La Lettre n°47 de Avril 2006

Actualités : Alternext un an après

Alternext est un marché créé par Euronext pour permettre aux Petites et Moyennes Entreprises de la zone euro d’accéder à la bourse. Alternext s’adresse aux PME tous secteurs confondus, mêmes s’il est vrai que les sociétés actives dans des secteurs en très forte croissance (informatique, Internet, …) y sont sur-représentées (1).
La capitalisation totale d’Alternext est aujourd’hui de près de 2 Md€ avec une capitalisation moyenne de 60 M€ (les capitalisations sont comprises entre 11 et 327 M€).
Alternext a été créé en mai 2005, notamment à la demande des fonds d’investissements qui souhaitaient bénéficier d’un marché pour orchestrer la sortie de certains actifs, trop petits pour accéder à Eurolist (le marché principal d’Euronext).
La mission (impossible ?) d’Euronext a alors été de trouver un équilibre entre la sécurité et le besoin d’information des investisseurs d’une part et la lourdeur administrative et le coût financier de la cotation pour les entreprises d’autre part.
Le choix a été fait d’un marché organisé, régulé mais non réglementé. Cette terminologie un peu barbare signifie que l’intégralité du règlement général de l’Autorité des Marché Financier ne s’applique pas aux sociétés cotées sur Alternext. Les règles d’Alternext reprennent cependant quelques modalités de protection des actionnaires minoritaires et d’obligation d’information financière. Ainsi, par exemple, un actionnaire venant à acquérir la majorité du capital ou des droits de vote d’une société cotée sur Alternext doit mettre en place une garantie de cours. En revanche il n’y a pas d’obligation de lancer une OPA pour un actionnaire venant à dépasser 33,33% du capital d’une société. De même la prise de contrôle indirecte n’est pas régulée. Mais par contre, les sociétés cotées sur Alternext sont soumises à l’obligation de diffuser, sans délai, toute information susceptible d’avoir un impact sur leur cours de bourse.
Après un début difficile avec seulement 20 introductions en 2005, Alternext accueille aujourd’hui 33 sociétés. Le rythme des introductions s’est très sensiblement accéléré.

Les facteurs de ce succès d’Alternext sont :
- La grande flexibilité qu’il offre aux entreprises aussi bien dans les modalités de cotation (3) qu’après l’introduction en bourse (rapport annuel plus léger que le document de référence, pas d’obligation de publication du chiffre d’affaires trimestriel).
- Une certaine sécurité pour les investisseurs : ainsi, par rapport au marché libre, les investisseurs disposent de quelques garde-fous (garantie de cours, obligation d’information périodique) et d’une caution morale apportée par le listing sponsor (4).
- Un avantage fiscal offert aux particuliers qui souscrivent à l’augmentation de capital (lors d’une introduction ou non) : 25% de réduction d’impôt si les titres sont conservés pendant 5 ans avec un plafond de 20.000 à 40.000 €.
- Le dernier atout, mais non des moindres, est certainement le très bon marketing réalisé par Euronext autour d’Alternext. Le positionnement attractif mis en avant pour Alternext est à la fois sensiblement différent de celui de feu le Nouveau Marché (qui n’était axé que sur les nouvelles technologies), qui avait laissé un mauvais souvenir aux investisseurs, mais suffisamment novateur par rapport au marché libre.
On peut remarquer que le PER 2005 d’Alternext atteint 54 (5). Ce niveau de valorisation d’Alternext est sensiblement plus élevé que celui d’Eurolist. Ceci s’explique assez largement par les anticipations de croissance, ainsi le PER 2006 n’est il « que de 24 » et le PER 2007 de 19. On retrouve ici la prédominance des secteurs à forte croissance dans la capitalisation d’Alternext.
Malgré le court historique, on peut observer que la liquidité moyenne des actions cotées sur Alternext n’est pas mauvaise si on la mesure en pourcentage du capital. Ainsi 0,2% du capital des sociétés s’échange
quotidiennement et donc un pourcentage beaucoup plus élevé sur le flottant qui représente le capital réellement négociable. Néanmoins, mesurés en valeur absolue, les titres échangés sur chaque valeur ne représentent guère plus de € 100 000. La liquidité existe donc principalement pour les petits investisseurs, les grands institutionnels en étant, sans surprise, en grande partie largement exclus. On peut noter que l’avantage fiscal contraignant les actionnaires particuliers à conserver leurs titres pendant 5 ans doit peser assez largement sur la liquidité. Il peut contribuer à certains hauts niveaux de valorisation. Et on peut se demander si à l’échéance de la cinquième année après l’introduction en bourse on ne verra pas un phénomène d’overhang (6) apparaître.
Alternext a donc trouvé sa place sur le marché financier, profitant du regain d’intérêt des particuliers pour la bourse, de la très bonne tenue des petites valeurs depuis 3 ans et de l’accès plus aisé à l’information grâce notamment à Internet. Alternext offre une alternative intéressante d’investissement pour les petits investisseurs. Sans nul doute grâce à une analyse financière et stratégique fine (7), ils y dénicheront la perle rare qui deviendra la blue chip de demain.
(1) Ce qui semble logique étant donné que ces sociétés ont besoin de lever des capitaux pour financer leur croissance.
(3) Il est ainsi possible de réaliser l’introduction en bourse par cotation directe (sans offre publique)  sous réserve d’avoir réalisé préalablement un placement privé de 5 M€ auprès d’institutionnels (donc sans les contraintes d’un placement dans le public).
(4) Intermédiaire financier chargés d’accompagner l’entreprise avant son entrée en bourse et dans sa vie boursière en lui rappelant si besoin est ses obligations d’information.
(5) PER calculé pour les sociétés pour lesquelles un consensus de prévisions était disponible.
(6) Voir le chapitre 31 du Vernimmen 2005.
(7) Mises en œuvre grâce aux connaissances acquises dans la première partie du Vernimmen 2005 bien sûr…


Tableau : Les taux d'impôts sur les sociétés dans le monde

Cette année encore, l’étude annuelle de KPMG fait apparaître une baisse du taux moyen de l’impôt sur les sociétés qui s’abaisse à 25,04 % dans l’Union Européenne, contre 25,32 % avant l’an passé. Les Pays-Bas ont réduit significativement leur taux pour 2006.  



