sauraient cependant affirmer si les avantages financiers, en termes d’innovation, qu’ont les grandes entreprises par rapport aux petites sur les marchés bancaires dérégulés sont une bonne chose ou non. Divers gouvernements et organismes à travers le monde encouragent les projets des petites structures innovantes en leur accordant des aides et crédits d’impôts. Mais les petites entreprises visées par ces programmes se voient souvent supplantées au niveau des dossiers de candidature par des structures plus imposantes, aux processus mieux rodés. « Cette étude ne nous permet pas de conclure s’il est judicieux de laisser les grandes entreprises s’accaparer tout le travail d’innovation ou s’il faudrait faire plus pour soutenir les petits innovateurs » concluent les auteurs.

 

[1] J.HOMBERT, A.MATRAY (2017) «The Real Effects of Lending Relationships on Innovative Firms and Inventor Mobility», The Review of Financial Studies, vol. 30-7, pages 2413 à 2445.



Q&R : Qu'est-ce que les synergies financières ?

Un mythe.

Pour nous c’est comme Jupiter ou Danaé : une belle histoire, mais rien de réel.

Illustrons d’abord ce qu'elles sont censées être.

Si votre coût du capital est de 10 % et que vous acquérez une société dans un autre métier avec un coût du capital de 8 % (par souci de simplicité d'une taille similaire), le coût global du capital du nouveau groupe ne sera pas inférieur à 9 % (moyenne de 10 % et 8 %) car les actionnaires ne rémunèrent pas une réduction du risque spécifique. En effet, ils peuvent l’éliminer par la diversification de leur portefeuille, sans coût pour eux. Les prêteurs, quant à eux, aiment plutôt les conglomérats ou les entreprises très diversifiées qui réduisent leurs risques de non remboursement. On observe ainsi qu’ils sont en général prêts à leur prêter à un taux d’intérêt un peu moins élevé. Mais cette économie, qui est souvent de l’ordre de l’épaisseur du trait, a tôt fait d’être gommée et au-delà par l’apparition d’une décote de conglomérat et de coûts de supervision et de complexité propres à ces organisations.

Un autre exemple. Si votre coût de la dette est de 2 % et que vous achetez une entreprise qui a un coût de la dette de 7 % parce qu'elle est très risquée/endettée, le coût de la dette de votre groupe après cette acquisition ne devrait pas rester à 2 % car les prêteurs vont se rendre compte que vous êtes maintenant un peu plus risqué qu'avant cette acquisition. Évidemment, si la taille de cette acquisition est très petite par rapport à la taille de votre entreprise, les prêteurs ne remarqueront pas et vous pouvez continuer avec un coût de la dette de 2 % et remplacer une dette de 7 % par une dette de 2 %. Vous réaliserez 5 % d'économies sur les intérêts, mais comme la taille de cette acquisition est très petite par rapport à votre groupe, les économies seront négligeables pour vous, et point n’est besoin d’en parler.

Lorsque les tailles ne sont pas si dissemblables que cela, par exemple 10 et 3 – et non 10 et 0,5 – certains pourraient croire que les actionnaires ou les prêteurs ne remarqueront pas et que le coût de votre dette restera à 2 %. Peut-être pour quelques semaines ou quelques mois. Sur une période plus longue, ce serait un pari contre l'intelligence collective des acteurs du marché, le genre de paris très difficiles à gagner et très souvent perdus.

Notre expérience en fusions-acquisitions nous a appris que les synergies financières sont la dernière astuce utilisée par les conseillers pour justifier l'intérêt d'une acquisition lorsque la valeur des synergies opérationnelles n'est pas suffisante pour justifier le type de prime de contrôle nécessaire à la conclusion d'une transaction (et bien sûr au paiement de commissions de succès, pour ne pas mentionner les bonus pour les conseillers quelques mois après).

Il n'est pas toujours facile de juger, quelques heures après l'annonce d'un accord de fusion et acquisition, si cela conduira à la création ou à la destruction de valeur. Mais une chose est sûre : si le communiqué de presse mentionne des synergies financières, considérez que les acteurs de cette transaction pensent que c'est un accord destructeur de valeur. Et si ces initiés pensent qu'il s'agit d'un accord destructeur de valeur, il est très peu probable que de la valeur soit créée par ce rapprochement.

