La Lettre n°126 de Octobre 2014

Actualités : Faits marquants de l'actualité financière 2014

A l'occasion de la sortie du Vernimmen 2015, nous avons donné une conférence sur ce thème dont le contenu est disponible en cliquant ici.



Actualités : Orchestra, ou une procédure d'expertise pris en défaut (I)

Commençons par une devinette. Quel multiple d’excédent brut d’exploitation (dernier exercice clos) utiliseriez-vous pour évaluer une entreprise en vue d’une expropriation légale (retrait obligatoire pour une société cotée en bourse[1]) ?

Pour vous aider, précisons qu’il s’agit d’une entreprise du secteur de la distribution textile pour enfant et de la puériculture, en très forte croissance puisque son chiffre d’affaires est passé de 40 M€ en 2001 à 459 M€ en 2013 (soit + 23 % par an)  et son EBE de – 5 M€ en 2001 à + 38 M€ en 2013. 35% des ventes sont réalisés hors de France grâce à une présence dans 50 pays. Le plan d’affaires sur les 5 prochaines années prévoit une croissance des ventes et de l’EBE de 14% par an ; les résultats du premier trimestre sont parfaitement en ligne. Sans surprise la BPI l’a identifiée parmi 640 autres ETI en la qualifiant de champion caché.

Pour continuer à vous aider, précisons que le multiple d’EBE médian des sociétés cotées qui ont quitté la bourse depuis janvier 2013 par la procédure du retrait obligatoire a été de 8,6x, avec des extrêmes de 6,4x et de 15,2x. Enfin Argos Soditic a observé un multiple moyen de 7,8x pour les cessions de PME européennes valant entre 15 et 150 M€[2].

Quel serait votre multiple d’EBE pour évaluer cette société, étant précisé que la croissance attendue sur les cinq prochaines années est de 14% par an. En cliquant ici, vous pouvez voir la réponse d’autres lecteurs et visiteurs du site vernimmen.net.

Entre avril et juillet 2014, un présentateur et deux experts indépendants ont estimé que 4,4x était un multiple équitable pour exproprier des actionnaires minoritaires d’une des plus belles ETI françaises, 4,4x, vous avez bien lu, soit un tiers de moins que le plus bas multiple enregistré sur des retraits obligatoires et un peu plus que la moitié du multiple observé sur les cessions de contrôle d’ETI européennes.

Comment cela est-il possible ?

Cette question peut être divisée en deux parties :

1/ Comment fait-on techniquement pour évaluer une société de croissance à seulement 4,4 fois le dernier EBE publié ?

2/ Comment des experts indépendants peuvent-ils attester l’équité d’une expropriation à un tel prix ?

Avant de répondre à ces deux questions, quelques éléments de contexte. A la fin des années 2000, la société en question, qui s’appelle Orchestra, réoriente son positionnement des petits magasins en centre-ville vers des magasins beaucoup plus grands en périphérie, crée une carte de fidélité qui, moyennant un paiement de 30 € par an, offre une réduction permanente de 50% sur les magasins, et élargit son offre à la puériculture. Le résultat de cette stratégie audacieuse et judicieuse est une accélération de la croissance et un effet de levier considérable sur les marges : entre 2010 et 2013, les ventes croissent de 37 % par an et l’EBE de 50 % par an.

La famille créatrice et animatrice d’Orchestra, aux compétences et performances managériales remarquables, réalise que le marché boursier n’a pas encore intégré dans le cours de l’action les résultats de cette stratégie. Aussi monte-t-elle au capital avec pour objectif ultime d’en prendre 100 %. En 2011, une OPA à 6 € par action lui permet de passer de 26 % à 46 % ; en 2013 une OPRA[3] à 12 € à laquelle elle n’a pas participé la fait monter de 46 % à 57 % ; des achats dans le marché, des rachats d’actions par Orchestra elle-même et une mise en concert portent enfin sa détention début 2014 à 96 %. Mi 2014, un projet d’OPA simplifiée (OPAS) suivi d’un retrait obligatoire (RO) à 40 € devait lui permettre d’atteindre 100 % et de sortir enfin de la Bourse !

