La Lettre n°194 de Janvier 2022

Actualités : Pierre Vernimmen

Il y a 25 ans, Pierre Vernimmen nous quittait, emporté à 50 ans par un cancer du sang.

Que la vaste majorité d'entre vous qui ne l'a pas connu se dise que, sans lui, il n'y aurait jamais eu le Vernimmen que vous connaissez. Et les autres se réjouiront comme nous d'avoir eu la chance de le connaître, voire de travailler avec lui.



Actualités : Dividendes et rachats d'actions au sein du CAC 40

Pour la 18e année, nous publions les résultats de notre étude annuelle. Avant d’en livrer les résultats, rappelons trois points au lecteur pour qui les souvenirs des chapitres 38 et 39 du Vernimmen[1] seraient trop lointains :

1/ Pas plus qu’un retrait à un distributeur automatique de billets ne vous a jamais enrichi, dividendes et rachats d’actions n’ont jamais enrichi les actionnaires, puisque la valeur de leurs actions baisse mécaniquement du même montant dès le versement du dividende. Pour les rachats d’actions, c’est la valeur des capitaux propres qui baisse du montant du rachat d’actions et la stabilité de la valeur de l’action est obtenue, malgré cela, grâce à la hausse du pourcentage de détention suite à l’annulation des actions rachetées. Sinon on ne comprendrait pas comment les deux hommes les plus riches du monde le sont devenus en étant actionnaires d’entreprises qui ne versent pas de dividendes (Elon Musk et Tesla, Jeff Bezos et Amazon).

2/ Par construction, le CAC 40 regroupe les quarante groupes cotés français ou d’origine française aux meilleures performances. Pas plus que l’on peut juger du niveau en finance des Français en interrogeant les seuls propriétaires d’un Vernimmen, l’on ne peut juger de la bonne santé de l’économie française en se penchant uniquement sur le CAC 40, dont le périmètre évolue au demeurant chaque année pour sortir les moins performants (Atos en 2021) et leur substituer des impétrants plus performants (Eurofins Scientific).

3/ Dividendes et rachats d’actions sont de formidables outils de circulation des richesses permettant de réallouer une ressource rare, les capitaux propres, d’entreprises qui n’en ont plus l’utilité, vers des entreprises nouvelles qui en ont besoin à leur stade de développement actuel. Ainsi, l’une des entreprises d’énergies renouvelables les plus dynamiques, Voltalia, a été et est financée grâce aux dividendes versés par Auchan à la famille Mulliez. Famille qui avait pu en 1961 lancer cette entreprise, alors révolutionnaire dans la distribution, grâce aux profits et aux dividendes versés par sa première création, Phildar, immense succès des années 1940 et 1950, à une époque où les mamans tricotaient des pulls pour tous les membres de la famille, et où on disait qu'à côté de chaque église, il y avait un magasin Phildar avec ses pelotes de laine multicolores.

À un moment donné, une entreprise qui a réussi son décollage a besoin de financer sa croissance ; et s’endetter nécessite d’avoir des capitaux propres, pierre angulaire de tout financement. Ces capitaux propres seront le plus souvent apportés par des investisseurs ayant reçu des dividendes d’autres de leurs participations, qui leur versent des dividendes à partir des résultats que celles-ci ont dégagés et qu’elles ne trouvent plus à réinvestir intelligemment dans leurs activités. À quoi cela aurait-il servi en 1961 d’avoir deux magasins Phildar à côté de chaque église de France ? Mieux valait ouvrir un Auchan dans chaque préfecture !

Et à un moment donné Voltalia versera à son tour des dividendes permettant de financer une entreprise se lançant dans un secteur inconnu à ce jour.

L’argent est fait pour circuler et il n’y a rien de pire que l’immobilisme en ce domaine qui fige des situations acquises. Seuls les conservateurs sont contre les dividendes !

 

Les résultats maintenant

En 2021, d’après nos compilations, les entreprises du CAC 40 ont rendu à leurs actionnaires 69,4 Md€, dont 23,8 Md€ sous forme de rachats d’actions, soit une hausse de 15 % par rapport au niveau de 2019, et un rebond de 93 % par rapport à l’année atypique, même au sein du CAC 40, qu’a été 2020. C’est la plus forte hausse depuis le début de notre étude. Mais a-t-on connu pire crise que celle de la pandémie ? Non.


