La Lettre n°86 de Avril 2010

Actualités : Vademecum de l'impôt sur les sociétés
Avec la contribution d'Anne-Valérie Le Fur (Université Versailles Saint-Quentin)

Chacun à sa place et celle du Vernimmen n’est pas de traiter de fiscalité mais de finance ! Il nous a néanmoins paru intéressant d’offrir à nos lecteurs au travers d’un article que nous espérons le plus simple possible (ce qui n’est pas une tâche facile en fiscalité), les grands principes de l’imposition des sociétés. Nous commençons ce mois-ci avec quelques questions sur l’impôt sur les sociétés (IS).


Qui est soumis à l’IS ?


Le principe est qu’il existe deux types de sociétés :


• les sociétés dites « opaques » (les sociétés anonymes, les sociétés par action simplifiée, les sociétés en commandite par actions, les SARL, les EURL dont l’associé est une personne morale, les sociétés coopératives) ont la personnalité morale en droit fiscal et sont de plein droit soumises à l’IS. Leurs associés ne sont taxés que sur les flux (essentiellement les dividendes) qu’ils perçoivent d’elles ;
• les sociétés transparentes (société civiles, sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple, EURL dont l’associé est une personne physique) ne sont en principe pas soumises à l’IS, mais leur associés doivent intégrer dans leurs revenus leur quote part de résultat.


Comme rien n’est simple, il existe de nombreuses exceptions à ce principe :


• les sociétés normalement transparentes peuvent opter pour l’IS. Une fois l’option exercée à l’unanimité des associés, elle devient irrévocable ;
• les SARL constituées en famille peuvent opter pour l’IR ;
• depuis août 2008, les SA, SAS et SARL de moins de 5 ans non cotées peuvent opter pour le régime des sociétés de personnes, sous un certain nombre de conditions (1) ;

• les sociétés civiles qui se livrent à une activité industrielle ou commerciale, requalifiées en droit privé de sociétés créées de fait, sont soumises d’office à l’IS ;
• l'impôt sur les sociétés s'applique, dans les sociétés en commandite simple et dans les sociétés en participation, à la part de bénéfices correspondant aux droits des commanditaires et à ceux des associés autres que ceux indéfiniment responsables ou dont les noms et adresses n'ont pas été indiqués à l'administration.

Que devient le calcul de l’IS pour un groupe de sociétés ?


Le traitement fiscal prévu par le Code général des impôts pour des groupes de sociétés est de deux types :


L’intégration fiscale. Dès lors qu'une société mère de nationalité française soumise à l'IS dans les conditions de droit commun, détient directement ou par l'intermédiaire de sociétés du groupe, 95 % au moins d'une autre société française soumise à l’IS, elle peut opter, avec l'accord de ses filiales, pour le régime de l’intégration fiscale. La société tête de groupe intégrante ne doit pas dépendre directement voire indirectement à 95% d’une autre société soumise à l’IS située en France.


L'option du régime de l'intégration fiscale vaut pour cinq exercices. L'intérêt, pour les sociétés est considérable car seule la société mère intégrante est redevable de l'impôt sur les sociétés, le résultat d'ensemble étant déterminé par la société mère et égal à la somme algébrique des résultats imposables des sociétés du groupe. Ainsi, la société mère du groupe peut compenser les pertes et profits réalisés par l’ensemble des sociétés du périmètre intégré et bénéficier de la neutralisation fiscale des opérations internes à ce groupe. Par exemple, le holding dans un LBO va pouvoir imputer ses frais financiers sur le résultat avant impôt de la cible.


Le régime spécial des sociétés-mères/filiales.  Ce régime plus simple ne peut porter que sur les titres de participation représentant 5% au moins du capital de la société émettrice, et conservés pendant deux ans au moins. Ce régime revient à neutraliser les distributions de dividendes à l'intérieur du groupe et à éviter ainsi un cumul d’imposition. Les produits des participations prises dans les filiales françaises ou étrangères sont alors exonérés d’IS chez la société-mère mais avec une réintégration de 5% des dividendes, correspondant à une quote-part de frais et charges (soit au total une imposition de l’ordre de 5% x 34,43% = 1,7%).