Mais, fait rarissime, l’AMF s’est opposé pour des raisons de prix au retrait obligatoire à 40 € et n’a autorisé au cours de l’été que la seule OPAS.

Comment donc fait-on pour évaluer une société de croissance à seulement 4,4 fois l’EBE historique ?

En 2013, l’expert de l’OPRA n’a pas jugé nécessaire de relever et de remettre en cause le fait que le plan d’affaires communiqué par Orchestra pour calculer la valeur actuelle des flux futurs avait été fortement minoré par rapport aux résultats déjà publiés. La marge d’exploitation prévisionnelle, qui devait atteindre 1,5 % du chiffre d’affaires à la fin de l’exercice 2016, «en progression constante sur la durée du plan», était déjà dépassée depuis la publication quelques mois auparavant des résultats du premier semestre 2012 où elle atteignait déjà 2 %, et ceci malgré l’acquisition en cours d’exercice d’une activité déficitaire dont l’équilibre avait été annoncé pour 2013. Pour la totalité de l’exercice 2013, la marge d’exploitation atteindra 3,2 %, soit plus du double du 1,5 % attendu en 2016. Plus de deux fois plus ..., et avec 3 ans d’avance, par rapport à l’étude qui a servi à justifier un prix de 12 €.

Ce n’est donc pas une surprise si, à peine cette OPRA était-elle terminée, que le cours, qui n’avait jamais dépassé 12 €, double en l’espace d’un mois. Dans l’intervalle, Orchestra publie les caractéristiques d’un programme de rachat d’actions[4]  avec un prix de rachat de ses propres titres pouvant aller jusqu’à 60 € (rappelons que le prix attesté équitable par l’expert de l’OPRA était de 12 €). Dès la fin de l’OPRA, Orchestra commence les rachats d’actions sur le marché à 15 €, puis 18,7 € (soit 56 % au-dessus du prix attesté équitable dans l’OPRA), puis 19 €, 25 €, 29 € et jusqu’à 41 € dans les 6 mois qui suivent.

Le présentateur de l’offre de 2014 utilise, pour justifier d’un prix de 40 €, toute une série d’artifices (nous en avons dénombré 18 en tout) dont les principaux sont :

1/ l’augmentation de son estimation du coût du capital pour Orchestra entre 2013 et 2014 (il avait aussi présenté l’OPRA de 2013), alors que chacun sait que les taux d’intérêt et les primes de risque ont baissé sur la période[5]. Pour atteindre cet exploit, le présentateur change opportunément de sources pour la prime de risque, augmente de 50 % (sic) le beta désendetté entre 2013 et 2014 alors que rien dans l’activité de la société ne justifie une hausse de son risque.

2/ l’ajout d’une prime spécifique au coût du capital de 3,5 % contre 1,5 % l’année précédente pour tenir compte du risque de réalisation du plan d’affaires et de l’illiquidité de l’action.

Opposer aux actionnaires minoritaires une prime d’illiquidité dans le cadre d’une expropriation est un contre-sens et un abus manifestes puisque leurs actions vont leur être, qu’ils le veuillent ou non, rachetées en numéraire. Où est l’illiquidité qui justifierait une décote ? C’est comme si pour évaluer un terrain qui doit être exproprié pour la construction d’une autoroute, on lui appliquait une décote sous prétexte que plus personne ne veut l’acheter maintenant que le projet de construction d’une autoroute est connu.

3/ L’utilisation de multiples observés sur des sociétés qui ne croissent plus ou plus guère à l’EBE de Orchestra, alors même que l’EBE d’Orchestra devrait croître en moyenne de 14 % par an sur les 5 prochaines années. Ce faisant, le présentateur fait semblant d’ignorer qu’à niveau de risque identique les multiples des sociétés en faible croissance sont plus petits que ceux des sociétés en forte croissance.

