La Lettre n°60 de Octobre 2007

Actualités : Vers un référentiel comptable mondial unique ?

Par Patrick Iweins – Associé du Cabinet d’Audit et de Conseil, Advolis


Depuis sa création en 1973, l’International Accounting Standard Committee (IASC), devenue  l’International Accounting Standard Board (IASB) en 2001, a, certes, profondément évolué, mais a surtout réussi à s’imposer en évitant les nombreux écueils présents sur sa route. Le cap initial fixé était, oh combien, lointain et hypothétique. Les vents favorables et l’enthousiasme du début ont quelque temps faibli et la tentation a alors été forte de s’arrimer à un esquif plus habitué à la haute mer (1). Le début des années 2000, marqué par une profonde modification structurelle de l’Institution et la prise de position des instances européennes (2), a donné un nouvel élan à l’élaboration d’un référentiel mondial dont la prise de position récente de l’Autorité de marché américaine (Securities and Exchange Commission) « SEC » consacre l’émergence effective.


1. La mise en place d’un processus de convergence…


Ce processus a été initié à l’automne 2002, lorsqu’à l’issue d’une réunion commune, les normalisateurs comptables américain (FASB) et international (IASB)  ont officialisé leur volonté commune (« accords de Norwalk ») de :


• rendre les deux référentiels totalement compatibles (« fully compatible ») dès que possible ;
• coordonner leurs programmes de travail dans cet objectif de compatibilité.


Le 6 mars dernier, la SEC organisa trois tables rondes (« roundtables ») réunissant les différents acteurs intéressés (émetteurs, investisseurs institutionnels, établissements financiers, analystes,…). Une majorité de participants a alors pris position  pour une évolution de la Réglementation en vigueur aux USA et la suppression des notes de réconciliation requises de la part des émetteurs étrangers (Foreign Private Issuers « FPI »). Quelques semaines plus tard, la SEC indiquait qu’elle présenterait prochainement une proposition en ce sens.

 
Ainsi, le 21 juin dernier, la SEC a-t-elle officialisé la décision prise, lors de sa réunion de la veille, de proposer d’amender certaines dispositions de « l’Exchange Act » (portant sur l’élaboration du document 20 F (3) et sur la « Regulation S-X (4)) (5).


Plus précisément, la nouvelle règle envisagée porte sur la reconnaissance des comptes, établis dans un strict respect de la version anglaise du référentiel IFRS tel que publié par l’IASB, dans les prospectus émis aux USA par les émetteurs étrangers. Elle supprimerait donc l’exigence actuelle d’établissement d’une note de réconciliation avec les US GAAPS.


Elle aurait vocation à s’appliquer aux comptes de l’exercice 2008 destinés à une publication (« filing ») en 2009 aux USA.


Une période d’une durée 75 jours est donc ouverte au public pour effectuer ses commentaires jusqu’au début du mois de septembre.


2. … amené, sans aucun doute, à simplifier la tâche des émetteurs étrangers…


La réglementation portant sur l’élaboration du document 20 F résulte des dispositions du « Securities Exchange Act of 1934 » conférant ses attributions à la SEC et prévoyant (section 13 et 15) les obligations d’informations requises de tout entité cotée Outre-Atlantique.


S’agissant plus particulièrement des émetteurs présentant des comptes reposant sur un référentiel comptable différent des US Gaap (émetteurs étrangers), la réglementation en vigueur aux USA exige une identification des principales différences par rapport aux exigences américaines et la fourniture d’une information complémentaire reposant notamment sur les divergences avec les US Gaap. De manière pratique, l’émetteur étranger doit opter pour un respect des dispositions :


• soit de « l’item 17 » :  description narrative des principales différences existantes et élaboration d’une note de réconciliation formalisant  le passage du résultat net et des capitaux propres établis selon le référentiel suivi par l’émetteur et celui résultant d’une stricte application des US Gaap ;
• soit de « l’item 18 » : respect des dispositions fixées par « l’item 17 », mais nécessité de compléter cette  réconciliation  par toutes les informations requises par les normes américaines et la régulation S-X.
Pour autant, toute nouvelle émission d’actions ou d’autres titres de capital (obligations convertibles,…) exige la publication de comptes dans le strict respect des dispositions de « l’item 18 ». En complément de l’établissement des notes de réconciliation exigées pour toute cotation aux USA, l’émetteur étranger se voit alors dans l’obligation de compléter ses notes aux états financiers de l’ensemble des dispositions spécifiques en vigueur aux Etats-Unis (notamment « Comprehensive income ; information détaillée sur les impôts et taxes (6) ; normes sectorielles ; …).