Ces chiffres qui peuvent sembler extraordinaires ne sont qu’à l’unisson d’autres tout aussi spectaculaires enregistrés en 2021 :

  • Le taux de chômage atteint en France son point le plus bas depuis 2008 à 7,8 % ;
  • Les créations d’entreprises sont à leur plus haut niveau historique avec ou sans les micro-entrepreneurs (996 000 et 354 000 respectivement) ;
  • Les start-ups d’au plus 10 ans d’âge ont levé pour la première fois plus de 10 Md€, en hausse de 150 % sur 2020 ;
  • L’indice CAC 40, dividendes réinvestis, a progressé en termes réels de l’ordre de 30 % en 2021, ce qui n’est arrivé que 15 fois depuis... 1802[2].

 

En 2021, les trois premiers groupes redistribuant des capitaux propres à leurs actionnaires font 34 % du volume, contre 39 % l’an passé : L’Oréal (12,3 Md€), TotalEnergies (7,1 Md€) et Sanofi (4,4 Md€). En ajoutant trois autres groupes (Stellantis, AXA et ArcelorMittal), la barre des 50 % des fonds redistribués est franchie (52 % pour être précis). La quasi-totalité sont des entreprises à maturité, ce qui est logique puisque celles-ci génèrent de nouveaux capitaux propres importants, que leur faible croissance rend inutiles. Il est plus sain de les reverser à leurs actionnaires, plutôt que de les gaspiller en surinvestissements ou en placements oisifs de trésorerie, et de priver ainsi de capitaux propres d’autres groupes qui en auraient besoin pour se développer, et vers qui les dividendes et rachats d’actions de ces mastodontes seront réinvestis.

La présence dans le sextuor de tête d’ArcelorMittal pourra surprendre. Nous pensons au contraire qu’elle illustre très bien la gestion active des capitaux propres d’une entreprise familiale cyclique. En mai 2020, dès lors que le marché boursier se redresse suffisamment, Arcelor procède à une augmentation de capital de 1,8 Md€, alors que ses capitaux propres valent 8 Md€ et que ses dettes nettes sont de 8,6 Md€. Qui sait alors de quoi l’avenir sera fait trois mois après l’irruption de la pandémie ? Or dans un métier à coûts fixes comme la sidérurgie, l’importance des capitaux propres est un excellent indice de la capacité de résistance à une crise. Celle-ci passée, Arcelor restitue promptement à ses actionnaires, à 94 % sous forme de rachats, 4 Md€ de capitaux propres qui ne sont plus indispensables pour assurer la pérennité du sidérurgiste, d’autant qu’il en a créé 13Md€ autres par ses résultats 2021. Les investisseurs s’en souviendront la prochaine fois qu’ArcelorMittal aura besoin d’eux.

Par ailleurs, la dernière moitié du CAC 40 ne fait que 11 % du total des dividendes et des rachats d’actions. Même au sein du CAC 40, les inégalités sont criantes !

 

En 2021, les entreprises du CAC 40 ont procédé à 23,8 Md€ de rachats d’actions, soit 1,1 % de leur capitalisation boursière moyenne. On ne comparera pas ce chiffre à celui des années précédentes, car cela ne ferait pas sens, puisque les rachats d’actions sont discrétionnaires et n’impliquent, contrairement aux dividendes, aucun engagement implicite de récurrence.

Ce montant s’explique à hauteur de 42 % par L’Oréal (10 Md€) pour qui il s’agit de racheter pour 8,9 Md€ une fraction de son capital (4 %) auprès de Nestlé, son second actionnaire qui solde ainsi partiellement une superbe diversification initiée en 1974. Ensuite, on trouve 14 groupes, dont seulement 4 de l’an passé (Saint-Gobain, Vivendi, ArcelorMittal et Sanofi) - ce qui souligne bien le caractère discrétionnaire des rachats d’actions – qui ont consacré de l’ordre de 400 M€ à 1 000 M€ chacun aux rachats en 2021 : AXA, LVMH, Crédit Agricole, BNP Paribas, Danone, Vinci, Kering, Société Générale, Carrefour, STMicroelectronics. Pour les banques et AXA, il s’agit de la substitution à un dividende supprimé ou contraint en 2020.