Le premier expert nommé pour l’OPAS-RO de 2014 n’est pas en reste de son côté.

1/ Il se rend bien compte que le taux d’actualisation du présentateur (11,6 %) n’est pas un taux de marché et qu’il doit retenir un taux de marché (8,9 %). Mais ceci aurait pour effet automatique de faire passer la valeur de l’action bien au-delà de 40 €. Pour y remédier, il dévoie le cash-flow fade auquel il recourt[6] en faisant tomber, dès la fin du plan d’affaires, la croissance de l’activité de 14% à 1,5 % par an et en divisant par deux la marge d’exploitation, alors que la théorie et la pratique prévoient une évolution progressive. Le prix est ainsi comprimé sous 40 €.

2/ Quant à l’approche analogique par les multiples boursiers, ce premier expert fait la même erreur que le présentateur en choisissant des entreprises à faible croissance (- 0,8 % pour les ventes et 4,2 % pour l’EBE, contre 14 % par an pour Orchestra) et inclut dans son échantillon une entreprise en perte (ce qui est loin d’être le cas d’Orchestra) afin de faire baisser le multiple moyen et le prix de l’action Orchestra de plus de 20 %.

3/ Il écarte ou ignore les références à des opérations similaires de retrait de cote d’entreprises comparables (Du Pareil Au Même en mars 2008 à 7,2 fois l’EBE ; Camaïeu en 2011 à 6,9 fois). Il est vrai qu’elles le conduiraient à extérioriser des valeurs supérieures à plus de 70 €, soit bien loin du prix proposé par l’initiateur.

L’AMF, sensibilisée sur ce dossier par des courriers d’actionnaires minoritaires, dont ceux de l’un de nous devenu actionnaire d’Orchestra à l’automne 2013, demande à Orchestra de mandater et de payer un autre expert indépendant pour fournir un second avis indépendant.

Ce second expert nommé pour l’OPAS-RO comprend bien qu’il doit prendre pour coût du capital un taux de marché, qu’il ne peut pas utiliser le cash-flow fade de façon aussi peu orthodoxe que son prédécesseur, mais que ce faisant, sur la base du plan d’affaires d’Orchestra, il a de bonnes chances de dépasser 80 € pour une offre à 40 €.

Pour converger avec les vues de l’initiateur qui l’a (indirectement) mandaté et qui attend un avis l’équité à 40 €, il ne lui reste plus alors qu’à . . . modifier le plan d’affaires d’Orchestra ! Et c’est ce qu’il fait en réduisant le taux de croissance annuel de 14%/an à 5%/an et ceci sans aucun contact avec les dirigeants opérationnels d’Orchestra[7]. Ainsi, au lieu de quasiment doubler en 5 ans, les ventes et l’excédent brut d’exploitation ne croissent plus que de 28% en 5 ans ! Pas étonnant dans ces conditions que ce troisième expert indépendant réussisse à comprimer le prix sous 40 €.

Si ce n’est pas la première fois qu’un expert indépendant revoit un plan d’affaires, c’est à notre connaissance la première fois qu’un expert indépendant le revoit à la baisse. Habituellement, l’initiateur a tendance, pour défendre ses intérêts, à être très prudent dans son plan d’affaires, et il arrive que l’expert indépendant y mette le holà en revoyant à la hausse tel ou tel paramètre visiblement trop sous-évalué. Mais c’est la première fois, à notre connaissance, qu’un expert indépendant, dans le cadre d’une expropriation, revoit à la baisse un plan d’affaires.

Quant à l’approche par les multiples, elle n’est mentionnée par ce second expert qu’à titre indicatif ; il est vrai que cette approche aboutit selon lui à des prix compris entre 45 € et 54 €, ce qui lui vaut d’être sacrifiée.

Ce double artifice lui permet de conclure au caractère équitable de l’offre à 40 € qui « préserve les intérêts des actionnaires minoritaires ».

