La Lettre n°137 de Janvier 2016

Actualités : Des nouvelles de notre dernière initiative pédagogique

Nous avons conçu pour HEC Paris et First Finance un programme certifiant de finance d’entreprise entièrement digital qui permet à ceux d’entre vous qui veulent rafraîchir leurs connaissances en finance d’entreprise, ou acquérir un niveau similaire à celui que nous transmettons à nos étudiants d’HEC Paris, de pouvoir le faire à leur rythme sur 5 mois.

En un an, plus de 800 personnes ont suivi avec un haut niveau de satisfaction cette formation innovante qui débouche sur une certification d’HEC Paris en finance d’entreprise : l’ICCF @ HEC Paris.

Le programme couvre l’essentiel de la finance d’entreprise : analyse financière, évaluation de société, choix d’investissement et de financement. Il s’articule autour de sessions de cours par vidéos, d’études de cas d’application, d’échanges en direct avec Pascal Quiry à travers des « classes virtuelles » hebdomadaires ainsi que d’échanges actifs sur le forum entre les participants et Pascal Quiry. Ce programme est donc aussi un lieu unique d’interactions riches entre professionnels et passionnés de finance d’entreprise.

Chacun des trois thèmes traités se termine par l’étude d’un cas réel et récent ; l’ensemble du programme se termine par un test final.

La troisième promotion commence le 8 mars 2016.

Pour en savoir plus sur ce programme, écouter les témoignages des participants, voir http://hecparis.fbmx.net ou la boîte aux lettres du site vernimmen.net pour échanger avec nous sur ce programme, destiné à partager efficacement les connaissances et pratiques accumulées, selon un format adapté à votre agenda professionnel ou privé.



Actualités : Les hybrides : coquetterie de banquier d'affaires ou vraie classe d'actifs ?

Le terme de produit hybride est passablement galvaudé et donc peu clair. Il est de manière générique utilisé pour désigner les financements qui ne rentrent pas de manière évidente en capitaux propres ou en dettes. Cette catégorie fourre-tout est en particulier utilisée dans les manuels de finance (dont le Vernimmen[1]). Elle englobe alors les obligations convertibles, les OBSA, les TSDI[2], TSS[3] ou ses successeurs, les échangeables (certainement à tort car il s’agit bien là d’une dette), les obligations remboursables en actions, les titres participatifs…

Force est de constater que la pratique s’est peu à peu éloignée de la terminologie académique. Ainsi, si vous parlez aujourd’hui d’hybrides à un investisseur ou un émetteur, il comprendra très certainement « obligations hybrides » et pensera mécaniquement à certaines caractéristiques standards de ce produit.

Dont acte ! Restreignons-nous donc à l’analyse de ces hybrides car ce glissement sémantique révèle certainement une réelle évolution du marché. En effet, il est apparu depuis quelques années un type d’émissions obligataires répondant à certaines normes (largement fixées par les agences de notation) qui permettent aux entreprises d’améliorer leur profil de crédit. Les caractéristiques communes sont

  • la subordination (en cas de liquidation elles sont remboursées après les autres dettes mais avant les capitaux propres) ;
  • la maturité très longue, voire perpétuelle ;
  • un coupon (fixe puis à taux variable) pouvant être différé en cas de non-versement de dividendes aux actionnaires ;
  • l’engagement pris par la société en cas de remboursement anticipé de remplacer cette émission par l’émission de produits du même type ou d’actions ;
  • une rémunération croissante dans le temps avec des step-ups (augmentation) à certaines dates.

Pour être plus concrets, illustrons nos propos avec l’une des émissions que Total a réalisées en 2015

L’obligation verse un coupon initialement fixe de 2,25 %. Total dispose d’une première option de remboursement après 6 ans, soit en 2021. Si l’obligation n’est pas remboursée, le coupon devient variable (taux sans risque + marge de 1,861 %). Une seconde option se présente 5 ans plus tard, si elle n’est toujours pas exercée, la marge s’incrémente de 0,25 %. Puis à nouveau 15 ans plus tard avec un incrément de 0,75 %. Cette émission ne prévoit pas de date de remboursement obligatoire pour Total.

Du fait de leurs caractéristiques sensiblement plus risquées que les émissions classiques, ces obligations sont notées par les agences 2 à 3 notches sous la notation senior. Le corollaire de ce risque (mis en évidence par la notation) est que le rendement offert est sensiblement supérieur à celui des obligations classiques.

