La Lettre n°132 de Juillet 2015

Actualités : Du côté de l'affacturage

Pour la première fois, fin 2014, Total a mis en place un programme d’affacturage pour un 1 Md€. Certes Total n’est pas le premier grand groupe français à utiliser l’affacturage puisque c’est IBM France qui a initié le mouvement dans les années 1990,

ensuite Pernod Ricard y a  recours depuis 2008, Sanofi depuis 2012, etc. Mais que le premier groupe français y fasse appel est une forme de consécration. Qu’il est loin le temps où nous nous interrogions, rhétoriquement, pour savoir si l’affacturage
était sorti du ghetto[1] !

En fait, c’est probablement le moyen de financement qui s’est le plus développé  en France : + 11% par an depuis 1995.

Si bien que dans les concours à court terme aux entreprises, sa part est passée en 15 ans de moins du sixième à plus du tiers.

Cette croissance n’est pas limitée à la France, puisqu’on l’observe au niveau mondial à peu près au même rythme : + 9,4 % par an depuis 1993.

Plusieurs raisons expliquent cette croissance :

  • Avec le durcissement des normes comptables en matière de montages déconsolidants, l’affacturage dans sa version sans recours est devenu la technique de déconsolidation la plus simple à mettre en œuvre sans que l’IASB n’y trouve rien à redire ! D’ailleurs et sans vouloir être facétieux, l’IASB serait mieux fondé à en exiger la reconsolidation qu’il ne l’est à vouloir avec entêtement imposer la consolidation au bilan des locations opérationnelles[2]. . .

  • Ensuite les banques préfèrent cette forme de concours à court terme car il est mieux garanti pour elles qu’un découvert en blanc ou un crédit court terme, puisqu’elles possèdent l’actif sous-jacent dont elles ont pu apprécier la qualité et qu’elles ne l’acquièrent que sous déduction d’une réserve de garantie le plus souvent. Les contraintes prudentielles qui s’appliquent à elles[3] ont accéléré cette évolution puisque l’affacturage est moins consommateur de capitaux propres réglementaires. En France, ceci est facilité par le fait que les principales sociétés d’affacturage sont filiales des groupes bancaires (à l’exception pour l’instant de GE Facto France qui a été mis en vente par sa maison mère) qui les refinancent.

  • Sous un même terme, plusieurs produits co-existent et offrent un choix large aux clients : le financement bien sûr, mais aussi la déconsolidation, l’assurance-crédit (affacturage sans recours) et les services de gestion et de recouvrement du poste clients. C’était ainsi ce service qui avait attiré IBM France vers l’affacturage.

  • Les factors ont bien su gérer leur croissance et faire baisser leurs coûts unitaires dans une logique industrielle : effets d’échelle des volumes croissants (BNP Paribas Factor, le leader du marché français avec 18 % de part de marché, emploie un peu plus de 400 personnes), mise en commun pour certains de leur plate-forme informatique (CM-CIC Factor et GE Facto France).

  • Le secteur a innové régulièrement, en particulier avec le reverse factoring qui est un contrat entre un factor et un grand client définissant les conditions dans lesquelles les fournisseurs de ce client peuvent bénéficier de prestations d’affacturage pour leur chiffre d’affaires réalisé avec ce  grand client[4]. L’affacturage inversé est ancré dans la pratique de certains pays (Espagne, Japon). Si le reverse factoring réduit le risque de fraude aux factures, il n’est cependant pas sans risque car si le grand client fait faillite, la perte est importante pour le factor (sans recours) ou peut enclencher un effet domino parmi ses fournisseurs (avec recours). En bonne gestion, l’affacturage inversé est donc réservé aux groupes dont la solvabilité ne fait pas de doutes.

  • Enfin l’affacturage a bénéficié de la mauvaise image de la titrisation depuis 2007 (subprime), même si la titrisation des créances commerciales est bien différente de celles de prêts hypothécaires américains.

Au niveau mondial, le taux de croissance est similaire à celui du marché français : + 10 % par an depuis 1993[5]. Mais cette forte croissance n’a pas été la même pour tous les pays, la Chine a littéralement explosé avec un taux de croissance annuel de 43 % depuis 2007 :

La croissance chinoise de l’affacturage n’est pas sans risque pour ceux qui le pratiquent car les audits des clients sont quasi inexistants alors qu’ils doivent permettre de détecter des organisations perméables à la fraude qui n’est pas qu’un risque théorique. Ainsi Citi a perdu 400 M$ au Mexique.