 



Autre : PORTRAITS DE FEMMES FINANCIÈRES

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen ont publié les portraits de cinq femmes financières dont nous reproduisons ici les trois derniers, les deux premiers l’ayant été dans le numéro de mars[1].

Larissa Cain, Directrice Administrative
et Financière de AGAP2.

En tant que femme ayant réussi dans le domaine de la finance, pouvez-vous nous présenter votre parcours ainsi que le métier que vous exercez ? Comment est née cette vocation ? Avez-vous rencontré des difficultés pour votre orientation ou au contraire avez-vous été soutenue ? Plus tard, avez-vous rencontré des difficultés liées au genre dans votre évolution professionnelle ? Pour vous, quelle est la prochaine étape ? 

Le choix de cette fonction financière ne s’est pas imposé à moi très tôt. 
À l’école j’étais une bonne élève en mathématiques, mais j’avais également un goût prononcé pour la musique, et j’ai suivi depuis toute petite les cours du Conservatoire municipal. J’ai étudié le violon pendant de nombreuses années, puis je me suis orientée vers le chant. 
Après le Bac, malgré mon souhait de devenir une chanteuse d’opéra, j’ai suivi le conseil de mon père et ai intégré une école d’ingénieur en aéronautique tout en poursuivant mes études musicales. 
Mon diplôme d’ingénieur en poche, je suis partie un an aux États-Unis pour me consacrer à l’art lyrique. À mon retour, j’ai débuté comme ingénieur en aérodynamique chez Aérospatiale, que j’ai quitté 18 mois plus tard avec l’opportunité de faire de la gestion d’entreprise au sein d’une petite société de conseil… sans abandonner la musique. 

Cette nouvelle fonction m’a d’emblée plu par son point de vue central, qui demande des qualités de rigueur, d’organisation, d’autorité, mais aussi d’analyse et de compréhension de l’activité de l’entreprise. C’est un peu comme si le président de l’entreprise, en exposant sa stratégie, créait une mélodie que le CFO est chargé d’orchestrer afin d’organiser et structurer l’entreprise en conséquence. 

Par la suite, j’ai travaillé au sein du groupe Altran comme directeur administratif et financier d’une filiale et ai suivi le Mastère de finance d’HEC animé par Pascal Quiry. 
En 2007, j’ai rejoint le groupe européen de conseil opérationnel et d’ingénierie HIQ Consulting en tant que CFO. Ce jeune groupe de 4 000 consultants, créé en 2005, a connu une croissance rapide à laquelle il a fallu associer la mise en place d’outils et de process. Les principaux enjeux à venir seront de préparer structurellement HIQ aux nouveaux enjeux qu’il va falloir relever.

Est-ce difficile d’articuler vie de femme, vie de famille, et vie de financière ? Comment vous organisez-vous ? Quel est votre secret pour tout mener de front ? 

Quand mes enfants étaient petits, j’ai pu concilier ma vie professionnelle avec ma vie personnelle grâce à mon époux compréhensif et une nounou exceptionnelle. Pour autant, je considère qu’il est important de conserver un équilibre dans le couple pour la gestion du foyer. Alors, quand l’agenda est chargé, cela passe par une bonne dose d’organisation ! Aujourd’hui les enfants sont grands mais pour autant j’ai gardé des moments consacrés au chant. Cela contribue à mon équilibre personnel et me permet d’évacuer le stress quotidien.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour exercer dans ce domaine ? 

Pour travailler en finance, il faut aimer les chiffres et surtout être capable de les analyser. Il faut également posséder de bonnes capacités de travail et d’organisation. La direction financière est le lieu où convergent toutes les activités de l’entreprise. Il s’agit aussi d’être le facilitateur des différentes parties prenantes et d’aimer ça !

Quelles sont les femmes ayant pu vous servir de modèles (ou success stories) qui vous ont inspiré durant votre parcours ? 

Une des femmes que j’admire le plus est Simone Veil pour son courage, son engagement, sa capacité à tenir bon et à rester digne en toutes circonstances. 
L’entreprise reste encore aujourd’hui assez machiste, même si les choses évoluent. 
Pour ma part, j’ai la chance de travailler dans un environnement plutôt bienveillant. Néanmoins, il est de notre responsabilité à nous les femmes, d’adopter une attitude claire vis-à-vis de certains comportements et de forcer le respect de nos homologues masculins.