La suppression de ces dispositions, tant pour l’information annuelle (20 F) que l’information intermédiaire (comptes semestriels, le cas échéant), allègerait donc de manière substantielle la communication financière des émetteurs étrangers cotés aux USA tout en desserrant les contraintes de temps pour la réalisation d’opérations. Elle permettrait à leurs services financiers de se consacrer exclusivement à leurs comptes IFRS en évitant un processus long et coûteux. A titre d’exemple, le représentant d’AXA, présent à la troisième « roundtable » du 6 mars, estimait l’économie attendue de cette simplification à près de 25 M$.




3. … dans le cadre toutefois de limites strictes…


Dans sa proposition, la SEC envisage la suppression des notes de réconciliation pour les seuls émetteurs établissant des comptes strictement conformes à la version anglaise des normes publiées par l’IASB.
 
Cette exigence, qui repose sur la volonté exprimée de n’avoir à reconnaître qu’un seul référentiel et non diverses versions locales dégradées, apparaît légitime et dans la stricte ligne de la norme IAS 1 qui prévoit explicitement à son §14 que « des comptes ne peuvent être présentés comme conformes aux IFRS à moins qu’ils ne respectent l’ensemble des exigences des IFRS ». Le Board de l’IASB s’est refusé, encore récemment, de requérir un chiffrage, par les émetteurs, de l’incidence d’éventuelles différences existantes par rapport à un strict respect de la totalité du référentiel IFRS.


Les différentes analyses menées, avec tout le professionnalisme requis (7), par les services de l’Autorité de Marché américaine sur la base des comptes qui lui ont été soumis justifient par ailleurs cette position.
 
Ainsi, le 12 avril dernier, lors de la conférence annuelle de l’IOSCO (8), Roel C. Campos, membre de la SEC et vice-président du « technical committee » de l’IOSCO, faisait part de son étonnement en relevant que seuls 40 émetteurs étrangers sur près de 300 avaient établi des comptes 2005 strictement conformes aux IFRS tels qu’édités par l’IASB. L’une des raisons expliquant ce faible nombre, notait-il, résultait des distorsions apportées dans différentes juridictions.


A titre d’exemple, les émetteurs de l’Union Européenne se doivent de respecter les normes de l’IASB telles que publiées au Journal Officiel de la Communauté Européenne. Dès lors, la note 1 de leurs états financiers fait explicitement référence aux normes de l’IASB « as endorsed by the EU ».


Or, fin 2005, la seule réelle différence portait sur l’application de la norme IAS 39 et plus précisément certaines dispositions concernant la comptabilité de couverture. Cette limitation est restée néanmoins assez formelle.


Cette situation peut néanmoins, à l’avenir, évoluer dans un sens plus contraignant pour les émetteurs de l’Union Européenne.

En effet, le processus d’adoption des normes en vigueur au sein de l’Union Européenne passe par différentes étapes. Ainsi, toute norme ou interprétation promulguée par l’IASB doit, au préalable, recueillir l’ aval de la Commission européenne (après évaluation technique  de l’EFRAG et approbation par l’ARC) puis être soumise au vote du Parlement pour ensuite être publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne. Ce processus de ratification par les instances européennes (« endorsement ») nécessite le respect d’un processus incontournable susceptible de conduire à un différé d’application, voire même de modification. On ne peut donc exclure que cette situation ne conduise à créer des distorsions par rapport au référentiel applicable tel que publié par l’IASB et donc exigé par le Régulateur américain.


A cet égard, force est de constater, qu’alors même que l’on assiste actuellement à une pause dans la modification de la «stable platform de 2005» (9), 4 normes et interprétations promulguées par l’IASB n’ont pas été ratifiées par le Parlement (IAS 3 modifiée – capitalisation des frais financiers ; IFRS 8- information sectorielle ; IFRIC 12 –interprétation portant sur les concessions ; IFRIC 13 et 14) (10).