-Remarque : Depuis le 1er janvier 2009, les PME françaises de moins de 2 000 salariés soumises à l’IS et dont le capital et les droits de vote ne sont pas détenus, directement ou indirectement, à hauteur de 25 % ou plus par une ou plusieurs entreprises ne respectant pas ce seuil, peuvent déduire de leurs résultats les déficits subis par leurs succursales ou filiales étrangères détenues à plus de 95%. La déduction fait l’objet d’une reprise au plus tard dans un délai de 5 ans.


Citons pour mémoire le régime du bénéfice mondial disponible que sur agrément du ministre des finances et qui permet d’inclure les filiales étrangères. En pratique ce régime ne concerne que quelques groupes.
Comment est déterminé le revenu imposable ?


Selon le principe de territorialité, sont pris en compte uniquement les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale. Par conséquent, sauf convention contraire, tous les bénéfices réalisés par une société en France, qu'elle soit française ou étrangère, sont soumis à l'IS. Les bénéfices réalisés à l’étranger échappent à une imposition à l’IS en France lorsqu’ils sont réalisés par un établissement stable (ils sont alors imposés dans le pays de l’établissement stable).


La période d’imposition est en principe de douze mois (principe d’annualité) et correspond à l’exercice comptable (et non nécessairement l’année civile), la taxation porte sur le résultat de l’exercice clos. La base de calcul du résultat imposable est donc le résultat comptable. Du fait de divergences entre la réglementation comptable et la réglementation fiscale, le résultat fiscal est obtenu en effectuant un certain nombre de retraitements par rapport au résultat comptable : certains produits enregistrés en comptabilité sont retranchés, certaines charges sont réintégrées car elles ne remplissent pas les conditions générales de déduction.


Résultat fiscal = résultat comptable + charges non déductibles et moins values long terme (MVLT) (réintégrations) - produits non imposables et plus values long terme (PVLT) (déductions)




Les produits imposables


Les différences relatives aux produits entre résultat comptable et résultat fiscal portent principalement sur : 
• les revenus fonciers, tels des loyers, ne sont imposables à l’IS que si le bien est inscrit à l’actif du bilan ;
• les revenus issus de brevets ou autres produits de la propriété intellectuelle sont imposés suivant le même régime que les PVLT ; il faut donc les déduire du résultat fiscal ;
• les dividendes perçus de la participation dans une société transparente sont déduits du résultat imposable en même temps que la part dans le résultat de cette société est réintégrée dans le résultat fiscal ;
• les reprises sur provisions et dépréciations ne font partie du résultat imposable que si la provision ou dépréciation était elle-même déductible fiscalement ;
• les dividendes reçus de participations bénéficiant du régime mère/filiales sont extournés, seule la quote-part de frais et charges (5%) est intégrée au résultat imposable ;
• les subventions de fonctionnement sont imposées comme un produit d’exploitation tandis que les subventions d’équilibre ou d’équipement font l’objet d’un traitement fiscal particulier car il s’agit de produits exceptionnels ;
• notons que les stocks, et donc les variations de stocks peuvent nécessiter un retraitement. En effet sur le plan fiscal, les stocks sont les éléments qui sont la propriété de l’entreprise alors que sur le plan comptable il suffit que l’entreprise ait le contrôle sur ces éléments.
Les charges déductibles


Les charges pour être déductibles doivent répondre à l’intérêt de l’entreprise et se rattacher à la gestion normale de l’exploitation. La loi fiscale exclut ainsi expressément certaines dépenses de la liste des charges déductibles : les amendes, des dépenses somptuaires, les dépenses personnelles du dirigeant…


S’agissant des amortissements, la méthode retenue est par principe, que les règles fiscales sont calquées sur les règles comptables mais pour ne pas être pénalisées, les entreprises ont la possibilité de déduire des amortissements dérogatoires. Les redressements portent sur :


• la base amortissable fiscalement est la valeur d’origine alors que la base amortissable comptable est la valeur d’origine moins la valeur résiduelle ;
• la durée d’amortissement fiscale est la durée retenue par l’usage de la profession alors que la durée d’amortissement comptable est la durée d’utilisation déterminée par la société ;
• le mode d’amortissement fiscal est linéaire ou dégressif alors que le mode d’amortissement comptable de droit commun est la méthode linéaire.