Quels conseils pouvez-vous apporter pour inciter les femmes des générations Z et K à se lancer dans la finance ? 

La fonction Finance, telle que je la conçois, est très opérationnelle. Nous sommes un appui essentiel aux opérations de l’entreprise. Sans une direction financière efficace, l’entreprise n’est pas aussi performante. La DirFI, c’est la salle des machines ! et ce qui est passionnant, c’est d’avoir une vision d’ensemble et d’être aux manettes !  

Le conseil que je peux donner : jeunes Femmes, ayez confiance en vous ! Vous êtes souvent plus efficaces que vos homologues masculins ! Soyez force de proposition et de créativité ! La fonction finance qui est en pleine évolution a besoin de vous !

Capucine Gass-Krebs, Head of Controlling - Lancôme International

En tant que femme ayant réussi dans le domaine de la finance, pouvez-vous nous présenter votre parcours ainsi que le métier que vous exercez ? Comment est née cette vocation ? Avez-vous rencontré des difficultés pour votre orientation ou au contraire avez-vous été soutenue ? Plus tard, avez-vous rencontré des difficultés liées au genre dans votre évolution professionnelle ? Pour vous, quelle est la prochaine étape ? 

J’ai commencé ma carrière en finance d’entreprise un peu par hasard, en acceptant au dernier moment un stage d’un an en développement chez Pernod Ricard. Cette équipe, au sein de la direction financière groupe, était en charge des acquisitions et ventes de marques. 
C’est au travers de ces missions que j’ai découvert les différentes équipes qui composent une direction financière (Contrôle de Gestion, Audit, Fiscalité, Consolidation, etc.) et que j’ai compris que les sujets et les enjeux étaient passionnants et au cœur du business, contrairement à une vision figée et rébarbative qu’ont certains des métiers financiers. 
Suite à cette expérience, j’ai postulé à la majeure IFAC pour acquérir des connaissances théoriques en finance d’entreprise, pour compléter cette expérience « empirique » que je venais de vivre. 

Par la suite, j’ai toujours recherché des postes en direction financière qui aient une exposition forte à l’activité. Être un financier parmi les opérationnels me plaît, je n’ai pas un profil expert. 
C’était le cas lors de mon passage à l’Audit interne au Club Méditerranée, qui m’a permis d’aborder des problématiques financières, comptables mais aussi opérationnelles lorsque j’étais en mission, puis sur différents postes de Contrôle de gestion opérationnel (marketing et commercial). 
Je n’avais pas prévu mon parcours à l’avance, les opportunités se sont présentées les unes après les autres, en privilégiant la qualité de mon manager direct quand c’était possible et la relation forte avec l’activité. Je pense que le choix du manager, surtout en début de carrière, est clé car celui-ci devient soutien, conseiller et porte-parole. C’est grâce à lui la plupart du temps que s’ouvrent les opportunités. J’ai eu de mon côté la chance de tomber sur plusieurs managers de ce type, qui m’ont poussée et avec qui je continue à avoir des liens aujourd’hui. 
Être une femme n’a pas été une difficulté, en tout cas je ne l’ai pas perçu comme tel. 
En revanche, il est clair que comme beaucoup de femmes, j’ai du mal à me mettre en avant, je laisse plus paraître mes doutes et mes remises en question. C’est pour moi une attitude typiquement féminine, qui tend à nous desservir car elle bride nos ambitions, notre capacité à mettre en valeur nos réalisations et à oser demander et négocier.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour exercer dans ce domaine ? 

Comme dans beaucoup de fonctions en entreprise, une des qualités recherchées est de savoir s’adapter : par exemple, il ne faut pas avoir peur de plonger dans des sujets techniques, d’aller dans le détail, avec des experts, et être par ailleurs capable d’expliquer le même sujet de façon très synthétique à un opérationnel en lui racontant l’histoire qui sous-tend les données chiffrées.  S’adapter à son interlocuteur, à des systèmes d’information en permanente évolution, à de nouvelles normes, aux évolutions des grands enjeux business.

Quelles sont les femmes ayant pu vous servir de modèles (ou success stories) qui vous ont inspiré durant votre parcours ? 