Recherche : Les modes de paiement des acquisitions d'entreprises en Europe

Les opérations de fusions et acquisitions se sont multipliées depuis dix ans aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis (1). Beaucoup d’entre elles ont concerné de très grandes entreprises, avec pour conséquence des modifications dans la structure de leur capital. En particulier, le choix du mode de paiement proposé (actions ou numéraire) conditionne le contrôle et l’endettement de l’entreprise fusionnée. M. Faccio et R. Masulis ont rassemblé des données sur les fusions et acquisitions en Europe entre 1997 et 2000. Leur étude (2) porte sur les facteurs déterminants du choix du mode de paiement.
Les pays européens présentent l’avantage d’une grande diversité dans la structure du capital de leurs entreprises (3), et offrent donc un cadre privilégié pour une étude de cette nature. Précisons que les auteurs ne se contentent pas de l’Europe continentale puisque le Royaume-Uni est inclus. Les entreprises britanniques représentent les deux tiers des opérations sur cette période. Cependant, on ne constate pas de différence sensible entre les comportements des entreprises britanniques et de celles d’Europe continentale en la matière.
La première spécificité européenne est l’utilisation très privilégiée de cash pour les opérations de fusions et acquisitions. En effet, 80% des transactions ont été faites entièrement en cash, contre 11,3% entièrement en actions et 8,4% en cash et actions. Ceci est à comparer aux 58% d’opérations entièrement en actions aux Etats-Unis (4).
Lorsqu’une entreprise fait une offre d’acquisition en cash, elle ne dispose généralement pas des liquidités nécessaires et doit donc recourir à l’emprunt. Une offre en actions correspondant pour sa part à une augmentation de capital, le choix du mode de paiement revient à un choix du mode de financement de la nouvelle entité fusionnée. On peut donc s’attendre à retrouver dans les critères de choix ceux qui ont déjà été largement étudiés pour la structure du capital.
Ainsi, l’émission d’actions peut avoir pour conséquence une dilution du pouvoir de contrôle de l’actionnaire principal. Ceci est particulièrement vrai lorsque cet actionnaire détient entre 20 et 60% des droits de vote de l’entreprise : en deçà, l’actionnaire majoritaire n’exerce généralement pas de réel contrôle, au-delà, son contrôle est tel que la dilution ne suffira pas à le contester. Notons que ces seuils sont approximatifs et ne s’appliquent que pour l’Europe (ils sont beaucoup plus bas aux Etats-Unis). L’étude confirme que les entreprises dont l’actionnariat est moyennement concentré proposent davantage de cash dans leurs offres d’acquisition.
Lorsque la cible présente elle-même un actionnariat concentré, une offre en actions a pour conséquence la création d’un bloc important et donc une contestation possible du contrôle. Les auteurs constatent en effet que les offres pour des sociétés non cotées se font plus fréquemment en cash. C’est également le cas pour les reprises de filiales, le vendeur ayant généralement besoin de liquidités.
La capacité d’endettement d’une entreprise est quant à elle une fonction croissante de la valeur de ses actifs corporels, de la croissance de ses revenus et de sa diversification. Ainsi, les très grandes entreprises sont généralement plus diversifiées, ce qui leur offre une plus grande capacité d’endettement. Les entreprises présentant une capacité d’endettement importantes privilégient les offres en liquide. Les auteurs soulignent également que la présence d’un banquier parmi les administrateurs d’une entreprise augmente significativement la part des liquidités dans ses offres d’acquisition …
Enfin, la théorie du signal (5) prédit une plus grande utilisation des actions dans les opérations intra branches. Lorsque l’acquéreur exerce une activité différente de celle de la cible, les propriétaires de cette dernière acceptent moins facilement les actions qu’on leur propose puisqu’ils connaissent moins bien le secteur. Cet effet est aussi vérifié empiriquement.
(1) Voir le chapitre 47 du Vernimmen 2005.
(2) M.Faccio et R.W.Masulis, The Choice of Payment method in European mergers and acquisitions, The Journal of Finance, Juin 2005.
(3) Voir la Lettre Vernimmen.net n° 21 de Juillet 2003.
(4) G.Andrade, M.Mitchell et E.Stafford, New Evidence and Perspectives on mergers, Journal of Economic Perspectives, vol.15, 2001.
(5) Pour plus de details, voir le chapitre 32 du Vernimmen 2005.


Q&R : Définition de quelques termes anglo-saxons des opérations de placement de titres

Et pour tous les autres, voir le chapitre 31 du Vernimmen 2005 ou mieux encore l’édition anglaise du Vernimmen, qui neuf mois après son lancement, marche sans complexe sur les traces de son ainé, avec plus de 2 300 ventes en 9 mois.


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