Au total, 22 groupes ont procédé à des rachats d’actions significatifs (au moins 100 M€) en 2021. 

 

Côté dividendes, 45,6 Md€ ont été versés en 2021. Cinq groupes n’en ont pas versé contre 14 l’an passé. Certains, en raison d’une forte incertitude conjoncturelle comme pour Renault ou Unibail-Rodamco-Westfield, illustrant ainsi que le niveau d’un dividende dépend non seulement des résultats de l’année écoulée (2020) mais aussi des perspectives de l’année en cours au moment où son montant est décidé (entre février et mai 2021).

D’autres, parce que leur forte croissance externe (Alstom et Worldline) ou organique requiert des capitaux propres.

Quelques-uns ont choisi de payer leurs dividendes pour partie en actions, pour des montants qui ne figurent pas dans nos chiffres cités plus haut, car ne correspondant pas à des débours de trésorerie. Ainsi Publicis et EssilorLuxottica permettent à des actionnaires familiaux de se renforcer au capital. On mentionnera aussi les dividendes en actions UMG et Faurecia permettant à Vivendi et Stellantis de donner une indépendance à leurs anciennes filiales par la technique de la scission[3].

 

Le taux de distribution des entreprises du CAC 40 est de 64 % en 2021, contre 29 % l’an passé qui était une année totalement atypique. En tenant compte des rachats d’actions, on passe à 98 %, contre 35 % l’an passé. Ces taux sont élevés pour deux raisons : la baisse des profits récurrents de 2020 (qui ont donné lieu aux dividendes de 2021) par rapport à ceux de 2019 : - 39 %, qui a réduit les dénominateurs ; et du redémarrage très rapide de l’activité pour la grande majorité des groupes du CAC 40 qui leur a permis, en confiance, de reprendre les retours de capitaux propres excédentaires, signe de l’excellente situation de la grande majorité d’entre eux.

 

Au total, dividendes et rachats d’actions en 2021 illustrent bien que le dividende n’est ni une idole, ni un tabou, mais un instrument au service d’une redistribution progressive des capitaux propres au sein de l’ensemble des entreprises par l’intermédiaire des investisseurs.

 

Source des chiffres : Compilation par les auteurs des informations réglementées publiées par les sociétés.

 

[1] Dont les résumés sont consultables ici et .

[3] Pour plus de détails sur ce point, voir le chapitre 48 du Vernimmen 2022.

 



Tableau : Les principaux taux d'impôts en France en 2022

Comme chaque année ; un grand merci à Benoît Dambre pour sa relecture

 

Voici les principaux taux d’impôt sur les bénéfices, les plus-values, les dividendes et intérêts reçus par les sociétés et les personnes physiques (hors régimes spéciaux et plus-values immobilières), en application de la loi de
finances pour 2022 (exercices ouverts en 2022).

Ces taux ne tiennent pas compte, pour les entreprises, des cotisations sociales, taxes, cotisations et prélèvements divers, en particulier liés à la fiscalité locale, qui s’ajoutent aux impôts répertoriés ci-après.

 

(1)         Les sociétés, pour être qualifiées de PME au sens de l’article 219 I, b du CGI, doivent avoir un chiffre d’affaires hors taxes inférieur à 10 M€ et leur capital doit être entièrement libéré et détenu pour au moins 75 % par des personnes physiques (ou des sociétés qui satisfont elles-mêmes à ces conditions) pour bénéficier du taux réduit de 15 % sur les premiers 38 120 € de résultat imposable. Le plafond de CA permettant aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés de bénéficier du taux réduit de 15 % est de 10 M€.

(2)         La contribution sociale de 3,3 % est assise sur l’IS « brut » de référence, sous déduction d’un abattement de 763 000 € par période de 12 mois (lorsqu’un exercice est différent de 12 mois, l’abattement est ajusté en conséquence). Les taux affichés dans le tableau ci-avant supposent que l’IS de référence est supérieur à 763 000 €.

(3)         Pour simplifier le tableau, seul est pris en compte l’IS au taux normal. Des taux réduits s’appliquent dans certains cas sous conditions (fiscalité des FCPR, des fonds professionnels de capital investissement, plus-value de cession de locaux professionnels destinés à être transformés en logements, etc.).