Le cas de la norme IFRS 8 « information sectorielle » est particulièrement emblématique. En effet, il s’agit d’une norme publiée par l’IASB le 30 novembre dernier,  applicable pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2009 en remplacement de l’actuelle norme IAS 14 (une application anticipée demeure toutefois encouragée). Très proche de la norme américaine  FAS 131, elle modifie profondément les concepts sous-jacents à l’IAS 14 en prévoyant notamment :


• une communication sectorielle fondée sur le reporting interne de l’émetteur (l’IAS 14 donne une définition des secteurs s’imposant aux émetteurs qui se doivent de formater leur information en conséquence) ;
• la fourniture d’informations (issues du système de reporting interne) non obligatoirement conformes aux IFRS, même s’il convient, bien entendu,  de procéder à un rapprochement de cette information avec les comptes établis en conformité avec les IFRS.
Alors que l’IFRS 8 avait donné lieu à un accord de l’EFRAG et de l’ARC, la proposition effectuée par la Commission a fait l’objet, le 18 avril dernier, d’une proposition de mention de rejet de la part de l’ « Economic and Monetary Affairs Committee » du Parlement Européen, cette décision s’accompagnant d’une injonction faite à la Commission de reprendre son examen en procédant notamment à une consultation publique (celle-ci a pris la forme d’un questionnaire dont les réponses étaient attendues au plus tard le 29 juin). Le calendrier actuel vise un vote du Parlement à l’automne 2007. L’hypothèse d’un vote en 2008 et l’absence de possibilité pour les émetteurs européens d’appliquer cette nouvelle norme dès l’arrêté des comptes 2007 ne peut toutefois être totalement exclue à ce jour.


Il s’agit sans aucun doute d’un précédent qui pourrait être amené à se reproduire ultérieurement sur les textes majeurs destinés à être  publiés d’ici 2009.


D’ailleurs, dans un communiqué de presse du 24 juin dernier,  la Présidente de l’« l’Economic and Monetary Affairs Committee » (11) a opéré une mise en garde contre le fait que le mouvement de convergence et la décision récente de la SEC s’opèrent au détriment des prérogatives du Parlement Européen.

4. …vers une diffusion des normes IFRS aux USA ?


La suppression possible de toute réconciliation avec les US Gaaps pour les émetteurs étrangers respectueux du référentiel IFRS constitue sans aucun doute une petite révolution.


Une réflexion sur l’opportunité d’une proposition aux émetteurs US leur permettant d’adopter les IFRS pour l’établissement de leurs propres comptes est lancée aujourd’hui.  Lors de la table ronde précitée, le Président de la SEC a lui-même évoqué cette hypothèse dans le cadre d’une question (12). Cette idée va poursuivre son chemin, la SEC a lancé début août une consultation sur cette question, mais il paraît très incertain que l’on assiste à une généralisation de l’adoption du référentiel IFRS aux USA. Plusieurs obstacles doivent en effet être pris en considération.


Le premier d’ordre juridique ressort des textes fondateurs de la SEC. Ces derniers prévoient en effet de manière explicite que la Commission dispose de l’autorité en matière de normalisation comptable pour les émetteurs présents sur les marchés américains (13). Ainsi, dans sa consultation de fin juillet, la Commission rappelle que la supervision du FASB constitue l’une de ses prérogatives conférées par la Loi (§ 1-D) et réaffirmée dans le Sarbanes-Oxley Act (section 108 (c)). Une telle supervision ne peut, à l’évidence, être reproduite sur l’IASB dont l’indépendance, gage de sa réussite, est organisée au travers notamment de sa Fondation.

Le second est culturel. Les US Gaaps font partie intégrante du modèle américain depuis près d’un siècle. Il n’est donc pas envisageable que sa suprématie puisse être facilement remise en cause. De plus, toute diffusion d’un nouveau référentiel nécessite un effort d’appropriation considérable de la part des différents acteurs concernés (émetteurs, administrateurs, analystes, auditeurs,…). Ainsi, la généralisation du référentiel IFRS en Europe, même si elle s’est accompagnée d’un effort tout particulier d’information, nécessite encore d’être réellement assimilée au-delà des services financiers des émetteurs, de leurs experts et de leurs auditeurs.