J’ai croisé plusieurs femmes dans ma carrière qui m’ont impressionnée et auxquelles je me réfère souvent. 
Ces femmes ont en commun d’inspirer la reconnaissance, tant par leurs compétences reconnues que leur prestance à l’oral. Autre point commun et important : elles ont conservé une attitude féminine, ont développé une autorité naturelle, sans pour autant adopter une posture masculine.  Je trouve que c’est très difficile pour une femme d’arriver à trouver cet équilibre, car nous manquons encore de modèles et de repères.

Aujourd’hui, les femmes représentent 15 % des effectifs des directrices financières en France. Qu’est-ce qui, selon vous, explique ce chiffre ? Comment pourrions-nous le faire augmenter ? 

Je peux trouver deux raisons à ce chiffre : 

La première, comme décrit plus haut, vient selon moi de la difficulté qu’ont beaucoup de femmes à assumer de prendre la parole, d’être leader, de se convaincre elle-même et les autres qu’elles en sont capables. 
Beaucoup (et j’en fais partie), consciencieuses, essaient de faire leur job du mieux qu’elles peuvent et négligent de passer du temps à mettre en valeur leur travail et travailler leur relationnel. 
Je pense que cette caractéristique très féminine n’est pas irrémédiable, et que cela se travaille : j’ai des amies qui ont suivi des séminaires réservés aux femmes, pour leur apprendre à faire évoluer leur mindset et apprendre à oser, s’affirmer, leader, se mettre en avant. Cela a changé beaucoup de choses dans leur comportement.

La seconde est liée aux enfants. Même si les choses évoluent doucement dans le bon sens, il n’en demeure pas moins que cela reste compliqué pour une femme d’assumer un poste à responsabilité, qui est la plupart du temps synonyme de forte charge de travail, avec une vie de famille équilibrée. Certaines y arrivent, grâce à une organisation impeccable dans leur vie professionnelle et personnelle. Mais beaucoup s’autocensurent avant même d’avoir essayé, ce qu’explique très bien l’excellent livre de Sheryl Sandberg, Lean In, que je recommande à toutes les femmes ambitieuses !

 

Quels conseils pouvez-vous apporter pour inciter les femmes des générations Z et K à se lancer dans la finance ? 

1/Faire un stage en finance d’entreprise pendant sa césure, dans un secteur qu’on apprécie. Cela permet de se faire une idée de ce qu’est une Direction Financière et son rôle, et, au-delà du métier même, c’est souvent une excellence entrée en matière pour comprendre comment fonctionne une entreprise.

2/Rencontrer des personnes ayant déjà une dizaine d’années d’expérience : cela permet de se rendre compte de la richesse des parcours et des jobs existant dans les métiers financiers.

3/Ne plus associer Finance d’entreprise avec masculin, car même s’il n’y a que 15 % de directrices financières, il y a beaucoup de postes avec de belles responsabilités occupés par beaucoup de femmes talentueuses et épanouies !

 

Karin Jacquemart-Pernod, Secrétaire Général / Directeur Financier de Butler Capital Partners.

En tant que femme ayant réussi dans le domaine de la finance, pouvez-vous nous présenter votre parcours ainsi que le métier que vous exercez ?
Comment est née cette vocation
 ? Avez-vous rencontré des difficultés pour votre orientation ou au contraire avez-vous été soutenue ? Plus tard, avez-vous rencontré des difficultés liées au genre dans votre évolution professionnelle ? Pour vous, quelle est la prochaine étape ? 

Dès le début de ma scolarité à HEC, j’ai été attirée par la finance, peut-être parce que j’ai eu un excellent professeur en la personne d’un des co-auteurs du Vernimmen ! 

La rigueur, la logique et le rationnel que la finance impliquait me correspondaient, et au fil de ma scolarité, mon intérêt s’est porté plus particulièrement vers la finance de haut de bilan (M&A, optimisation des montages et des transactions, etc.). 
En fin de deuxième année d’HEC, j’ai eu la chance de pouvoir aller faire un stage en banque d’affaires à Londres, dans le département de Corporate Finance de Goldman Sachs. J’ai adoré la diversité des sujets traités, leur côté très stimulant intellectuellement et le niveau d’exigence requis. 