On pourra être surpris de la faible part de marché des Etats-Unis, moins du double de celle de la Belgique, alors qu’ils ont donné un essor considérable à l’affacturage aux 18 ème et 19 ème siècles dans le secteur textile et sont à l’origine de l’implantation de cette technique en France au début des années 1960. En fait, marqué par son histoire, l’affacturage a décliné parallèlement à l’industrie textile américaine dans un pays où les financements sur actifs (asset based lending) sont importants, la facture étant une garantie parmi d’autres.

 

Bien évidemment, ce secteur n’est pas à l’abri de la digitalisation de l’économie avec l’apparition de plateformes de désintermédiation (Finekcap, Advanon, etc.) mettant en relation des investisseurs voulant financer des factures et des entreprises voulant céder des factures. Leur tâche n’est pas aisée : comment convertir en parallèle et pour des montants à peu près similaires investisseurs et entreprises ? Comment avoir un volume suffisant en partant d’affacturage  factures par factures et non d’un engagement dans la durée portant sur un volume récurrent de factures ? Comment développer des outils efficaces de mesure du risque de crédit testés sur plusieurs années alors que comme tout nouveaux entrants, ils risquent d’attirer en priorité les moins bons risques ? Comment développer des processus efficaces de lutte contre la fraude (fausse facture) ?

Comme dans tous secteurs, certains perceront parce qu’ils auront su innover en partant d’une page blanche (développement de plateformes plug and play sur les systèmes des entreprises), d’autres seront rachetés par les acteurs en place pour tenter d’accélérer leur mutation et enfin beaucoup disparaitront.

***

Cet article a été nourri d’une interview de Patrick de Villepin, historien, dirigeant du premier factor français, président de la commission affacturage de l’association française des sociétés financières et auteur de La success story du factoring,  publiée par l’Association pour la promotion et l’histoire du factoring. Nous ne saurions trop conseiller à notre lecteur intéressé par l’affacturage de se procurer cet ouvrage en contactant : a2phfactoring@gmail.com. C’est à la fois un livre d’histoire, un livre de finance, un livre de stratégie et surtout un livre attachant car centré sur les hommes et les femmes qui ont fait émerger depuis une quarantaine d’années cette solution simple et efficace de financement des entreprises de toutes tailles.

 

 

[1] La Lettre vernimmen.net n° 38 de mai 2005.

[2] Voir La Lettre vernimmen.net n° 117 de septembre 2013

[3] Voir La Lettre vernimmen.net n° 123 d’avril 2014

[4] Voir la Lettre vernimmen.net n° 46 de mai 2006

[5] Selon Factors Chain International

 



Actualités : Des nouvelles de notre dernière initiative pédagogique

Nous avons conçu pour HEC Paris et First Finance un programme certifiant de finance d’entreprise entièrement digital qui permet à ceux d’entre vous qui veulent rafraichir leurs connaissances en finance d’entreprise, ou acquérir un niveau similaire à celui que nous transmettons à nos étudiants d’HEC Paris, de pouvoir le faire à leur rythme sur 5 mois.

Près de 400 personnes ont suivi sur le premier semestre avec un haut niveau de satisfaction cette formation innovante qui débouche sur une certification d’HEC Paris en finance d’entreprise : l’ICCF @ HEC Paris.

Le programme couvre l’essentiel de la finance d’entreprise : analyse financière, évaluation de sociétéchoix d’investissement et de financement. Il s’articule autour de sessions de cours par vidéos, d’études de cas d’application, d’échanges en direct avec Pascal Quiry à travers des «  classes virtuelles » hebdomadaires ainsi que d’échanges actifs sur le forum entre les participants et Pascal Quiry. Ce programme est donc aussi un lieu unique d’interactions riches entre professionnels et passionnés de finance d’entreprise. 

Chacun des trois thèmes traités se termine par l’étude d’un cas réel et récent ; l’ensemble du programme se termine par un test final.

La seconde promotion commence mi-septembre.

Pour en savoir plus sur ce programme, écouter les témoignages des participants de la première promotion, voir http://hecparis.fbmx.net ou la boîte aux lettres du site vernimmen.net pour échanger avec nous sur ce programme, destiné à partager efficacement les connaissances et pratiques accumulées, selon un format adapté à votre agenda professionnel ou privé.



Tableau : Multiple de transaction et niveau des cours de bourse

Un lecteur novice

pourrait croire que le marché de la vente et de l'achat d'entreprises est un marché spécifique, ayant sa propre logique de fonctionnement, ses propres équilibres, ses propres méthodes d'évaluation, ses propres intervenants.