Ce dernier obstacle doit être mis en perspective au regard du contexte de  « judiciarisation » de la vie économique Outre-Atlantique. Alors même que le P de l’abréviation US Gaap signifie « principles », l’évolution de ce contexte constitue l’une des causes ayant conduit le référentiel US à développer un ensemble de règles détaillées que l’on oppose aujourd’hui à l’approche des IFRS fondées sur le respect de principes et donc moins détaillées. Le débat sur le choix entre un référentiel « Principles based » versus « Rules based » n’est d’ailleurs pas clos, même si ce thème n’a apparemment pas été soulevé lors de « Roundtable » de mars. Une étude récente du « Georgia Tech Financial Analysis Lab » (14) portant sur l’analyse de l’application de la norme FASB 95 « tableau de flux de trésorerie » (choisie car considérée comme la norme américaine la moins prescriptive) explicite la traduction comptable différenciée d’événements similaires par des émetteurs d’un même secteur d’activité et met en garde contre une évolution vers une plus grande flexibilité des règles susceptible de nuire à l’objectif recherché de comparabilité des états financiers.


Au-delà de ce débat, ne doit pas être sous-estimé le frein que pourrait  constituer la crainte de l’abandon d’un corps de normes historiques et en quelque sorte familières, même si leur complexité s’est largement accrue ces dernières années, au bénéfice d’un nouveau référentiel (IFRS) inconnu et apparaissant beaucoup moins précis. Seuls quelques groupes disposant d’une base internationale très importante pourraient être tentés, compte tenu du  statut international de ce référentiel, mais les éléments évoqués supra en limiteront vraisemblablement la généralisation.


Conclusion


Le processus de convergence en cours  ne vise pas à l’identité stricte des deux référentiels mais à leur compatibilité. D’ailleurs, si l’on se réfère aux seules observations du Staff de la SEC à l’issue de la revue des états financiers IFRS (15) et au-delà de l’exigence d’un strict respect des normes IFRS, des manques d’informations de la part de « FPI » ont pu être relevés. 
Il n’empêche, la décision de la SEC constitue un événement majeur qui consacre la légitimité du référentiel IFRS.

Cette décision s’inscrit, sans aucun doute, dans un contexte plus général de prise de conscience par nos partenaires américains des excès de réglementation Outre-Atlantique et de la nécessité d’assouplir leur réglementation pour conserver leur attractivité aux places financières américaines. En effet, pour la première fois, au premier trimestre 2007, la capitalisation de l’ensemble des places boursières européennes atteignait un niveau supérieur à celui de leurs homologues américaines et un nombre toujours plus grand d’entreprises envisagent de se retirer des marchés américains. Dans ce cadre, le PCAOB (16) vient ainsi de publier une nouvelle norme AS 5 (17) sur le contrôle interne s’accompagnant d’un guide d’interprétation émis par la SEC (18) visant à une plus grande simplicité.