S’agissant des dépréciations, pour être déductibles, elles doivent porter sur un bien déductible, être probables, nettement précisées quant à leur nature et leur montant, résulter d’un événement en cours à la clôture de l’exercice, être enregistrées en comptabilité. Pour les dépréciations de biens amortissables, des corrections sont à opérer du fait des divergences entre valeur nette comptable et valeur nette fiscale, laquelle tient compte des amortissements dérogatoires.


Les provisions pour charges (provisions pour congés payés, provisions pour indemnité de licenciement pour motif personnel ou suite à une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire…) ou pour pertes (provisions pour litiges) doivent remplir les mêmes conditions que les dépréciations pour être déductibles. Certaines ne le sont pas, comme, par exemple, les  provisions pour pertes de change, ou pour indemnités de licenciement pour motif économique.


Les jetons de présence alloués aux administrateurs et aux membres du conseil de surveillance sont déductibles de l'assiette de l'IS dans la limite de 5 % du produit obtenu en multipliant la moyenne des rémunérations déductibles attribuées au cours de cet exercice aux salariés les mieux rémunérés de l'entreprise par le nombre des membres composant le conseil
Les intérêts versés à des associés en vertu de leur apport en compte-courant sont déductibles à la condition de ne pas être excessifs


Le régime des plus ou moins-values dans le cadre d’une société soumise à l’IS.

Il y a quelques différences avec le régime des plus-values professionnelles applicable aux entreprises soumises à l’IR. Ainsi, à part le cas particulier des brevets et éléments assimilés, toutes les plus ou moins-values réalisées lors de la cession d’immobilisations corporelles ou incorporelles, peu importe la durée de détention, sont à court terme, et donc soumises à l’IS.
En revanche les plus values sur titres de participation détenus depuis plus de deux ans sont exonérées d’IS sous réserve d’une quote-part de frais et charges égales à 5 % du résultat net des plus-values de cession .Les seules plus ou moins values long terme possibles taxables à 19% portent sur la cession d’immeuble ou de titres de sociétés à prépondérance immobilière au profit de SIIC (régime temporaire) ou de cession de titres de participation de sociétés à prépondérance immobilière cotées.

Les régimes spécifiques pour les petites entreprises


Tout comme pour les BIC, il existe les régimes d'imposition d'après le forfait, le bénéfice réel ou le réel simplifié. Le seuil de chiffre d’affaires du régime des micro-entreprises (micro-BIC) est, pour l’année 2010, de 80 300€ HT s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est la livraison de biens, de ventes à consommer sur place ou de prestations d’hébergement, et de 32 100 € pour les entreprises de prestations de services. Le résultat imposable, avant prise en compte des plus ou moins-values provenant de la cession des biens affectés à l'exploitation, est alors égal au montant du chiffre d’affaires HT diminué d'un abattement de 71 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la 1ère catégorie et d'un abattement de 50 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la 2nde catégorie. Le régime du réel simplifié s’applique lorsque le chiffre d’affaires HT ne dépasse pas 766 000 € pour les entreprises de ventes (avec une tolérance jusque 843 000 €) et 231 000 € pour les entreprises de services (avec une tolérance jusque 261 000 €), ou lorsqu’une entreprise bénéficiant en principe du régime micro-entreprise a opté pour le réel simplifié. Une déclaration spécifique est obligatoire mais son contenu est réduit : l’imposition est alors déterminée en fonction du bénéfice indiqué dans cette déclaration ; c’est donc un bénéfice net réel et non forfaitaire.


Quel taux d’IS ?


Taux d’imposition et calcul de l’impôt net.

Depuis le 1er janvier 1993, le taux d'imposition à l'IS est de 33 1/3 %


Impôt brut = (résultat fiscal – déficits reportables) x 33 1/3%


Le montant de l’IS connaît certains types de réductions avec des règles d’imputation particulières pour chaque avantage accordé : crédits d’impôt (crédits d’impôt recherche, crédits d’impôts liés à certains revenus de valeurs mobilières…),  des réductions d’impôts (réduction d'impôt égale à 60 % du  montant des dons, dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires…)


Il convient de noter qu’au taux de 33 1/3 vient s’ajouter une contribution sociale portant de fait le taux à 34,43% au-delà de 763 000 € d’impôt (2).


Les PME bénéficient d’un taux réduit à 15 % si elles ont réalisé un chiffre d'affaires de moins de 7 630 000 € au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, dans la limite de 38 120 € de bénéfice imposable par période de douze mois. Un certain nombre de conditions sont prévues, notamment le capital de la société doit avoir été entièrement libéré et être détenu au moins à 75 % par des personnes physiques.