Notons que pendant l’instruction du dossier par l’AMF, Orchestra achète un bloc de titres représentant 1,5 % du capital d’un de ses confrères britanniques sur la base de 9 fois l’EBE (sic). Orchestra annonce aussi vouloir obtenir l’autorisation de racheter ses propres actions jusqu’à un prix de 100 €. On peut être que stupéfait de la conjonction des décisions du conseil d’administration d’Orchestra, où ne sont représentés que les actionnaires majoritaires, contrairement aux recommandations et aux pratiques de place. :

1/ recommander aux minoritaires une offre dont les administrateurs sont les initiateurs, conduisant à une expropriation desdits actionnaires minoritaires à 40 €,

2/ tout en considérant qu’il est dans l’intérêt social de pouvoir racheter les actions de la société jusqu’à un prix de 100 €.

L’AMF a un autre point de vue. Elle autorise l’OPAS, car elle ne peut pas faire autrement. En effet, le prix de 40 € est supérieur à la moyenne des 60 derniers jours de Bourse et aux prix d’achat par l’initiateur sur les 12 derniers mois, soit les deux règles à respecter au cas particulier. L’AMF refuse par contre le retrait obligatoire à 40 € sur le fondement du prix alors même que les expert indépendants concluaient au caractère équitable de ce prix, y compris justement en cas de mise en œuvre d’une procédure de retrait obligatoire : une telle situation est à notre connaissance sans précédent depuis l’entrée en vigueur en droit français de la directive OPA en 2006, mais ce dossier était un tel cas d’école[8] . . . L’initiateur ne fait pas appel de cette décision.

L’OPAS a lieu fin juillet début août. Le marché parle après les experts.

L’OPAS est un échec, seuls 27 % du flottant vient à l’offre.

Nous verrons dans la seconde partie de cet article comment le système français d’appréciation des prix d’offre sur les sociétés cotées a rendu possible l’émission par trois experts indépendants, d’attestations d’équité sur des offres qui n’étaient manifestement pas équitables, tant à nos yeux qu’à ceux du marché. Nous ferons des propositions afin d’éviter à l’avenir que d’autres experts indépendants se retrouvent dans une telle situation.

 

[1] Pour plus de détails sur les retraits obligatoires, voir le chapitre 48 du Vernimmen 2015.

[2] Voir la page 717 du Vernimmen 2015.

[3] Offre Publique de Rachat d’Action, voir chapitre 41 du Vernimmen 2015.

[4] Pour plus de détails sur les rachats d’actions, voir le chapitre 41 du Vernimmen 2015.

[5] Voir pages  436 et 469 du Vernimmen 2015.

[6] Pour les détails, voir le chapitre 35 du Vernimmen 2015.

[7] Paragraphes 6 et 8.1.1 de l’opinion indépendante du second expert contenue dans la note en réponse établie par Orchestra le 24 juillet 2014.

[8] Le lecteur intéressé par l’analyse détaillée des rapports d’évaluation du présentateur et du premier expert de l’OPAS de 2014, les trouvera sur le site vernimmen.net en cliquant ici.

 



Tableau : Les taux d'impôt dans le monde

Nous avons par erreur le mois passé inséré le tableau des taux d’impôt de 2008 et non celui des taux qui s’appliquent en 2014. Nous avons pu corriger cette bévue en cours d’envoi de la Lettre Vernimmen.net, mais bon nombre d’entre vous ont reçu une version 2008 de ce tableau. Nous adressons nos excuses à ceux de nos abonnés concernés et vous prions de trouver ci joint la version 2014 qui était disponible sur notre site et l’appli Vernimmen.

 (Source : KPMG).

Rappelons comme Henri Lagarde l’a très bien montré[1] que ces taux ne sont que des taux faciaux qui, en France, ne recoupe qu’une partie de la fiscalité qui pèse sur l’entreprise.