(a)         Bénéficient du régime des plus-values à long terme les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans qui revêtent ce caractère au plan comptable ainsi que ceux considérés comme tels par la loi fiscale :

(i) titres ouvrant droit au régime des sociétés mères (voir b) prévu aux articles 145 et 216 du CGI si inscription à une subdivision spéciale d’un compte de bilan correspondant à leur classification comptable ;

(ii) actions acquises en exécution d’une OPA ou OPE par l’entreprise initiatrice.

La moins-value constatée lors de la cession de titres de participation détenus depuis moins de deux ans à une société liée fait l’objet d’un report de déduction pendant deux ans (« gel »). Ce report tombe si la cédante change de régime fiscal ou est absorbée par une société non liée au cessionnaire, ou bien en cas de cession à une entreprise non liée au cédant.

Un régime spécifique, profondément remanié par loi de finances pour 2019, s’applique désormais sur option aux produits nets de concession de brevets, d’inventions brevetables (pour les PME) ou de procédés de fabrication ainsi que les plus-values y afférentes. Ce régime – qui s’applique également aux logiciels protégés par le droit d’auteur - prévoit en substance un taux préférentiel de 10 % sous conditions : il est réservé aux revenus de la propriété industrielle issus d’activités de R&D réalisées par le contribuable lui-même (approche « nexus ») et établit un lien entre les dépenses engagées, les actifs détenus permettant d’accorder un avantage fiscal proportionnel aux gains tirés de ces actifs et que procurent ces dépenses.

Sont taxables au taux réduit de l’IS de 19 %, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées qui ont le caractère de titres de participation détenus depuis au moins deux ans. Celles provenant de titres non cotés sont taxables au taux normal de l’IS.

Les cessions de titres de sociétés établies dans un État ou territoire non coopératif ou « ETNC » ne relèvent pas du régime long terme.

(b)         Participation d’au moins 5 % du capital conservés pendant au moins deux ans. Concerne aussi les titres dépourvus de droit de vote (actions de préférence) si la société mère détient globalement au titre de cette participation au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société émettrice. Sont exclues de ce régime les participations dans des sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés (notamment SIIC pour les dividendes prélevés sur des bénéfices exonérés, SICAV…). De même, le régime mère-fille n’est pas applicable aux distributions réalisées par les sociétés établies dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI.

 (c)        Les moins-values subies au cours d’une année par les personnes physiques sont imputables sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année et des 10 années suivantes.

(d)         La Contribution exceptionnelle sur les Hauts Revenus ou « CHR » de 3 ou 4 % (selon le revenu fiscal de référence) est susceptible de s’appliquer en sus.

 



Recherche : La faillite, une bonne expérience pour les administrateurs !

Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à CY Cergy Paris Université

 

La littérature académique en finance s’est souvent intéressée aux traits de caractère des dirigeants et à leur impact sur les décisions opérationnelles en matière d’investissement ou de financement[1]. Toutefois, rares sont les études qui s’intéressent aux expériences vécues par les administrateurs au cours de leur carrière, alors que celles-ci peuvent modifier leur comportement. Il en est ainsi des faillites, une expérience rare et donc forcément marquante. Trois chercheurs américains[2] ont étudié l’impact de cette expérience, vécue par un administrateur, sur la politique de l’entreprise et en particulier la prise de risque. Leurs résultats montrent qu’un administrateur qui a connu une faillite influence positivement le niveau de risque de l’entreprise.

L’étude empirique porte sur un échantillon d’entreprises américaines entre 1994 et 2013. Les auteurs ont identifié 718 entreprises (échantillon traité) qui partagent au moins un administrateur avec les 261 entreprises connaissant une faillite sur la période. La méthode employée (difference-in-differences) permet de mesurer l’impact de cet événement (un administrateur de l’entreprise connaît une faillite) sur la prise de risque de l’entreprise, par comparaison avec un échantillon d’entreprises comparables non concernées par l’événement (échantillon de contrôle).