… et les reports fiscaux ?


Lorsque la société n’a pas un résultat fiscal positif (et ne paye donc pas d’impôt), plusieurs mécanismes permettent de reporter dans le temps ces pertes : le report en avant autorise l’imputation des déficits sur les excédents des exercices ultérieurs sans limitation de durée, le report en arrière, ou carry back, permet leur imputation sur les excédents des trois exercices précédents et donne lieu, le cas échéant, à un remboursement de l’excédent d’impôt payé dans les cinq ans ou à une compensation avec une dette fiscale.


Quand déclarer ?


La déclaration doit être réalisée à la fin de chaque exercice comptable dans un délai de 3 mois, à compter de la clôture de celui-ci. Les sociétés qui clôturent leur exercice à la date du 31 décembre peuvent déposer leur déclaration jusqu’au 30 avril. Cette déclaration doit comporter le résultat (bénéfice ou déficit) ainsi que les éléments permettant la détermination de celui-ci. Cette déclaration s'impose à toutes les sociétés assujetties quelle que soit l'importance de leur chiffre d'affaires mais elle est allégée en fonction du régime d’imposition.


Comment payer l’IS ?


Le paiement de l'IS doit être effectué spontanément par les sociétés au moyen de quatre acomptes. Si la société clôture ses comptes le 31 décembre (en fait entre le 20/11 et le 19/2), le premier acompte est versé le 15 mars, le second le 15 juin, le 3ème le 15 septembre et le 4ème le 15 décembre. Ces acomptes sont calculés en fonction du bénéfice imposable de l’exercice précédent. Le solde de l'IS doit être payé au plus tard le 15 avril de l'année suivante.


Si l’exercice est clos le 30 avril, le premier acompte est versé le 15 juin puis on décale…Si l’exercice de référence est déficitaire ou si l’IS payé lors de l’année de référence est inférieur à 3 000€, l’entreprise est dispensée de payer des acomptes. Si lors du calcul du solde de l’IS, celui-ci est négatif, l’administration procède à un remboursement dans un délai de 30 jours.


L’Imposition forfaitaire annuelle (IFA)


Toutes les sociétés assujetties à l'IS dont le CA majoré des produits financiers dépasse 1 500 000 € sont soumises à une imposition forfaitaire annuelle : l’IFA.  Cette imposition, distincte de l'IS, ne prend en compte que le chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos et les produits financiers, quels que soient les bénéfices ou les déficits réalisés par la société. L'IFA, dont le montant fait l’objet d’un barème, est une charge déductible fiscalement et ne s'impute pas sur le montant de l'IS. À compter du 1er janvier 2010, le seuil est porté à 15 000 000  € et à compter du 1er janvier 2011, l'IFA serait définitivement supprimée. Le montant de l’IFA, acquitté spontanément par les entreprises le 15 mars de chaque année, s’élève à 20 500 euros pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires majoré des produits financiers est compris entre 15 000 000 € et 75 000 000 €; 32 750 euros pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires majoré des produits financiers est compris entre 75 000 000 € et 500 000 000 € ; 110 000 euros pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires majoré des produits financiers est égal ou supérieur à 500 000 000 €.
(1) - les droits sociaux doivent être détenus à hauteur de 50 % au moins par une ou des personnes physiques et à hauteur de 34 % au moins par  une ou plusieurs personnes exerçant des fonctions de direction ;
  - la société doit exercer à titre principal une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à l’exclusion de la gestion d’un patrimoine propre mobilier ou immobilier ;
  - elle doit employer moins de 50 salariés et réalisé un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan inférieur à 10 millions d’euros ;
  - l’option ne peut être exercée qu’avec l’accord de tous les associés ; elle est valable pour une période de cinq exercices.
(2) La contribution est donc égale à : (IS calculé à 33 1/3% - 763 000) x 3,3%.