 

 

[1] Voir La Lettre Vernimmen.net n°110 d’octobre 2012.

 



Recherche : Les déterminants du levier financier des LBOs

avec la collaboration de Simon Gueguen - Enseignant-chercheur à Paris Dauphine

Les prises de décision des directeurs financiers d’entreprises cotées en matière de levier financier sont rares. Parfois, ils procèdent à des augmentations proactives du niveau d’endettement afin de financer de nouveaux projets[1]. Mais ces cas sont exceptionnels ; la plupart du temps, un niveau d’endettement cible en fonction des caractéristiques de l’entreprise est visé[2].

Le cas des fonds de Leveraged Buyout (LBO) est différent : leurs gestionnaires sont amenés à prendre en matière de niveau d’endettement des décisions plus fréquentes que n’importe quel autre acteur du monde des affaires. Pourtant, très peu d’études empiriques jusqu’à présent ont porté sur les déterminants du niveau d’endettement dans les LBOs. L’étude que nous présentons cette semaine[3] apporte un éclairage intéressant sur cette question et montre que ces déterminants ne sont pas les mêmes que pour les sociétés cotées. Le travail empirique porte sur un échantillon de 1157 LBOs (essentiellement américains et européens) entre 1980 et 1998.

Du point de vue théorique, deux grandes visions s’opposent. La première est celle du célèbre théoricien Michael Jensen[4]. Les fonds de private equity sont plus efficaces dans leurs prises de décision que les entreprises cotées, pour des raisons de gouvernance (un actionnariat concentré avec moins de problèmes d’agences, des dirigeants fortement incités à la performance…). Selon cette vision, les choix de structure du capital de ces fonds sont le résultat d’un calcul d’optimisation entre les avantages de la dette (fiscaux notamment) et les coûts liés au risque de stress financier. La structure choisie dépend alors, comme dans le cas des sociétés cotées, de la capacité d’endettement de la cible : secteur, tangibilité des actifs, volatilité des flux de trésorerie. Même dans le cas d’une plus grande efficacité des fonds de private equity, on devrait alors trouver une relation forte entre le levier financier des sociétés sous LBO et celui de sociétés cotées comparables (même secteur, même zone géographique). Ceci n’est pas confirmé par l’étude que nous présentons, qui ne trouve pas de lien statistique entre l’endettement des sociétés cotées et celui des sociétés sous LBO. Il semble que ces dernières suivent leur propre logique.

La seconde vision, plus récente, considère que les fonds de private equity utilisent leur accès privilégié au marché de la dette pour s’endetter au meilleur moment (lorsque la dette est bon marché) et profiter de la différence de coût avec les capitaux propres. Dans ce cas, les déterminants de la structure du capital des cibles ne sont plus à trouver dans les caractéristiques intrinsèques de l’entreprise mais dans les conditions de marché. L’étude appuie cette théorie : la prime de risque sur le marché du crédit[5] apparaît comme le déterminant essentiel du levier financier des sociétés sous LBO.

Si cette seconde vision est supportée par les données de l’étude, une question reste ouverte : celle du lien entre la structure financière choisie et la performance. Il est possible que les gestionnaires de fonds de LBO soient particulièrement performants dans leurs choix de structure financière et utilisent la dette à bon marché pour améliorer la rentabilité de leurs fonds. Dans ce cas, la performance des fonds devrait être supérieure lorsque le levier financier est plus élevé.

Mais des problèmes d’agence spécifiques peuvent subvenir : l’incitation à la performance conjuguée à une responsabilité limitée en cas de perte peut inciter les gestionnaires de fonds de LBO à prendre trop de risques[6]. Dans ce cas, le marché de la dette peut jouer un rôle disciplinaire. Lorsque ce marché est facile et que les taux sont faibles, la discipline ne fonctionne plus et les fonds de LBOs ont tendance à surinvestir et à payer les cibles trop cher. Sur l’échantillon étudié, les auteurs trouvent en effet que lorsque le levier financier est élevé, le prix payé pour la cible augmente et surtout la performance du fonds diminue. Ceci est contraire aux prédictions de Modigliani Miller ainsi qu’aux observations empiriques sur les sociétés cotées.