Ces émissions viennent sécuriser les autres créanciers de l’entreprise, car les hybrides ont une maturité très longue. En effet, leur remboursement interviendra après celui des autres dettes. Les agences de notation les reclassent donc pour le calcul de leurs ratios partiellement en capitaux propres (pour la plupart des émissions 50 % dette – 50 % capitaux propres). L’obtention de cet equity credit est bien là la motivation principale des émetteurs.

Mais l’émission d’hybrides permet également de faire appel à des investisseurs spécifiques, spécialisés qui n’auraient pas acheté des obligations classiques. Ces investisseurs sont à la recherche de rendement et sont prêts à prendre une certaine dose de risque.

Les volumes des émissions d’hybrides ont augmenté de manière importante en Europe depuis le milieu des années 2000.

L’obligation (ou plutôt l’engagement auprès des agences de notation) de remplacer les émissions existantes par de nouvelles émissions du même type laisse entrevoir un bel avenir au marché des hybrides, qui devient de fait un marché récurrent : les émetteurs ayant émis une fois se voient fortement incités à émettre tous les 6-7 ans. Les volumes que l’on observe depuis 2013 sont d’ores et déjà un mix d’émission de remplacement et de nouveaux émetteurs. L’equity credit devient une sorte de drogue douce pour ces émetteurs !

Cependant, le produit repose largement sur une sorte de malentendu.

Pour les agences de notation, ce produit dispose bien de caractéristiques à mi-chemin entre dette et capitaux propres, notamment en raison leur maturité très longue. Contractuellement, il vient bien conforter les prêteurs seniors en apportant un coussin amortisseur supplémentaire.

En revanche, les investisseurs acquièrent les hybrides avec la compréhension qu’elles seront remboursées à l’exercice du premier call. Il y a bien un engagement tacite de l’entreprise qu’elle exercera son call. En pratique que se passe-t-il si elle ne fait pas ? Rien immédiatement, mais il est vraisemblable que les investisseurs se sentiront floués, l’entreprise se coupera de ce marché. Les investisseurs sont également confortés sur le probable remboursement par des motivations techniques que l’émetteur a pour rembourser :

  • Le step-up qui renchérit l’émission.
  • Le fait que les émissions soient structurées pour que les agences de rating retirent le bénéfice de l’equity content à la date du premier call (considérant que la durée de vie résiduelle économique devient alors trop courte, c’est-à-dire moins de 20 ans jusqu’au step-up important).

En pratique, on peut observer que les entreprises exercent leurs calls et ce même si économiquement ce n’est pas toujours optimal… mais il existe des exceptions. Ainsi, Südzucker a fait le choix de différer son remboursement comme elle en avait contractuellement le droit. Cette décision a le mérite de conforter les agences de notation dans leur approche.

Comme le rationnel tient largement au traitement des agences de notation (mais aussi au traitement fiscal), la crainte d’un changement de dogme ou de traitement fiscal est un frein pour certains émetteurs. Les documentations contiennent également un droit pour l’entreprise de rembourser les porteurs d’hybrides en cas de changement comptable, fiscal ou de traitement par les agences de notation.

Ce risque n’est pas totalement théorique. Ainsi Moody’s a changé en 2013 son approche en supprimant l’equity credit aux émetteurs non investment grade[4]. C’était donc une double peine pour les entreprises perdant leur statut d’investment grade puisqu’elles perdaient également une partie de leurs capitaux propres aux yeux de Moody’s (ce fut le cas d’ArcelorMittal par exemple qui a choisi de rembourser son émission existante).

Pour les investisseurs, les hybrides présentent une opportunité d’investissement intéressante. En effet, dans un univers de taux bas et de spread de crédit étroits, elles permettent de dégager un rendement relativement élevé tout en investissant sur des belles entreprises. Ainsi pour EDF, l’investisseur recevra du 2,625 % sur l’hybride qui devrait être remboursée dans 10 ans contre 0,99 % sur l’obligation classique avec une maturité fixe de 10 ans. C’est donc une opportunité attractive par rapport aux obligations high yield, dont les émetteurs présentent une bien moindre qualité de crédit.

Les hybrides reposent donc sur un équilibre subtil entre les contraintes imposées par les agences de rating et le confort sur la probabilité de remboursement donné aux investisseurs. Mais il s’agit bien là de dettes, certes risquées, mais de dettes, notamment dans une approche de valorisation, l’intégralité des hybrides devant être intégrée à l’endettement net.

