La Lettre n°94 de Janvier 2011

Actualités : Les nouvelles dispositions du droit boursier français
par Jean-François Biard

La loi de régulation bancaire et financière dont le projet avait été déposé le 16 décembre 2009 sur le bureau de l’Assemblée Nationale, a été votée le 11 octobre 2010 et promulguée au journal officiel du 23 octobre. Il modifie le régime des offres publiques et celui de l’action de concert avec pour finalité annoncée la protection des actionnaires et la prévention des prises de contrôle «rampantes». Nous en résumons les principales dispositions.

I – Le périmètre des titres pris en considération dans le calcul du franchissement du seuil de déclenchement de l’offre obligatoire

On se souvient que pour le calcul du seuil de déclenchement de l’offre publique obligatoire, le Code Monétaire et Financier ne visait jusque-là que les titres de capital et les droits de vote effectivement détenus et qu’il n’existait pas, pour le calcul de ce seuil, d’ « assimilations » comme le Code de Commerce le prévoit pour les déclarations de franchissement de seuils qui intégrent un périmètre plus large :

- les actions et droits de vote possédés par d’autres personnes pour le compte de cette personne ;
- les actions et droits de vote possédés par les sociétés que contrôle la personne concernée ;
- les actions et droits de vote possédés par un tiers avec qui cette personne agit de concert ;
- les actions et droits de vote déjà émis, qu’on est en droit d’acquérir à sa seule initiative, immédiatement ou à terme, en vertu d’un accord ou d’un instrument financier ;
les actions dont le détenteur a l’usufruit, mais dont il ne dispose pas des droits de vote ;
- les actions et droits de vote possédés par un tiers avec lequel le détenteur originel a conclu un accord de cession temporaire portant sur ces actions ou ces droits de vote ;
- les actions déposées auprès de la personne concernée, à condition que celle-ci puisse exercer les droits de vote qui leur sont attachés comme elle l’entend en l’absence d’instructions spécifiques des actionnaires ;
-les droits de vote que la personne concernée peut exercer librement en vertu d’une procuration en l’absence d’instruction spécifique des actionnaires.
-Sont désormais visés pour le calcul du seuil de l’offre obligatoire, les mêmes éléments que ceux pris en compte pour le calcul des déclarations, sans aucune exclusion. Pour prévenir le risque de confusion et d’incertitude qui pourraient en résulter, le texte renvoie au règlement général de l’AMF le soin de fixer la liste des accords ou instruments financiers mentionnés au point 4, qui seront pris en compte pour la détermination du seuil. A cet égard, il faut noter que ne sont pris actuellement en compte, pour les déclarations, que les produit dérivés dénouables en titres et non ceux dénouables en espèces (cash settlement).

II – Le seuil de l’offre publique obligatoire

Le passage du seuil de l’offre publique obligatoire du tiers du capital ou des droits de vote à 30% a fait l’objet d’un vaste débat de place initié et préparé par l’AMF dans la mesure où la définition du seuil d’OPA relevait jusque-là de son règlement et non de la loi. Avec surprise, le Sénat a décidé d’introduire le nouveau seuil de 30% dans le texte même de la loi qui prévoit le cas général de la personne qui vient à franchir, seule ou de concert, directement ou indirectement, le seuil concerné :

Article 433-3-I, 1er et 2ème alinéa  nouveaux du Code Monétaire et Financier :

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles toute personne physique ou morale, actionnaire d’une société dont le siège social est établi en France, et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, agissant seule ou de concert au sens de l’article L233-10 du Code de Commerce, venant à détenir, directement ou indirectement, plus des trois dixièmes du capital ou des droits de vote, ou détenant, directement ou indirectement, un nombre compris entre trois dixièmes et la moitié du capital ou des droits de vote et qui, en moins de douze mois consécutifs, augmente sa détention en capital ou en droits de vote d’au moins un cinquantième du capital ou des droits de vote de la société, est tenue d’en informer immédiatement l’Autorité des marchés financiers et de déposer un projet d’offre publique en vue d’acquérir une quantité déterminée des titres de la société. A défaut d’avoir procédé à ce dépôt, les titres détenus par cette personne au-delà des trois dixièmes ou au-delà de sa détention augmentée de la fraction d’un cinquantième susmentionné du capital ou des droits de vote sont privés de droit de vote. »