En réalité, il n'en est rien : le marché des transactions d’entreprises n'est qu'un compartiment d'un marché financier beaucoup plus global. Et les méthodes d'évaluation utilisées ont le même fondement et la même logique que celles qui sont mises en œuvre pour l'évaluation d'un actif financier[1]. Notre expérience nous prouve qu'une entreprise se vendra à un prix d'autant plus élevé entre industriels que la Bourse affiche des niveaux de valorisation élevés.

C’est ce qu’illustre le graphique suivant :

[1] Pour plus de détails voir le chapitre 35 du Vernimmen

 



Recherche : Les vertus de la titrisation

avec la collaboration de Simon Gueguen - Enseignant-chercheur à Paris Dauphine

 

La titrisation, bien que devenue une importante source de financement pour les entreprises, peut induire des effets négatifs. Des articles sur le sujet ont montré, dans le cas de titrisation de crédit hypothécaire par des institutions financières (mortgage-backed securitization ou MBS) que cette pratique pouvait conduire à une moins bonne sélection des emprunteurs ou à des obstacles à la renégociation en cas de difficultés. L’article que nous présentons ce mois[1] se montre lui très positif concernant la titrisation d’actifs non hypothécaires (asset-backed securitization ou ABS) par des entités non financières. L’ABS permet en effet de réduire les coûts de financement, ce qui se traduit par une rentabilité anormale positive pour les actionnaires sans perte de valeur pour les créanciers.

Les vertus de la titrisation proviennent de la séparation du risque de l’actif titrisé de celui de l’entreprise d’origine. Ceci présente deux avantages. D’une part, si l’entreprise possède un risque de crédit assez élevé, elle n’a peut-être pas accès à tous les types d’investisseurs sur les marchés de la dette, notamment ceux qui ont des restrictions sur les obligations risquées. En isolant des actifs à faible risque dans une entité ad hoc et en faisant porter la dette par cette entité, l’entreprise a accès à davantage d’investisseurs. En cas de marchés de la dette segmentés, ceci peut faire baisser son coût de financement. D’autre part, séparer un actif du reste du bilan réduit les coûts liés au stress financier.

L’étude empirique présentée confirme cet effet positif. Sur un échantillon de 231 entreprises ayant procédé à des titrisations entre 1996 et 2009, la création de valeur pour les actionnaires (mesurée par la rentabilité anormale autour de l’initiation du programme de titrisation) est de 1,09%. Ceci est d’autant plus notable que le recours à d’autres formes de financement externe se traduit généralement par des rentabilités anormales négatives.

Une autre conséquence, négative celle-ci, de l’ABS peut être une augmentation du risque de l’entreprise. La dette issue de l’ABS a naturellement priorité sur l’actif titrisé en cas de défaut. Puisque les actifs titrisés sont le plus souvent des actifs à risque modéré, il est possible que les créanciers de l’entreprise voient le risque de la dette augmenter et se retrouvent perdant en cas d’impossibilité de renégocier. Dans ce cas, une partie de la valeur obtenue par les actionnaires proviendrait indirectement d’un transfert de la part des créanciers. Les auteurs rejettent cette possibilité pour l’échantillon étudié. La rentabilité anormale pour les détenteurs d’obligations autour de la date d’initiation est très proche de zéro (- 0,03 %). Et il n’y a pas de dégradation significative de la notation de crédit dans les 90 jours suivants.

Les auteurs étudient par ailleurs les caractéristiques des entreprises qui ont recours à cette technique de l’ABS. En termes de notation de crédit, ils constatent que les entreprises affichant une note moyenne (BBB) ont 50% de plus de chance d’initier un programme d’ABS que les entreprises notées A. Typiquement, les entreprises très bien notées recourent peu à l’ABS. Elles ont déjà accès à l’ensemble des investisseurs ; les avantages de cette technique sont pour elles limités. De même, les entreprises très mal notées n’utilisent pas l’ABS, mais pour d’autres raisons. Leurs créanciers craignent la sortie d’actifs du bilan et posent des contraintes dans les contrats de prêt. En outre, les entreprises qui procèdent à la titrisation d’actifs ont tendance à être plus grandes et à posséder plus de comptes de créances à recouvrir (type d’actif souvent titrisé).

En matière de titrisation, beaucoup a été dit concernant la MBS. L’intérêt de cet article est de porter un regard particulier (et positif) sur l’ABS, dont les avantages semblent supérieurs aux inconvénients.

 

[1] M.LEMMON, L.X.LIU, M.Q.MAO et G.NINI (2014), Securitization and capital structure in nonfinancial firms : an empirical investigation, Journal of Finance, vol.69, n°4, pages 1787 à 1825

 



Q&R : Qu'est-ce que les transferts de charges ?

Il s'agit de pures écritures comptables propres aux normes françaises que l'on ne retrouve pas dans les comptes IFRS. 