Le premier (et principal) résultat porte sur le niveau d’endettement. Les auteurs considèrent le levier financier net, ratio de l’endettement net de cash sur le total du bilan. Ce ratio augmente de 4,1 % pour l’échantillon traité l’année qui suit la faillite concernée. Ainsi, il semble que le fait de connaître une faillite incite l’administrateur à encourager une plus grande prise de risque. S’il peut sembler paradoxal, cet effet se comprend mieux lorsque l’on regarde les résultats dans le détail. L’augmentation de la prise de risque est surtout observée lorsque l’administrateur connaît une faillite « douce », sans contentieux, sans coût excessif, et avec une reprise de l’activité. Lorsqu’il s’agit d’une faillite dure, notamment menant à une liquidation, on n’observe pas d’effet sur la prise de risque. Il semble en fait que les administrateurs aient tendance à craindre excessivement la faillite, et que le fait de connaître une faillite les rassure lorsque les conséquences ne sont pas trop graves. Les auteurs montrent d’ailleurs que la hausse observée ne conduit pas à une prise de risque excessive.

Pour l’échantillon traité, la hausse du levier financier net provient en grande partie d’une réduction des émissions d’actions. Les augmentations de capital diminuent de 7,7 % pour l’échantillon traité par rapport à l’échantillon de contrôle ; il en résulte une réduction de la détention de cash, donc une augmentation du levier financier net. Les auteurs vérifient que la volatilité des flux de trésorerie ainsi que du cours de bourse augmente également, une conséquence naturelle de l’augmentation du levier financier.

Dans ce genre de travaux, une préoccupation majeure des chercheurs est de faire face à une causalité inversée. En l’occurrence, on pourrait imaginer que des dirigeants souhaitant augmenter la prise de risque choisissent volontairement des administrateurs susceptibles de partager cette volonté. Ici, les administrateurs de l’échantillon traité font partie du conseil d’administration depuis en moyenne six ans. Et la hausse du risque n’est observée que lors d’un élément déclencheur (un administrateur connaît une faillite). La causalité inverse est donc très peu probable.

Connaître une faillite constitue forcément une expérience marquante pour un administrateur. En moyenne, les administrateurs qui y sont confrontés reçoivent par la suite moins de propositions, et leur carrière peut être affectée. On pourrait donc s’attendre à une hausse de l’aversion au risque de leur part. En fait, la crainte de la faillite est présente même en-dehors d’une telle expérience, et cela constitue une des raisons pour lesquelles les entreprises apparaissent sous-endettées par rapport aux prédictions théoriques. Les administrateurs qui connaissent une faillite « douce » font profiter les entreprises de leur expérience et sont prêts à prendre davantage de risques.

 

[1] Voir par exemple « Choix de financement : une question de caractère ? », Lettre Vernimmen no 113, de mars 2013.

[2] R. Gopalan, T.A. Gormley et A. Kalda (2021), « It’s not so bad: Director bankruptcy experience and corporate risk-taking », Journal of Financial Economics, oct. 2021, vol. 142.

 



Q&R : La valeur actuelle nette d'un projet d'investissement est-elle la même selon que l'on actualise ses flux avant impôt à un taux avant impôt ou que l'on actualise ses flux après impôt à un taux après impôt ?

De manière générale, il ne faut pas confondre le concept et le mode de calcul. Trop souvent on retient le dernier, et puis le mode de calcul en fait oublier le concept, d’où parfois des calculs de plus en plus compliqués, arithmétiquement justes, mais déconnectés d’une réalité financière simple qui a été perdue de vue. L’EBE et son mode de calcul donné par le Plan comptable français en est une très bonne illustration. 

 

Revenons donc à l’essentiel. La valeur actuelle nette mesure la création de valeur que devrait permettre un investissement. Elle préexiste naturellement à sa mesure de la même façon que la température d’un malade préexiste à sa mesure par un thermomètre.

 

On peut calculer de deux façons différentes cette création de valeur. On peut prendre un taux après impôt sur les sociétés que l’on applique à des flux après impôt sur les sociétés pour être cohérent. On peut aussi prendre un taux avant impôt que l’on applique à des flux avant impôt. Mais quel que soit le calcul, cette création de valeur ne peut pas être rationnellement différente, sauf à penser que la mesure modifie l’objet à mesurer, ce qui peut arriver dans le domaine de la physique, mais on a du mal à percevoir pourquoi en matière de création de valeur. Ainsi, lorsque vous vous pesez sur une balance étalonnée avec des kilos, votre poids est le même que lorsque vous vous pesez avec une balance étalonnée avec des livres, le chiffre est simplement différent avec une unité différente.