En ce qui concerne la « clause de grand père » destinée à traiter le cas des actionnaires qui détiennent actuellement entre le tiers et 30% du capital ou des droits de vote, il est prévu que l’ancien seuil du tiers continuera à s’appliquer pour les personnes détenant au 1er janvier 2010, directement ou indirectement, entre 30% et le tiers du capital ou des droits de vote d’une société cotée tant que cette participation demeure comprise entre ces deux seuils et dans les conditions fixées par le règlement général de l’AMF. Il ne reste à l’AMF qu’à fixer les conditions de « mobilité » entre ces deux seuils pour les personnes concernées.

Par souci d’harmonie, la loi a introduit un nouveau seuil déclaratif de franchissement à 30% du capital ou des droits de vote.

La loi a modifié également l’article visant le cas de la personne qui lance une offre publique sur une société détenant elle-même une participation supérieure à 30% dans une société qui constitue une part essentielle de ses actifs : l’initiateur de l’offre devra, dans ce cas là, déposer également une offre publique sur ladite société. Dans la rédaction, le critère de l’actif essentiel semble donc s’appliquer lorsque la prise de contrôle du holding s’effectue, en amont, par offre publique. La règle d’assimilation des seuils d’offre publique et des seuils déclaratifs pourrait avoir comme conséquence qu’une personne venant à prendre le contrôle, sans offre publique (par fusion …), d’un holding détenteur d’une participation de 30% dans une société française cotée, pourrait avoir à déposer une offre publique sur cette dernière société, même si ces 30% ne représentent pas une part essentielle des actifs du holding.

L’ensemble de ces dispositions entrera en vigueur trois mois après la promulgation de la loi, soit le 24 janvier 2011. Le seuil d’offre obligatoire, ainsi que la vitesse d’acquisition de 2% par an autorisée entre 30 et 50%, auront ainsi désormais force de loi.

III – L’action de concert

On se souvient du débat né à la suite des affaires Eiffage et Gecina  (voir La Lettre Vernimmen.net n°65 de mai 2008)

Le Code de Commerce prévoyait jusque-là que sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d’acquérir ou de céder des droits de vote pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société. Afin d’appréhender aussi les personnes qui agissent ensemble pour prendre - de manière rampante - le contrôle d’une société sans avoir forcément d’objectifs communs concernant la stratégie future de la société (par exemple, lorsque des « amis » aident celui qui veut prendre le contrôle par des moyens occultes en utilisant des produits dérivés), le texte de loi a complété l’article L233-10 du CC en prévoyant que sont également considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue de prendre simplement le contrôle. La notion de concert dispose ainsi de deux jambes : l’une stratégique, la volonté de mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ; l’autre purement tactique visant les moyens mis en œuvre par les personnes concernées pour conquérir le pouvoir et prendre le contrôle.


L’article L233-10 nouveau du CC se lit ainsi :

« I. Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d’acquérir, de céder ou d’exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société. »

IV – Les autres dispositions relatives aux offres publiques

-Le prix de l’offre publique obligatoire :

Le prix de l’offre publique obligatoire doit désormais être au moins égal au prix le plus élevé payé par l’auteur de l’offre sur une période de 12 mois précédant le fait générateur de l’obligation de dépôt du projet d’offre publique, et non plus le seul dépôt de l’offre.