Il ne faut pas pour autant diminuer les mérites revenant à sir David Tweedie et aux autres membres du Board de l’IASB ainsi qu’à tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette première étape. Reste que la route est encore longue, et qu’il convient de veiller à ce que l’équilibre trouvé aujourd’hui ne soit pas pour autant sacrifié sur l’autel de la convergence.
(1) Pour mémoire, il convient de rappeler l’introduction, au début des années 2000, dans le référentiel IAS de la norme américaine sur les instruments financiers sans réel débat.
(2) Déclaration de la Commission européenne du 13 juin 2000 suivie par le Règlement européen du 13 décembre 2001.
(3) Equivalent du document de référence ou du Rapport financier annuel au sens de la Directive transparence.
(4) La régulation S-X  fixe le cadre des règles comptables, de la forme et du contenu des états financiers devant être publiés en application des dispositions de la réglementation américaine (Securities Act 1933, Securities Exchange Act 1934,…).
(5) Securities and Exchange Commission  17 CFR Parts 210, 230, 239 and 249 “Acceptance from foreign private issuers of financial statements prepared in accordance with international financial reporting standards without reconciliation to US GAAP”.
(6) Cette information se trouve encore plus développée depuis la mise en œuvre des dispositions de FIN 48 « Accounting for Uncertainty Tax Positions ».
(7) Les services de la SEC ont eu des échanges fournis (sous forme de questions précises sur les traitements retenus et la justification de leur conformité avec les normes IFRS) avec les différents émetteurs. Ces échanges sont publics sur le site de la SEC (www.sec.gov/divisions/corpfin/ifrs_reviews.htm).
(8) International Organization Securities Commissions (Organisation regroupant les régulateurs nationaux).
(9) Décision officialisée par l’IASB le 25 juin 2006 de ne pas prévoir de modification importante de la « stable platform » avant l’exercice 2009.
(10) EFRAG Endorsement report du 9 juillet 2007.
(11) Press Release du 24 juin 2007 de Pervenche Beres et Alexandre Radwan.
(12) Il a notamment fait observer la logique qu’il y aurait à offrir une telle possibilité aux émetteurs US alors même que les émetteurs étrangers cotés sur les mêmes marchés se référaient aux IFRS.
(13) Notamment Securities Act of 1933 section 19 [77s].
(14) Financial Statement Comparability in a Principles-Based reporting environment: a look at the statement of cash flows (May 2007).
(15) Communication du 2 juillet 2007.
(16) Public Company Auditing Oversight Board.
(17) PCAOB Auditing Standard N°5 “an audit of internal control over financial reporting that is integrated with an audit of financial statements”.
(18) SEC 23 mai 2007 “New guidance for compliance with Section 404 of Sarbanes-Oxley”.


Tableau : Une action = une voix ?

Shearman & Sterling, ISS (International Shareholder Services) et ECGI (European Corporate Governance Institute) ont produit à la demande de la Commission Européenne une étude (1) sur les mécanismes de renforcement de contrôle créant un écart entre la détention en capital et le contrôle, tels les actions à droits de vote multiples, les actions de préférence, les holdings, …


S’il ressort que la plupart des pays européens autorisent la plupart de ces mécanismes :

cela ne veut pas dire pour autant qu’ils sont utilisés par les entreprises. De facto, sur un échantillon de 464 entreprises cotées, grandes et petites, dans 16 pays européens, 56% des sociétés n’avaient aucun de ces mécanismes et 27% en avaient 1. Ces proportions sont encore plus élevées dans des sociétés récemment cotées.


Les mécanismes les plus fréquents sont :

(1) Report on the Proportionality Principle in the European Union, disponible sur : http://ec.europa.eu




Recherche : Comment les entreprises sont-elles vendues ?

La recherche sur la manière dont les entreprises sont vendues voit s’opposer deux théories.


La première, fondée sur des modèles d’agence, prédit que les entreprises vendues par un système d’enchères voient leur valeur augmenter davantage que celles vendues par une négociation entre les dirigeants des entreprises concernées. Selon ce courant, les dirigeants des entreprises cibles utiliseraient des outils contre les offres hostiles (poison pills) et chercheraient par la négociation des offres favorables à leurs intérêts propres, aux dépends de leurs actionnaires.


La seconde est une théorie des coûts informationnels qui suggère que le choix entre enchères et négociation résulterait d’un compromis entre :


• les avantages concurrentiels d’un système d’enchères ;
• et les inconvénients d’avoir à révéler, dans un tel système, des informations sur l’entreprise cible à des entreprises concurrentes.


Une récente publication de A. Boone et J. Mulherin (2007) (1) fournit une analyse empirique favorable à ce second courant. Les auteurs ont étudié les conséquences du choix entre enchères et négociation par les dirigeants des entreprises cibles sur l’augmentation de la valeur de marché de ces dernières. Ils s’appuient sur un échantillon de 400 offres d’achat américaines annoncées pendant la décennie 1990, parmi lesquelles 202 ont fait l’objet d’enchères entre acquéreurs potentiels et 198 de négociations entre dirigeants.