Certains produits peuvent donner l’illusion de rentrer dans le moule que nous avons défini pour les hybrides : une subordination,

 

une maturité longue, un step-up. Mais ce n’est qu’une illusion. Ainsi les « ORDINANE » : obligations à durée indéterminée à option de remboursement en numéraire et/ou en actions nouvelles et/ou existantes, dont on a pu voir quelques émissions en France, ressemble à des hybrides. Les différences principales sont qu’elles sont convertibles sur la période avant le call et que le step-up est sans commune mesure avec celui des hybrides (jusqu’à 8 % !). Ces produits ne sont en réalité que des obligations convertibles agrémentées d’une astuce (la durée apparemment illimitée) pour qu’elles soient comptabilisées en capitaux propres en normes IFRS. Ceci est une imposture intellectuelle puisque le step-up est fait pour que la convertible soit remboursée en numéraire si elle n’est pas convertie en actions. Les agences de notation ne s’y laisseraient pas piéger et ces instruments sont réservés aux émetteurs non notés.

 

Les vraies hybrides sont donc devenues une classe d’actifs à part avec sa propre base d’investisseurs et ses caractéristiques spécifiques. Mais leur avenir reste entre les mains des agences de notation. Si elles stabilisent effectivement leur analyse pour les entreprises, ce marché pourrait bien devenir un compartiment très significatif des obligations comme ça l’est déjà pour les banques et les institutions financières

[2] Titres subordonnés à durée indéterminée.

[3] Titres super subordonnés.

[4] Note inférieure à BBB -

 



Tableau : Rachats d'actions et dividendes en 2015

Depuis 2011, le montant annuel des dividendes et des rachats d’actions des groupes du CAC 40 est stable à environ 43 Md€, une fois éliminés le dividende en actions Hermès de LVMH (7 Md€) et le rachat d’actions de L’Oréal pour réduire la part de Nestlé dans son capital (6 Md€) de l’an passé, qui n’ont pas vocation à la récurrence. 2015 est tout à fait dans cette tendance avec 42,8 Md€.

Source : Compilation des informations réglementées publiées par les sociétés.

Même pour l’élite des groupes français, on est bien loin des montants de 2007 et 2008, aux environs de 55 Md€ par an. L’essentiel de la baisse est du aux quatre financières du CAC 40 (BNP Paribas, Axa, Société Générale et Crédit Agricole) qui ont versé en 2015 8,5 Md€ de moins qu’en 2007, à ArcelorMittal (moins 3,5 Md€) et à Orange (1,7 Md€). Il est vrai que leurs profits ont baissé collectivement de 17,4 Md€ depuis 2006, dont 6,8 Md€ pour le seul ArcelorMittal en perte de 0,8 Md€ en 2014.

En fait, avec 43 Md€ de rachat d’actions et de dividendes, les groupes du CAC 40 sont un peu au-dessus du niveau de 2006.

En procédant à 5,2 Md€ de rachats d’actions en 2015, les entreprises du CAC 40 n’ont pas augmenté les restitutions de liquidités sous cette forme à leurs actionnaires. En effet, la moyenne sur les 5 dernières années est exactement de 5,2 Md€.

Source : Compilation des informations réglementées publiées par les sociétés.

Ce montant s’explique à hauteur d’un tiers par Sanofi qui est le champion de la régularité dans ce domaine avec 3 années consécutives de rachats à environ 1,8 Md€ par an (jamais moins de 800 M€ depuis 2011). Derrière Sanofi, 6 groupes ont consacré à peu près 500 M€ aux rachats en 2015 : Axa, Vinci, Schneider, Vivendi, Saint Gobain, Publicis. Certains pour rendre des liquidités excédentaires (Vivendi par exemple), d’autres pour neutraliser des instruments dilutifs arrivant à maturité (Publicis).

Au total, 11 groupes ont procédé à des rachats d’actions significatifs en 2015 (au moins 100 M€) soit à peu près autant que chaque année depuis 2012. On notera la disparition complète de Total de ce front, qui n’est guère une surprise vu la conjoncture pétrolière ; et la revente par Carrefour de près de 400 M€ d’actions auto détenues en sur-couverture de stock-options et d’actions gratuites afin de consolider sa notation de crédit.

Coté dividendes, 37,5 Md€ ont été versés en 2015, soit une baisse de 3 % par rapport à l’an dernier, une fois neutralisée la distribution d’actions Hermès par LVMH (38,8 Md€). En fait, cette baisse est due à un effet périmètre avec la sortie du CAC 40 d’EDF au faible flottant (15 % de 23 Md€ de capitalisation boursière) mais qui versait en 2014 2,3 Md€ de dividendes, et son remplacement par Klépierre au flottant plus important (66 % de 12 Md€), mais qui n’a distribué que 393 M€. Sans cette opération non récurrente[1], la progression des  dividendes versés en 2015 aurait été de près de 2 %.