-L’offre publique de retrait en cas de fusion :

En cas de fusion d’une société contrôlée, l’offre publique de retrait s’applique désormais aux fusions entre mère et fille et aux fusions entre sociétés sœurs.
-La suppression de la garantie de cours :

La loi supprime la procédure de garantie de cours qui s’appliquait aux marchés réglementés mais aussi sur Alternext et qui imposait à l’acquéreur d’un bloc majoritaire d’offrir aux actionnaires minoritaires le même prix que celui payé au cédant du bloc. Dorénavant, l’acquéreur du bloc devra passer par la procédure d’une offre publique dont le prix est soumis à l’appréciation de l’AMF.

-L’offre publique obligatoire sur les marchés non règlementés :

Pour les marchés non règlementés, la personne qui gère ce marché,  par exemple Alternext, pourra faire la demande auprès de l’AMF, d’appliquer la procédure d’offre obligatoire dont le fait générateur ici est le franchissement direct ou indirect du seuil de 50% du capital ou des droits de vote.
-L’offre publique de retrait et retrait obligatoire :

Les dispositions relatives aux offres publiques de retrait et au retrait obligatoire deviennent applicables aux instruments financiers négociés sur un marché non règlementé lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande auprès de l’AMF (par exemple, Alternext).


Tableau : Les taux d'imposition en France

Les taux d’impôt en France pour 2011 pour des sociétés et personnes physiques françaises seront de :

 

(1) 15 % sur les premiers 38 120 € de bénéfice imposable ;
(2) 33,1/3 % sur la fraction d’IS inférieur ou égale à 763 000 € ;
(3) 19%, 15 % ou 1,66% sur la fraction d’IS inférieure ou égale à 763 000 € ;

(a) Sociétés dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 7,630 M€ et dont le capital, entièrement libéré, doit être détenu pour au moins 75 % par des personnes physiques (ou des sociétés qui satisfont aux conditions).

(b) Régime des plus-values et moins-values à long terme :

Sont exonérés sauf application d’une quote-part de frais et charges de 5%, les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans qui revêtent ce caractère au plan comptable ainsi que ceux considérés comme tels par la loi fiscale : (i) titres ouvrant droit au régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du CGI si inscription à une subdivision spéciale d’un compte de bilan correspondant à leur classification comptable (ii) actions acquises en exécution d’une OPA ou OPE par l’entreprise initiatrice.

Pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2010, la plus ou moins-value constatée lors de la cession de titres de participation détenus depuis moins de deux ans à une société liée est mise en suspens. Le régime et la date d’imposition de ce résultat dépendent du maintien ou non des titres dans le groupe économique.
 
Sont imposables au taux réduit de 15% (15,49% si contribution sociale de 3,3% applicable) les produits nets de concession de brevets, d’inventions brevetables ou de procédés de fabrication ainsi que les plus-values y afférentes (extension aux cessions de brevets, d’inventions brevetables ou procédés de fabrication applicables au titre des exercices ouverts à compter du 26 septembre 2007 et au titre des exercices clos à compter de cette même date). Sont aussi concernées les plus-values de cession de parts de FCPR et d’actions de SCR lorsque ces titres sont détenus depuis plus de 5 ans (avec, sous certaines conditions, application de l’exonération avec quote-part de frais et charges de 5%). 

En revanche, sont taxables au taux de droit commun, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées par une société relevant de l’IS (exception : taxation à 19% si cession des titres au profit de certaines sociétés immobilières telles que les SIIC ou de certains organismes publics (société d’économie mixte, HLM)).

Les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées ainsi que de titres de SIIC sont imposées à un taux spécifique de 19% (19,63% si contribution sociale de 3,3% applicable) dès lors qu’ils sont détenus depuis au moins 2 ans et considérés comme des titres de participation au plan comptable ou considérés comme tels au plan fiscal.

Les cessions de titres de sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif ne relèvent plus du régime long terme (mesure applicable à compter du 1er janvier 2011).