Je n’ai donc pas hésité un seul instant quand Goldman Sachs m’a proposé de les rejoindre à la fin de ma troisième année à HEC. J’ai passé deux années passionnantes à Londres, en ayant l’opportunité de travailler sur des sujets très divers (OPA amicale d’un groupe américain sur un groupe français, augmentation de capital internationale et cotation du titre à New-York pour un grand groupe français, placement privé aux États-Unis, fairness opinion dans le cadre de la fusion de deux banques, financement de projet industriel, etc.) et ce dès le début avec beaucoup d’autonomie et de vraies responsabilités. C’était une période d’autant plus passionnante au sein de Goldman Sachs que cela correspondait à une phase d’expansion pour eux en Europe, et notamment en France. 

J’ai ensuite rejoint un fonds de private equity à Paris, Butler Capital Partners, au moment où les LBO commençaient à se développer en France. Nouvelle expérience passionnante qui permettait, par rapport à la banque d’affaires, d’avoir un suivi plus dans la durée et d’accompagner des entreprises dans différentes phases de leur développement. 
Les aspects de négociation et d’optimisation de la structuration du deal étaient également très intéressants, et permettaient d’être exposée très jeune à des sujets complexes, avec une certaine autonomie. L’évolution de notre activité vers des activités de retournement a été l’occasion de découvrir de nouveaux aspects d’un métier très varié, surtout à une époque où l’on faisait moins appel à des conseils extérieurs (à l’exception des avocats et des auditeurs pour les audits d’acquisition). 
J’ai ensuite souhaité diversifier mon expérience en allant en entreprise en tant que directeur financier. Cela n’a clairement pas été facile de faire admettre que je souhaitais quitter le private equity en 1999- 2000 pour prendre un poste de directeur financier, mais j’y suis parvenue grâce à mon réseau ! En prenant la direction financière de BBDO Corporate, j’ai découvert un monde très différent, avec des problématiques très concrètes et des personnes parfois beaucoup moins sensibilisées aux sujets financiers, ce qui impliquait alors de faire preuve de beaucoup de pédagogie. Cela a également été ma première véritable expérience d’encadrement d’une équipe et une expérience très enrichissante. 
Je suis ensuite revenue en private equity en tant que secrétaire général/ directeur financier de Butler Capital Partners, en gardant, compte tenu de mon expérience de l’investissement, une implication dans certaines opérations, notamment en termes de structuration et de négociation, et également en ayant des mandats d’administrateur dans certaines de nos participations. 
C’est donc un poste qui combine une très grande diversité de tâches et de sujets à traiter, bien évidemment financiers mais aussi règlementaires, juridiques, contentieux, RH, informatique, communication avec les investisseurs, etc. 

En ce qui concerne les difficultés liées au genre, j’en ai bien évidemment rencontrées. Il me semble qu’elles sont plus faibles en début de carrière et qu’elles ont tendance à s’accentuer en cours de carrière, surtout si l’on est dans des milieux qui restent très masculins et sur des fonctions encore peu féminisées. 
Toutefois, cela reste énormément une question de personnes. Il faut avoir la chance de travailler avec des personnes qui sont capables de voir la diversité, et notamment la féminisation, comme une force et un atout pour l’organisation…

 

Est-ce difficile d’articuler vie de femme, vie de famille, vie de mère de famille et vie de directrice financière ? Comment vous organisez-vous ? Quel est votre secret pour tout mener de front ?

Pour tout concilier, cela implique « d’investir » dans une organisation souple et fiable (nounou à la maison en ce qui nous concerne), et j’ai surtout eu la chance de pouvoir m’appuyer sur mon mari, avec qui nous nous organisions pour que nos nocturnes ou déplacements ne tombent pas le même jour, et qui partage avec moi les tâches à la maison ! J’ai également fait certains choix de carrière pour éviter au maximum les déplacements quand ma fille était petite et pouvoir travailler de la maison si besoin, ce qui sur une demi-journée ou une journée est facilement faisable aujourd’hui avec l’informatique et les accès à distance. J’ai également privilégié après la naissance de ma fille des postes où j’avais une certaine flexibilité dans l’organisation de mon temps de travail (notamment travail le soir de chez moi) car je souhaitais pouvoir concilier un travail intéressant et donc souvent très prenant, tout en étant présente pour ma fille.

 

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour exercer dans ce domaine ?