Tableau : Les variations du BFR en 2009

Le classement des groupes du CAC 40, à l’exclusion des financières et des immobilières, fait apparaître deux constats :


• ils étaient 16 l’an passé, ils sont maintenant 19 groupes sur 34 à avoir à la clôture de leur exercice social, un BFR négatif. Le BFR négatif est ainsi l’un des attributs d’un groupe puissant et il ne fait pas s’étonner de trouver de nombreux groupes puissants dans les membres du CAC 40 qui rassemble l’élite de l’économie française ! Comme nous avons eu l’occasion de l’écrire (1) « Le BFR est le témoin d’un rapport de force entre l’entreprise, ses clients et ses fournisseurs ». Il n’y a donc pas que la grande distribution à avoir un BFR négatif. Au total, le CAC 40 a un BFR négatif pour 3 % de son chiffre d’affaires.

• si la détérioration du BFR avait été violente pour certains groupes en 2009 (2), 2010 a permis de rétablir la situation. Ainsi, Peugeot, Renault et Arcelor Mittal qui avaient vu le BFR augmenter de 6,8 Md€ en 2008 ont enregistré en 2009 une réduction de 10,6 Md€ sur un total de 14,4 Md€ pour l’ensemble du CAC 40. Dans les six plus grosses réductions du BFR enregistrées en 2009 figurent cinq groupes qui avaient particulièrement souffert de chutes d’activités fin 2008 : outre les trois précédents, Saint-Gobain et Lafarge qui ont soit bénéficié de supports financiers de l’Etat (les constructeurs automobiles), ou d’augmentations de capital en 2009 (les autres).
(1) Voir le chapitre 12 du Vernimmen 2010.
(2) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 76 de mai 2009.


Recherche : Les décisions de structure financière

Il n’existe pas aujourd’hui de théorie unifiée de la structure financière. Depuis l’article de F. Modigliani et M. Miller en 1958 (1), trois familles de pensée concurrentes tentent d’expliquer  le choix d’une structure financière :


• La théorie du trade-off, selon laquelle les deux critères décisifs sont le niveau de l’impôt sur les bénéfices, et les coûts d’un endettement excessif. L’impôt favorise la dette sur les capitaux propres puisque les intérêts sont déductibles du bénéfice imposable, contrairement aux dividendes. En contrepartie, un niveau de dette trop élevé peut entraîner des difficultés pour l’entreprise (par exemple, l’impossibilité de financer de nouveaux projets profitables). On parle de « coûts du stress financier » ou de « coût de la faillite », terme moins approprié car ils apparaissent avant que la faillite ne survienne.
• La théorie du pecking-order, selon laquelle les asymétries d’information déterminent la structure financière. Pour minimiser le coût de ces asymétries d’information, l’autofinancement est la ressource privilégiée pour un nouveau projet, puis l’endettement, et le financement par capitaux propres est le dernier recours.
• La théorie du market-timing, selon lequel l’entreprise procède à des augmentations de capital dans les conjonctures de marché favorables (cours de bourse élevé), et se finance par endettement dans les conjonctures défavorables.


Chacune de ces théories a reçu le support d’études empiriques. Nous présentons ce mois-ci une étude transversale (2), portant sur tous les facteurs explicatifs du taux d’endettement (3)  selon les différentes théories sur très longue période (1950 à 2003) aux Etats-Unis. Les résultats font apparaître six facteurs explicatifs dominants :


• Le taux d’endettement augmente avec le taux moyen du secteur d’activité. Cet effet peut cacher des facteurs sectoriels spécifiques que la théorie n’a pas identifiés, ou simplement une tendance au mimétisme des directeurs financiers.
• Les entreprises affichant un ratio market-to-book élevé ont un taux d’endettement plus faible. Ce ratio mesure essentiellement le potentiel de croissance. Le résultat est conforme à la théorie du trade-off, car les coûts du stress financier sont plus importants pour une entreprise en croissance.
• Les entreprises dont le taux d’actifs corporels est élevé ont plus de dette.  Là encore, le résultat est conforme au trade-off (moindres coûts du stress financier). En revanche, il est contradictoire avec le pecking order : plus d’actifs tangibles devrait signifier moins d’asymétries d’information, donc moins d’avantages de la dette sur les capitaux propres.
• Les entreprises dont les profits sont élevés ont moins de dette. Cette fois, le résultat est contraire au trade-off, puisque les profits élevés augmentent la valeur pour l’entreprise de la déductibilité des intérêts : elles devraient donc plus s’endetter. Il est conforme au pecking order puisque les profits élevés permettent l’autofinancement, donc un moindre recours à la dette.
• Les grandes entreprises ont plus de dette. Ceci est plutôt conforme au trade-off : les grandes entreprises, souvent plus anciennes, ont une meilleure réputation, ce qui limite les coûts du stress financier.
• Une hausse de l’inflation anticipée incite les entreprises à s’endetter davantage. Cette idée est présente dans la théorie du market timing.