(c) Participation au moins de 5 % en droits de vote et capital, titres détenus sous forme nominative, concerne aussi les titres dépourvus de droit de vote (actions de préférence) si la société mère détient globalement au titre de cette participation au moins 5% du capital et des droits de vote de la société émettrice. Sont exclues de ce régime les participations dans des sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés (notamment SIIC pour les dividendes prélevés sur des bénéfices exonérés, SICAV… De même, le régime mère-fille n’est pas applicable aux distributions réalisées par les sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI. Cette mesure s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011.

Pour la détermination des exercices clos à compter du 31 décembre 2010, la quote-part de frais et charges que la société mère doit réintégrer dans ses résultats imposables à raison des produits perçus de ses filiales ne peut plus être plafonnée au montant des frais et charges réellement engagés.

(d) Pour les titres ou parts de sociétés soumises à l’IS acquis à partir du 1er janvier 2006, la plus-value de cession à titre onéreux est diminuée d’un tiers par année de détention des titres au-delà de la 5ème année de leur détention (soit en pratique à partir de 2011) : exonération d’imposition sur le revenu pour les actions acquises à partir du 1er janvier 2006 et détenues pendant 8 ans, soit en pratique exonération totale pour les cessions intervenues à compter de 2014 (mais pas d’exonération des contributions sociales de 12,3%).

(e) Les plus-values des cessions effectuées à compter du 1er janvier 2010 seront soumises aux prélèvements sociaux au premier euro (abandon du seuil d’exonération de 25.730 euros). Les moins-values subies au cours d’une année seront imputables sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année et des 10 années suivantes, quel que soit le montant annuel des cessions de l’année considérée.


Recherche : Les effets indirects des introductions en bourse

Depuis un article d’Ibbotson et Jaffe paru en 1975 (1), nombreuses ont été les recherches sur la performance des entreprises récemment introduites en bourse. Les résultats les plus fréquents indiquent une surperformance boursière de ces entreprises à très court terme, et une sous-performance sur une durée de 5 ans après l’introduction en bourse (ou IPO, Initial Public Offering). En revanche, on dénombre peu de publications sur les conséquences des IPOs pour les autres entreprises du secteur.

Pourtant, les auteurs de l’article que nous présentons ce mois-ci (2) soulignent que les entreprises introduites en bourse ne représentent qu’une faible proportion du portefeuille d’un investisseur diversifié (de l’ordre de 2,5%). C’est pourquoi ils se sont intéressés à la performance (boursière et opérationnelle) des entreprises déjà cotées lorsque leur secteur connaît une introduction en bourse significative.

A partir d’un échantillon de 171 introductions en bourse annoncées entre 1980 et 2001 (dont 134 réalisées et 37 retirées) (3), l’étude apporte une réponse empirique à deux questions.

1. Quelle est la performance des entreprises des secteurs concernés ?

Les auteurs montrent que les actions d’une entreprise réagissent négativement à une introduction en bourse significative sur leur secteur. Le jour de l’annonce de l’introduction en bourse, la sous-performance boursière s’élève à 0,59%. La bonne fin de l’opération entraîne une perte supplémentaire de 0,4% (4), alors que son retrait entraîne une surperformance de 1,97% (5). Par ailleurs, la performance opérationnelle de ces entreprises se dégrade dans les années qui suivent l’introduction en bourse, justifiant ainsi la réaction négative des marchés.

Ces entreprises souffrent de la plus grande compétitivité des entreprises récemment introduites en bourse. Trois explications complémentaires sont proposées :

a)l’introduction en bourse se traduit pour l’entreprise introduite par un taux d’endettement plus faible, ce qui lui donne davantage de réactivité pour entreprendre des investissements rentables (aux dépends de ses concurrents) ;

b) la certification apportée par les banques d’investissement lors de l’introduction en bourse envoie un signal positif au marché (à comparer à la certification plus ancienne des entreprises déjà cotées) ;

c) l’introduction en bourse peut procurer des avantages non financiers (facilité d’accès à la R&D notamment).