Pour réussir dans la finance, il faut de la rigueur, une agilité intellectuelle et un goût pour les chiffres. Dans les domaines que je connais le mieux (banque d’affaires et private equity), il faut également un goût et une aptitude pour la négociation et un bon sens de la communication, sans oublier une forte capacité de travail.

 

Aujourd’hui, les femmes représentent 15 % des effectifs des directrices financières en France. Qu’est-ce qui, selon vous, explique ce chiffre ?  Comment pourrions-nous le faire augmenter ?

Je ne connais pas assez bien la finance d’entreprise, mais en private equity par exemple, le manque de féminisation augmente très nettement au fur et à mesure de la progression dans la hiérarchie, à l’exception des fonctions support qui restent très féminisées… 
Cela peut résulter d’une combinaison de facteurs : moindre promotion des femmes dans un milieu qui reste très masculin, autocensure de certaines d’entre elles, choix de certaines d’évoluer vers des métiers perçus comme étant plus compatibles avec une vie de mère de famille, etc. 

Par conséquent, pour parvenir à augmenter le pourcentage de femmes, il faut à la fois agir au niveau des dirigeants pour qu’ils favorisent la promotion des femmes, mais également auprès des femmes elles-mêmes, en les accompagnant davantage si besoin, pour limiter notamment la tendance de certaines à l’autocensure et les convaincre d’oser parfois davantage. Il faut qu’il y ait une véritable prise de conscience qu’une féminisation plus importante apporte plus de diversité et une plus grande variété de points de vue et d’analyses, ce qui ne peut être que positif !

 

Quel(s) conseil(s) pouvez-vous apporter pour inciter les femmes des générations Z et K à se lancer dans la finance ?

Lancez-vous dans la finance car ce sont des métiers passionnants et qui peuvent être très différents les uns des autres (finance d’entreprise, private equity, banque d’affaires…).
Profitez de votre année de césure pour tester ces différents secteurs, et surtout dès le début de votre carrière, pensez à construire votre réseau ! Les femmes y accordent parfois moins de temps que les hommes, et il est important de commencer à le construire le plus tôt possible. 

Et si certains aspects des métiers de la finance restent aujourd’hui trop peu féminisés, cela évolue, même si souvent trop lentement à notre goût ! 
Il me semble qu’il y a clairement un vrai début de prise de conscience que la diversité de la composition des équipes est une force dont il ne faut pas se priver. Apporter une vision différente dans un milieu très masculin peut parfois être un véritable avantage…
Derniers conseils, soyez convaincues que vous êtes aussi compétentes que les hommes, lancez-vous et osez postuler à un poste même si vous n’en maîtrisez pas tous les aspects, et ne vous autocensurez jamais!

 

[1] Que vous pouvez consulter en cliquant ici.



Commentaire : Commentaires

Régulièrement, nous publions sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière. Vous en trouverez quelques-uns publiés le mois dernier dans cette rubrique :

La cause ou la conséquence ?
Il y a quelques jours une agence de presse signalait que : « Les investisseurs se ruent sur le titre du groupe de travail temporaire après l'annonce d'une très forte hausse de son dividende ».

S’il suffisait pour faire monter son cours de bourse de 8,8 % d’augmenter son dividende, même fortement, beaucoup de groupes augmenteraient régulièrement leurs dividendes !

En fait, si le cours de bourse de CRIT, la société en question, a monté de 8,8 % en une séance, c’est plutôt à mettre sur le compte de résultat annoncés meilleurs que prévus : les investisseurs s’attendaient à un excédent brut d'exploitation compris entre 128 et 145 M€ ; CRIT a annoncé 150 M€, soit + 20 %. C’est cette progression des résultats au-delà des attentes des investisseurs qui a déclenché la hausse des cours, d’autant que la progression du dividende, partant d’extrêmement bas et multiplié par 11, est un signal que les dirigeants de CRIT sont à l’aise avec la marche actuelle de leur entreprise. 

Même avec un taux de distribution de 58 %, CRIT est à l'abri du besoin, puisque sa trésorerie nette de toute dette bancaire ou financière représente 20 % de la capitalisation boursière. Et c'est autant de capitaux propres, dont CRIT n'a visiblement plus besoin, qui pourront être réinvestis par les investisseurs dans des entreprises qui, elles, ont besoin de capitaux propres.

 

 

[1] Que vous pouvez consulter ici pour Facebook et là pour LinkedIn.



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