Les entreprises enregistrent parfois en charges des éléments qui n'en sont pas, soit qu'ils servent à la création d'une immobilisation de l'entreprise pour elle-même, soit qu'ils aient été acquittés pour le compte de tiers. De même, les entreprises ne sont pas toujours capables de préciser au moment de leur inscription le caractère (courant, financier, exceptionnel) de certaines charges. 
En fin d'exercice, des charges seront transférées d'un poste du compte de résultat à un autre poste de ce compte par l'intermédiaire du poste « transfert de charges ». Celui-ci se décompose en trois catégories : transfert de charges d'exploitation ; transfert de charges financières ;
 transfert de charges exceptionnelles.


Les charges peuvent également être transférées à un poste du bilan et notamment en immobilisations (coût des immobilisations produites par l'entreprise), en créances sur des tiers (pour les charges supportées pour compte de tiers), en compte de régularisation pour les charges à répartir sur plusieurs exercices. 


Lorsque les transferts de charges ne sont pas rattachés aux comptes concernés, les soldes présentés ne sont pas homogènes. Ce point est fondamental. En effet, il est très facile de modifier la physionomie d'un compte de résultat et le résultat net, en procédant à des transferts de charges importants. 
Cependant, l'affectation à un compte particulier n'est pas toujours possible. Les transferts de charges concernent parfois plusieurs postes, comme par exemple la refacturation d'une quote-part de frais généraux (charges de personnel, autres services externes...). L'efficacité des techniques d'analyse financière devient alors très réduite. Si les montants sont importants, nous conseillons de se rapprocher de l'entreprise pour comprendre les choix comptables effectués. En comptes consolidés, le rattachement des transferts de charges aux comptes concernés est déjà réalisé dans la plupart des cas.



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Autre : NOS LECTEURS ECRIVENT : Gestion du risque de taux en zone euro, l'expérience japonaise

par Antoine Jacquemin responsable du Market Risk Advisory clients corporate à la Société Générale

 

Depuis la crise financière les taux d’intérêt n’ont cessé de baisser en zone euro, la mise en place récente de la politique d’assouplissement quantitatif de la BCE ayant poussé les taux d’intérêt court terme et long terme sur des niveaux historiquement bas.

Au-delà des débats macroéconomiques, le parallèle avec la situation japonaise de ces 20 dernières années apporte un éclairage intéressant pour les trésoriers d’entreprise, permettant d’identifier les trends de politiques de gestion ainsi que la dynamique de la courbe des taux dans un environnement de taux 0.

La baisse des taux d’intérêt euro depuis la crise financière peut se comparer à celle des taux japonais dans les années 90.

Le « scenario japonais » se caractérise par un indice Libor inférieur à 1% et évoluant en dessous de 0.50bp pendant une période prolongée. Le taux de swap 10 ans évaluant lui en dessous de 2.00%, principalement dans un range 1.00% - 1.50% avec des pics proches de 2% et en dessous de 0.70%.

7 ans après le début de la crise financière, les taux euro sont plus bas que les taux japonais ne l’étaient 7 ans après le cycle débuté en 1990.

 Taux d’intérêt court terme EUR et JPY

T= 01/01/90 pour le Libor JPY et T=  01/01/08 pour l’Euribor

Taux d’intérêt long terme EUR et JPY

T= 01/01/90 pour le swap 10 ans JPY et T=  01/01/08 pour le swap 10 ans EUR

 

Cela s’explique bien entendu par des différences macroéconomiques entre les périodes et les zones économiques, mais aussi par des niveaux de départ très différents (régime d’inflation et de croissance économiques très basse puis négative pendant plus d’une décennie au japon, chômage structurellement plus élevé en Europe,..) .

Au-delà de ces aspects macroéconomiques, l’expérience japonaise permet d’analyser comment les entreprises locales endettées en JPY ont géré le risque de taux JPY  pendant cette longue période de taux durablement bas et de faible volatilité.

Comment se sont adaptées les entreprises japonaises ?

Le premier constat est qu’il n’y a pas de réponse universelle ! Même après plus de 20 ans de taux d’intérêt structurellement bas, nous observons toujours différentes politiques de gestion et différents ratios de taux fixe / taux variable.

Cela reflète une politique de gestion des risques propre à chaque entreprise, qui très souvent ne fait pas intervenir de considérations liées aux niveaux de marché et aux anticipations.