Rappelons que la progression des dividendes ne traduit nullement un enrichissement de l’actionnaire, contrairement à celle des salaires pour les salariés[2].

8 groupes ont choisi cette année de proposer un paiement en tout ou en partie de leurs dividendes en actions, ce qui montre qu’ils estiment avoir besoin de capitaux propres complémentaires sans néanmoins souhaiter ou oser faire une augmentation de capital classique (Crédit Agricole) ou que le maintien d’un dividende, alors que les flux de trésorerie disponible sont négatifs, nécessite le recours à cet outil (Total). Alternativement, ils optimisent leur fiscalité puisque les dividendes payés en actions sont exonérés de la taxe de 3 %. On remarquera que Saint-Gobain a procédé à des rachats d’actions pour 543 M€ tout en payant 240 M€ de son dividende en actions. Les politiques financières peuvent évoluer rapidement avec l’environnement et la conjoncture.


Comme les années précédentes, le trio de tête des versements de dividendes représente de l’ordre du tiers des dividendes versés. Il est à l’identique des années précédentes composé de Total, Sanofi et Engie. Si on ajoute Axa, BNP Paribas et LVMH, on atteint avec 6 groupes presque 50 % des dividendes. Comme quoi, même au sein du CAC 40, les inégalités sont criantes !

Alcatel-Lucent et Alstom sont rejoints cette année par Peugeot dans le club des abstinents du dividende au titre de 2014. Tous trois étaient en perte. Il en sera différemment en 2015 puisque Alcatel-Lucent disparaît dans Nokia, et Alstom, après avoir cédé sa division énergie et procédé à une OPRA de 3,3 Md€, pourrait quitter le CAC 40.

Le taux de distribution des entreprises du CAC 40 qui ont versé un dividende (et hors ArcelorMittal en perte) est de 51 %, au-dessus de la moyenne à 5 ans (47 %) ou à 10 ans (45 %), et contre 50 % l’an passé. Derrière cette montée du taux de distribution, il y a surtout une baisse des profits du CAC 40 qui étaient de 82,8 Md€ en 2010 et de 14 % de moins en 2014 (71,6 Md€, en courant part du groupe).

Rappelons à notre lecteur qui serait tenté de jeter la pierre aux gros distributeurs de dividendes que le seul critère financièrement pertinent d’appréciation d’une politique de distribution est le taux de rentabilité marginale des fonds réinvestis, sans parler de la capacité des entreprises à en verser un compte tenu de leur objectif de structure financière[3]. Le dividende n’est ni une idole ni une icône !

Sans dividende et rachat d’actions, il n’y a pas de réallocation de capitaux propres de secteurs qui en ont eu besoin vers des secteurs nouveaux qui en ont besoin.

 

[1] Les changements de composition du CAC 40 concernaient les années précédentes des entreprises versant des montants similaires de dividendes (Gémalto et Peugeot en 2014).

 



Recherche : L'instabilité de la structure du capital

Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à Paris-Dauphine

Les études empiriques sur la structure du capital donnent souvent des résultats difficiles à interpréter. Les différentes variables testées liées à l’entreprise (taille, secteur, ratios de valorisation…) ont un pouvoir explicatif assez faible. Les résultats de ces études indiquent la présence de forts « effets fixes », qui indiquent que des facteurs spécifiques à chaque entreprise expliquent l’hétérogénéité des structures du capital observées. Une conclusion fréquente est que la structure du capital de chaque entreprise a tendance à rester stable[1]. L’étude dont nous présentons ici les résultats[2] indique au contraire que, sur le long terme, la structure du capital de chaque entreprise présente une forte instabilité.

Ce qui est mesuré dans cette étude est la stabilité de la position relative de la structure du capital (c’est-à-dire du levier financier) de chaque entreprise. Les entreprises dont le levier financier est le plus élevé à une certaine date ont-elles le plus de chance de présenter encore le levier le plus élevé des années après ? Les auteurs répondent par la négative.  La stabilité dans la position du levier financier de chaque entreprise à travers le temps ne s’observe qu’à court terme. L’étude porte pour l’essentiel sur les entreprises (non financières) américaines entre 1950 et 2008. De nombreux tests et différentes mesures de stabilité de la structure du capital sont effectuées. Un résultat assez notable est celui obtenu sur les entreprises observables pendant au moins 20 années. Si l’on classe ces entreprises en quartiles selon leur levier financier, 69,5% d’entre elles sont présentes dans au moins 3 quartiles différents sur la durée observée. Autrement dit, sur 20 ans, la stabilité est l’exception et l’instabilité la règle.