2. Quelles caractéristiques des entreprises augmentent (ou diminuent) leur sensibilité à une introduction en bourse dans leur secteur ?

Les résultats sont cohérents avec les explications proposées précédemment. Les performances des entreprises sont moins dégradées par une introduction en bourse dans leur secteur d’activité si :

a)elles sont peu endettées (donc elles-mêmes réactives aux opportunités d’investissement) ;

b) leurs propres introductions en bourse ou leurs augmentations de capital ont fait l’objet d’une certification par une banque d’investissement très réputée ;

c) elles investissent davantage en recherche et développement.

La probabilité de survie des entreprises lorsqu’un concurrent est introduit en bourse est également plus grande lorsque ces trois conditions sont remplies.

Enfin, en montrant que les entreprises sont négativement affectées par l’introduction en bourse d’un concurrent, l’article suggère qu’une entreprise qui s’introduit en bourse améliore sa compétitivité.

(1) R.G.IBBOTSON et J.F.JAFFE (1975), Hot issue markets, Journal of Finance, vol. 30, pages 1027-1042
(2) H.G.HSU, A.V.REED et J.ROCHOLL (2010), The new game in town : competitive effects of IPOs, Journal of Finance, vol. 65, pages 495-528
(3) L’échantillon peut sembler relativement petit, mais les auteurs ont éliminé les cas où une introduction en bourse de plus grande ampleur a eu lieu dans le même secteur dans les six ans suivant l’introduction en bourse. Ils se sont également focalisés sur les secteurs non financiers.
(4) Sur une période allant de J-10 à J+1, où J est le jour de l’introduction en bourse.
(5) L’ampleur de cette surperformance n’est pas expliquée ; on peut imaginer que l’annonce du retrait d’une introduction en bourse prévue rend moins probable une autre introduction en bourse dans le secteur dans un avenir proche.



Q&R : Qu'est-ce que la procédure de sauvegarde financière accélérée ?

C’est une procédure créée fin 2010 qui trouvera à s’appliquer aux conciliations (1) ouvertes à partir du 1er mars 2011 et qui a pour objectif d’arrêter le plan de sauvegarde d’une entreprise en difficulté en un mois (voire deux au plus) après le jugement d’ouverture de cette procédure.

Elle concerne les sociétés d’une certaine taille : au moins 20 M€ de chiffre d’affaires ou employant au moins 150 salariés. Un troisième seuil alternatif est à l’étude tenant au montant d’endettement, afin d’ouvrir le bénéfice de la sauvegarde financière accélérée aux holdings de LBO qui ne sont pas en cessation de paiements et qui sont donc eligibles à la procédure de sauvegarde. Dans celle-ci, faute d’unanimité des prêteurs bancaires ou financiers sur le plan de restructuration proposée, un accord ne peut être trouvé, ce qui impliquerait de passer à une procédure de sauvegarde (longue de 6 à 18 mois) ou un redressement judiciaire si l’entreprise est en cessation de paiements.

Si le chef d’entreprise a compris, dans la procédure de conciliation, que faute d’obtenir l’unanimité des prêteurs bancaires et obligataires sur son plan de restructuration, il peut néanmoins compter sur le soutien d’au moins les 2/3 d’entre eux, il a tout intérêt à demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée. Il est le seul à pouvoir le faire. En effet, dans ce cadre, les prêteurs bancaires (en comité) et les prêteurs obligataires (en assemblée générale) se prononcent à la majorité des 2/3 des montants des créances détenues et non à l’unanimité sur le plan de restructuration du passif financier.

Le tribunal prononce l’ouverture de cette procédure après rapport du conciliateur sur le déroulement de la conciliation et les perspectives d’adoption du projet de plan par les créanciers. Une fois adopté par ces derniers, le plan est arrêté par le tribunal (qui, comme en procédure de sauvegarde classique, vérifiera que l’intérêt de tous les créanciers est suffisamment protégé), ce qui le rend applicable à tous les créanciers obligataires et bancaires, même ceux qui ont voté contre.