Il est important de préciser que l’analyse se fait après la prise en compte des swaps de taux d’intérêt mis en place pour convertir la dette à taux variable en dette à taux fixe et vice versa. Ainsi la position de chaque entreprise n’est pas simplement le reflet de son accès au marché du crédit (dette bancaire à taux variable vs. dette obligataire à taux fixe) mais bien le résultat d’une politique de gestion qui permet de rééquilibrer la sensibilité au risque de taux afin d’arriver au niveau cible choisi par l’entreprise.

Ainsi nous observons aujourd’hui au Japon une plus grande proportion de dette à taux variable dans les entreprises cycliques, alors que les secteurs plus défensifs ont tendance à favoriser la dette à taux fixe. Cela est cohérent avec la pratique des grandes entreprises de la zone euro sur leur dette en euro.

Ratio taux fixe / variable moyen pour un échantillon d’entreprises japonaises cycliques

Ratio taux fixe / variable moyen pour un échantillon d’entreprises japonaises défensives

Par ailleurs durant cette longue période de taux durablement bas, les entreprises japonaises cycliques ont eu tendance à augmenter leur dette à taux variable tandis que les défensives ont plutôt augmenté leur part de dette à taux fixe.

En effet, même dans le scenarios japonais de taux durablement bas, les taux longs ont eu tendance à fluctuer générant ainsi des fenêtres de marché favorables à un rebalancement à taux variable et d’autres plus propices à la mise en place de stratégies de taux fixe.

A quel moment intervenir si les taux restent « bas » ?

Pour apprécier le timing de ce type de rebalancement il est nécessaire d’analyser le cout de portage lie à ce type de stratégie. Il est mesuré par l’impact immédiat enregistré par l’entreprise sur la première échéance d’intérêt.  Il correspond à la pente de la courbe, c'est-à-dire à la différence entre le taux court terme (par exemple Libor 6 mois) et le taux long terme (par exemple le swap 10 ans). Dans un scenario « classique » de courbe pentue, le taux 10 ans est supérieur au taux 6 mois. Ainsi l’entreprise qui passe de taux variable à taux fixe enregistre un cout immédiat, pour un gain potentiel futur si les taux courts venaient à monter ; alors que passer d’un taux fixe à un taux variable génère un abaissement immédiat des charges financières, contre  un risque de hausse future si le Libor venait à monter.

 

Taux courts, taux longs et cout de portage en JPY

Depuis le 01/01/90

La dynamique de la baisse des taux s’est d’abord traduite par une augmentation du cout de portage (les taux courts baissant plus vite que les taux longs) avant de voir celui-ci baisser fortement des lors que les taux courts avaient atteint un niveau proche de 0%.

Sur les 25 dernières années, la médiane du taux 10 ans japonais est de 1.75%. Dans les scenarios de taux bas (10 ans en dessous de 1.75%), le cout de portage a évolué 1/3 du temps entre 110bp et 65bp, 1/3 du temps en-dessous de 65bp et le dernier tiers au-dessus de 110bp.

Ces niveaux permettent de donner des indications de timing de marché pour ajuster le portefeuille de taux fixe / variable dans un environnement de taux durablement bas.

Ainsi pour les entreprises cherchant à augmenter le taux variable, il est plus optimal d’intervenir lorsque le portage est à un niveau élevé (donc au-dessus de 110bp à 10 ans dans le scenario japonais) ; alors que les entreprises souhaitant rebalancer vers du taux fixe ont plus intérêt à viser un cout de portage faible (typiquement en dessous de 65bp).

 

Cout de portage en JPY et en EUR

T= 01/01/90 pour le JPY et T=  01/01/08pour l’EUR

En EUR, les mouvements récents de taux long terme (baisse continue depuis plus d’un an, puis vive remontée lors des 2 derniers mois) mettent également en avant le caractère volatile des taux long terme même lorsque les taux court terme restent sur des niveaux proches de 0.

 

Taux courts, taux longs et cout de portage en EUR

Sur le 2 dernières années

Ainsi, même dans un contexte de taux bas, l’évolution du cout de portage fait apparaitre des opportunités de marché pour ajuster le ratio taux fixe / taux variable.

Le rebond récent des taux courts en zone euro peut donc constituer une fenêtre de marché intéressante pour les trésoriers souhaitant augmenter la part de taux variable. En effet, les couts de portage à 5 ans et 10 ans atteignent désormais des niveaux « élevés » par rapport au benchmark japonais.

Il appartient à chaque trésorier de définir la politique la plus pertinente pour l’entreprise en prenant notamment en compte le secteur et l’environnent de l’entreprise, la situation de trésorerie, la génération de cash et la dynamique de l’activité, les ratios de crédit, etc… Ensuite l’analyse des niveaux de marché, dans un contexte de taux bas proche des taux japonais, permet d’optimiser le timing du rebalancement.



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