Les auteurs montrent pourtant qu’il existe des périodes pendant lesquelles les entreprises peuvent présenter une structure assez stable. Ces périodes sont courtes et se présentent généralement à des niveaux d’endettement faibles. Fréquemment, la fin de ces périodes de stabilité est marquée par une forte croissance. L’exemple typique cité par les auteurs est celui  des années 1950 lors desquelles beaucoup d’entreprises ont abandonné leur structure du capital conservatrice et se sont endettées pour financer la croissance.

Du point de vue académique, il est intéressant de se demander quels sont les modèles les plus aptes à expliquer les résultats de cette étude. Ceux qui ont la faveur des auteurs sont les modèles dans lesquelles les entreprises ont un ratio d’endettement-cible, mais qui varie avec le temps. Au contraire, deux types de modèles sont rejetés :

  • les modèles avec des zones d’endettement cible fixes dans le temps, qui ne permettent pas d’expliquer l’instabilité sur le long terme ;
  • les modèles sans aucune cible et avec une évolution aléatoire de l’endettement, qui n’expliquent pas les (courtes) périodes de stabilité.

Il reste bien entendu de nombreuses questions sur la structure du capital, auxquelles l’article ne permet pas de répondre. La principale est probablement la suivante : quels sont les déterminants des niveaux d’endettement cible ? L’étude empirique montre que les variations de niveau d’endettement des entreprises après une période de stabilité sont plus importantes que les variations d’endettement cible fondées sur les médianes sectorielles. Les comparables ont une influence sur la politique (et la structure) financière[3], mais n’expliquent pas l’ampleur de l’instabilité. Il reste beaucoup à découvrir sur le sujet !


[1] Voir par exemple M. LEMMON, M. ROBERTS et J. ZENDER (2008), Back to the beginning : Persistence and the cross-section of corporate capital structure, Journal of Finance, vol. 63, pages 1575 à 1608.

[2] H. DEANGELO et R. ROLL (2015), How stable are corporate capital structures?, Journal of Finance, vol. 70, pages 373 à 418.

[3] Voir à ce sujet « L’influence des comparables sur la politique financière », La Lettre Vernimmen.net n° 127 de novembre 2014.

 



Q&R : Qu'est-ce qu'un green bond ?

Avec le battage médiatique de la Cop 21, difficile de ne pas avoir entendu parler des obligations vertes ou green bonds. Ces titres émis par les entreprises ou collectivités locales sont d’un point de vue de ses flux financiers des obligations classiques, c’est-à-dire avec un coupon fixe et un remboursement à maturité[1]. Leur statut vert provient principalement du fait que l’émetteur s’engage vis-à-vis de l’investisseur à utiliser les fonds pour des investissements ou des dépenses positives pour l’environnement. Il n’existe malheureusement pas de standard pour définir les projets qui entrent dans les dépenses vertes, c’est donc à l’entreprise de le définir (généralement assisté d’un cabinet indépendant).

Le suivi des dépenses et l’affectation d’une source de financement à un emploi particulier exigent une organisation spécifique inhabituelle pour la direction financière. Cette organisation a un coût. Mais comme les investisseurs ne sont pas prêts à acheter les obligations vertes à un prix supérieur à celui d’une obligation classique (le rendement est le même), ce surcoût est bien supporté par l’entreprise. Les obligations vertes sont, même si les entreprises s’en défendent parfois, un outil de communication ; l’implication de la direction générale dans la communication en est bien une preuve : le directeur général d’un grand groupe prenant rarement la peine de commenter l’émission d’une obligation classique.

Certains fonds sont marqués « verts » et n’investissent que dans des entreprises ou des produits ayant une connotation environnementale. Les obligations vertes sont donc un moyen d’accéder à ces investisseurs. Notons, et c’est un peu paradoxal, que de nombreux émetteurs d’obligations vertes évoluent dans des industries dont le caractère écologique ne saute pas spontanément aux yeux : énergie (EDF, Engie), chimie (Air Liquide), automobile (Toyota).

Le volume d’émission croît très rapidement mais reste très modeste (moins de 10 %) au regard du marché obligataire.

Dans la même veine que les obligations vertes, on a pu voir apparaître les premières émissions de social bonds, devant venir financer des projets à connotation sociétale.

Seul l’avenir nous dira s’il s’agit d’un effet de mode ou produit pérenne.

[1] Pour plus de détails sur les obligations, voir le chapitre 24 du Vernimmen 2016.



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