Selon l’étude, ces six facteurs expliquent dans les années 2000 environ 24% des différences de niveau d’endettement entre les entreprises, contre 42% dans les années 1950. Les nombreux autres facteurs testés ont un pouvoir explicatif très faible.


Deux conclusions peuvent donc être tirées de cette étude. Aucune des théories actuelles sur la structure financière ne rend parfaitement compte  des facteurs de variation de la structure financière ; le pouvoir explicatif total de ces théories sur la structure financière est faible. Chercheurs, au travail !
(1) Pour plus de détails, voir le chapitre 38 du Vernimmen 2010.
(2) M.Z. FRANK et V.K. GOYAL (2009), Capital structure decisions: which factors are reliably important?, Financial Management,  printemps 2009, pages 1-37.
(3) L’étude s’intéresse principalement à l’endettement mesuré en valeur de marché.


Q&R : Qu'est-ce qu'un ETF ?

Les ETF (Exchange Traded Funds) sont des fonds répliquant la performance d’un indice. On parlera également de fonds indiciel ou de tracker. Les ETF peuvent être achetés ou vendus sur un marché comme des actions individuelles.


Les indices répliqués sont généralement des indices actions, mais certains ETF portent également sur des indices obligataires voire des indices de matières premières (commodities). Les ETF sont théoriquement aussi variés que les indices qui peuvent exister, ainsi il existe des ETF qui suivent des indices short (indice qui monte lorsque le sous-jacent baisse…) ou le prix de denrées agro-alimentaires.


Les ETF permettent donc d’investir de manière simple sur un marché sans avoir à constituer un portefeuille de titres ce qui peut s’avérer complexe et coûteux.


Une des clés du succès des ETF réside dans la liquidité qu’ils offrent. En effet, les investisseurs ne se tourneraient pas vers ce type de produit s’ils n’étaient pas confiants dans la possibilité de traiter (vendre ou acheter) ces fonds en quantité importante à chaque instant. L’étroitesse de la fourchette de cotation est un signe important de cette liquidité.

En pratique, les fonds peuvent utiliser plusieurs techniques pour répliquer l’indice. La plus simple est la reconstitution effective de l’indice en achetant tous les titres le composant. Alternativement, les gestionnaires du fonds peuvent se tourner vers le marché interbancaire et utiliser alors des swaps pour constituer leur portefeuille.
Il convient de noter que le fonds court alors un risque de contrepartie envers la banque avec qui elle contracte (et l’on a pu voir durant la crise de 2008 que ce risque pouvait s’avérer bien réel, même pour des institutions financières de premier plan).


Le succès croissant des ETF qui prennent une place de plus en plus importante dans la gestion de fonds internationale semble indiquer que les gestionnaires s’orientent de plus en plus vers la simplicité… et vers la théorie financière ! En effet le MEDAF (CAPM) aboutit à la conclusion que chaque investisseur devrait acquérir une portion du portefeuille de marché et « ajuster » son niveau de risque en finançant cet investissement par plus ou moins de dette, ou en plaçant une partie de ses fonds dans des actifs sans risques.


Autre : un colloque sur L'appréhension du risque financier par le Droit »

Le laboratoire DANTE  de la faculté de droit
de l’Université Versailles Saint-Quentin
Organise le vendredi 18 juin, un colloque sur
« L’appréhension du risque financier par le Droit »
Lieu : Tribunal de Grande Instance de Versailles
Horaires : de 9h00 à 18h00
Programme détaillé et liste des intervenants disponibles auprès
d’Anne Valérie Le Fur (anne-valerie.lefur@uvsq.fr)
Frais d’inscription : 70€ (1) 
Etudiants, doctorants et enseignants : gratuit
Les demandes d’inscription sont à transmettre par courrier électronique à l’adresse suivante : corinne.duchene@uvsq.fr
(1) Chèque à l’ordre de l’Agent comptable de l’Université de Versailles Saint-Quentin, et adressé à Mme Duchêne, Faculté de Droit, 3 rue de la Division Leclerc, 78280 Guyancourt.


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