Les auteurs constatent une sur-performance générale des entreprises cibles (2) de 21,6%. En première analyse, ils remarquent que la sur-performance des entreprises vendues par négociation (20,5%) n’est pas significativement différente de celle des entreprises vendues par enchères (22,7%). Puisque de nombreux critères entrent en jeu dans le choix entre enchères et négociation et que ces mêmes critères sont susceptibles d’influer sur la sur-performance (taille de l’entreprise, mode de paiement et caractère hostile ou non de l’opération), les auteurs réalisent une régression de la sur-performance des entreprises cibles sur ces différents critères et montrent que :


•conformément aux attentes, une entreprise cible affichera une sur-performance plus élevée lorsqu’elle est relativement petite, lorsque l’acquisition est payée en cash et lorsque l’offre est hostile ;
• conformément à la théorie informationnelle, et contrairement aux prédictions des modèles d’agence, le choix entre enchères et négociations n’a pas d’impact sur la sur-performance.


Deux conclusions peuvent être tirées de cette étude. Premièrement, les dirigeants d’entreprises cibles qui choisissent un unique acquéreur par un processus de négociation le font plus souvent pour des raisons d’optimisation informationnelle que pour des raisons opportunistes. Deuxièmement, si l’on en croit les résultats des auteurs, il est inutile de favoriser par la loi un mode de mise en vente des entreprises plutôt que l’autre.
(1) A.L. Boone et J.H. Mulherin (2007), How are firms sold ?, The Journal of Finance, Vol. 62, n°2.
(2) Définie ici comme l’écart de performance boursière relativement à l’indice CRSP entre la veille et le lendemain de l’annonce de l’offre d’achat.


Q&R : Les crédits subprime

Le montant de la dette immobilière aux Etats-Unis est de l’ordre de 10.000 Md$, soit les ¾ du PIB. Cette dette se répartit en plusieurs catégories selon la solvabilité des emprunteurs (prime et subprime, voir near prime ou Alt-A) et la nature des taux d’intérêt : variables ou fixes.

Les ménages prime qui représentent à peu près 40 % des ménages américains ont connu peu ou pas de défaut de paiements sur leurs crédits ou emprunts passés. A l’opposé se trouvent les ménages subprime qui ont connu plusieurs défauts de paiement dans le passé et qui représentent 15 % des foyers américains. Le reste (45 %) est une sorte de marais, le near prime ou Alt-A, qui regroupe des emprunteurs sans justificatif de revenus stables ou avec un historique de crédit moyen.


Le volume des crédits subprime accordés aux Etats-Unis est de l’ordre de 1.300 Md$, soit 13 % du total des prêts immobiliers. Ils sont principalement à taux variable (à 65 % contre 35 % à taux fixe), alors que les taux de crédits prime sont seulement à 20 % à taux variable.


Le développement des prêts subprime a permis l’accession à la propriété de nombreux foyers américains : depuis 10 ans, le taux de propriétaires est passé de 65 à 69 %, et plus de la moitié du gain est due aux acheteurs subprime.


Ces crédits rapportent en général aux prêteurs 2 % de plus que les crédits immobiliers classiques, ce qui expliquent qu’environ les 2/3 de ces crédits ont été acquis directement ou indirectement (via des RMBS, Residential Mortgage Backed Securities) par des investisseurs en quête de rendement, dont certains avaient oublié la loi d’airain de la finance : une rémunération plus élevée traduit à un risque plus élevé.


De nombreux prêts subprime ayant été accordés depuis 2 – 3 ans avec des taux d’intérêt initiaux bas et fixes qui s’accroissent contractuellement au bout de 2 – 3 ans. Un nombre grandissant de ménages américains subprime a donc vu en 2007 et verra en 2008 le poids de ses mensualités de crédit s’alourdir fortement (de 30 % et plus) :


Prêts subprime avec ajustement des taux d’intérêt (Md$)

Dès lors, il n’est pas étonnant que le pourcentage de crédit subprime pour lesquels les emprunteurs ne peuvent plus faire face à leurs échéances et pour lesquels le bien est saisi par le prêteur est en train d’exploser : 4 % en 2006, 6 % en 2007, 10 % estimé en 2008.




Facebook Google + Twitter LinkedIn