Les prêteurs non obligataires ou bancaires (les fournisseurs et les créanciers publics) sont expressément exclus de la sauvegarde financière accélérée : leur créances ne sont pas gelées et ils n’ont pas à les déclarer. Ils devront donc être payés au terme normal de leurs créances, nonobstant l’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée à laquelle ils ne sont en aucune manière associés.

La procédure de sauvegarde financière accélérée est donc particulièrement adaptée aux holdings de LBO, sous réserve de l’adoption par décret du troisième seuil précité, dont les difficultés proviennent du poids de la dette financière et obligataire devenue trop lourde compte tenu d’une dégradation des conditions d’exploitation, et non des dettes d’exploitation.

Elle constitue, au niveau de la procédure de conciliation, une menace de passage en force qui pousse les parties à trouver une solution négociée qui peut ensuite trouver à s’appliquer rapidement.

Elle constitue une adaptation au contexte français de la technique américaine « prepackaged plan » ou « prepack » pour les intimes. L’entreprise y pré-négocie avec ses créanciers le plus souvent financiers un plan de restructuration et dès que l’accord sur celui-ci est bouclé, l’entreprise entre en procédure de sauvegarde donc elle sort en temps record car l’essentiel du travail a été fait en amont.

Merci à Pauline Bournoville et à Philippe Dubois pour leur attentive relecture.

(1) Pour plus de détails sur cette procédure, voir le chapitre 51 du Vernimmen 2011.



Autre : Nouveau sur le site www.vernimmen.net


Nous avons ajouté quelques questions supplémentaires portant sur la gestion du BFR et les introductions en bourse dans le quizz.
Vous avez donc maintenant 334 questions avec leur corrigé pour vous faire les dents en finance. Cliquez ici pour les retrouver.

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Nos lecteurs nous écrivent

Suite à la publication de l’article sur l’assurance de garantie de passif (1), Pierre-Alexandre Bentin de Marsh nous a adressé le courrier suivant qui nous parait utile pour ceux qui s’intéressent à ce sujet des fusions – acquisitions :

« Je faits suite à la lettre d'information reçue il y a peu de votre site vernimmen.net. Je dirige une équipe de consultants spécialisés sur ces types de problématiques depuis plusieurs années sur la zone EMEA et souhaitait partager avec vous quelques commentaires :

-Le marché d'assurance a considérablement évolué sur ce type de risques dans les trois dernières années non seulement au niveau des prix de ce type de solution mais aussi au niveau de la qualité de couverture de ces solutions. On dénombre aujourd'hui une dizaine d'assureurs capables d'étudier et transférer ce type de risques.

-Les opérations de M&A concernées sont généralement des opération d'une valeur equity comprise entre 50 et 300 M€ même si nous conseillons parfois de plus petites opérations ou de beaucoup plus grosses. Dans tous les cas, la capacité maximum de protection est autour de 300 M€ (minimum 2 à 3 M€).

-Ces solutions sont utilisées également par des acheteurs souhaitant obtenir plus de confort notamment sur des zones plus sensibles telles que le Brésil, l'Inde ou la Chine.

-Même si un assurance garantie de passif "standard" ne couvre que des risques non connus de l'assuré, il est désormais possible de couvrir des risques "connus" sur lesquels restent un incertitude (en montant, durée, probabilité de condamnation) permettant de "pricer" certains risques et par exemple à des fonds d'investissement de clôturer leurs fonds et rembourser leurs investisseurs. De nombreuses solutions sur des risques fiscaux identifiés ont par exemple été développées.

-Le prix de ces solutions dépend beaucoup de la structuration mais disons que sur une opération de M&A en Europe  il est plutôt aux alentours de 1% à 2% du montant transféré.

-A noter également que la fraude du vendeur peut également être couverte dans le cas d'une police dite "acheteur".

(1) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 93 de décembre 2010.



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