 

Simplement, le taux avant impôt sera un taux plus élevé qu’un taux après impôt. Ainsi sur un exemple illustratif, que nous tenons à la disposition de nos lecteurs[1], avec un investissement limité à 10 ans, un taux avant impôt de 8 % correspond à un taux après impôt de 3,3 % pour un investissement limité à 10 ans. En effet, un taux avant impôt est nécessairement plus élevé, car il devra rémunérer pour une partie l’administration fiscale qui était mise de côté en décidant de raisonner sur des flux avant impôt.

 

Contrairement aux apparences trompeuses, le taux avant impôt n’est pas 6 % (8 % x (1 - 25 %). En effet, la fonction d’actualisation n’est pas linéaire (c’est une courbe et non une droite qui déprécie plus les sommes éloignées que les sommes proches), car les projets d’investissement ont une durée finie et non infinie, et que le flux de trésorerie disponible après impôt n’est pas le flux de trésorerie disponible avant x (1 - taux d’IS), car l’impôt ne s’applique qu’à une des composantes du flux de trésorerie disponible (le résultat d’exploitation) et non à toutes.

 

Pour passer du taux d’actualisation après impôt au taux d’actualisation avant impôt, nous ne connaissons pas de formules générales et simples. Pour trouver l’équivalent du taux avant impôt d’un taux après impôt, notre conseil est de calculer la valeur actuelle nette au taux après impôt, appliquée à des flux de trésorerie intégrant l’impôt sur les sociétés au niveau du résultat d’exploitation. Puis de chercher le taux avant impôt qui aboutit à la même valeur actuelle nette calculée sur des flux de trésorerie avec un taux d’impôt sur les sociétés de 0 %.

De notre expérience, nous avons l’impression que les taux avant impôt qui sont utilisés sortent un peu d’un chapeau et sont arbitraires.

C’est pour cela que l’actualisation des flux avant impôt avec un taux avant impôt est relativement rare, même si elle n’est pas stupide. Et si on veut en objectiver le calcul, ce qui requiert de passer par les taux après impôt, autant alors utiliser celui-ci d’un bout à l’autre ! C’est plus naturel, simple et logique.

 

Les taux avant impôt ne sont néanmoins pas sans intérêt. Nous connaissons ainsi un grand groupe qui continue d'utiliser des taux avant IS pour calculer les dépréciations de ses goodwills (ce fut un temps une demande des normes IFRS que de raisonner avec un taux avant impôt appliqué à des flux calculés avant impôt). Ainsi, il affiche en apparence, dans son secteur où les durées des investissements peuvent être courtes, un taux qui semble exigeant, 8 %, alors que la réalité est très différente de cette impression initiale, 3,3 %...

 



Autre : Formations

Voici les dates des prochaines formations que nous avons conçues pour Francis Lefebvre Formation, avec des enseignants que nous avons sélectionnés pour l’excellence de leur pédagogie :

 



Commentaire : Sur l'actualité financière, postés sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen

Régulièrement, nous publions sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière, des réponses à des questions qui nous sont posées ou des citations.

En voici quelques-uns :

 

Taux d’intérêt et cours des actions high-tech

À ceux de nos lecteurs qui s’étonneraient de l’ampleur de la tasse bue la première semaine de janvier en Bourse par les entreprises de la tech américaine, - 5 % pour le Nasdaq, nous rappelons que ces entreprises se caractérisent plus que les autres par des flux de trésorerie disponible éloignés dans le temps, et donc plus sensibles de ce fait à une modification des taux d’intérêt. En effet, leur duration est plus forte du fait de flux arrivant plus tardivement. Or le taux de rentabilité des obligations américaines à 10 ans a bondi ces dernières semaines de 1,4 % à quasiment 1,8 %. 

On notera d’ailleurs que si la baisse du Nasdaq a été de 5 %, le cours des entreprises de technologie non encore profitables a, lui, régressé de 10 % en moyenne sur la semaine, car par rapport à la valeur moyenne du Nasdaq, leur duration est encore plus forte.

 

[1] Que vous pouvez consulter ici pour Facebook, et  pour LinkedIn.



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