Si l’on synthétise, les auteurs soutiennent empiriquement que :

  • La structure financière des LBOs ne dépend pas des caractéristiques de la cible mais de la situation sur le marché de la dette ;
  • Les gestionnaires de fonds de LBO utilisent les périodes où la dette est bon marché pour surinvestir et surpayer les cibles, en raison d’un problème d’agence.

Il est sûrement trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur la structure financière des LBOs, d’autres études empiriques sont à attendre. Mais il semble avéré que, par leur mode de gouvernance, ces fonds effectuent des choix de structure financière différents de ceux des sociétés cotées.

 

[1] Voir La Lettre Vernimmen.net n° 117 de septembre 2013.

[2] Voir le chapitre 39 du Vernimmen 2015.

[3] U.AXELSON, T.JENKINSON, P.STROMBERG et M.S.WEISBACH (2013), Borrow cheap, buy high? The determinants of leverage and pricing in Buyouts, Journal of Finance, vol.68, pages 2223 à 2267

[4] M. JENSEN (1989), Eclipse of the public corporation, Harvard Business Review

[5] Mesurée comme l’écart entre le Merrill Lynch High-Yield index et le U.S. LIBOR.

[6] Cette théorie est développée par les mêmes U.AXELSON, P.STROMBERG et M.S.WEISBACH (2009), Why are buyouts levered ? The financial structure of private equity firms, Journal of Finance, vol.64, pages 1549 à 1582.

 



Q&R : Comment prendre en compte le risque client en matière de choix d'investissement ?

Dans le cas général, le sujet est traité par des provisions annuelles de x % des ventes au titre des clients qui ne paient pas in fine ce qu’ils doivent. Dans une analyse financière comme dans une actualisation des flux de trésorerie, ces provisions nettes des reprises des provisions devenues sans objet viennent en déduction du chiffre d'affaires.

Dans le cas rare où l’entreprise envisage un investissement pour lequel elle n’aura qu’un seul client (énergie, mine, partenariat public-privé par exemple), le traitement par une provision statistique ne vaut plus, car soit le client fait défaillance, soit il paie ; une situation intermédiaire est peu probable.

Il nous paraît alors nécessaire d’ajuster le taux de rentabilité requis de ce projet d’investissement, c’est-à-dire de son coût du capital, d’une prime de risque représentant, par exemple, l’écart entre le coût de l’endettement de ce client et le coût d’endettement d’une entreprise présentant un degré normal de solvabilité (notation de BBB+). Cette prime pourrait être réduite s’il s’avérait aisé de remplacer un client unique défaillant.



Autre : Les formations Vernimmen

Vous avez nombreux à nous demander d’organiser à votre attention des formations sur tel ou tel point de finance d’entreprise. Compte tenu de nos activités professionnelles, il nous est difficile de faire plus dans ce domaine que ce que nous faisons actuellement même si les progrès technologiques nous aident à accroitre notre productivité : les podcats de nos cours à HEC sont sur les versions en ligne et iPad du Vernimmen, MOOCs.

 

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C’est ainsi que nous avons choisi :

 

  • Benoît Rousseau, Directeur de la trésorerie de Bel pour traiter des la gestion de la trésorerie et des risques
  • Marc Vermeulen, managing director BNP Paribas pour traiter des LBOs,
  • Michel Fleuriet, ex responsable parisien de Merrill Lynch et HSBC sur l’ingénierie financière,
  • Franck Bancel, professeur de finance d’entreprise reconnu pour traiter des choix de financement d’investissements,
  • Et Ambroise Laurent sur le thème de la mutation financière à l’œuvre depuis 2008 et ses conséquences pour les entreprises.

 

Petits groupes (une douzaine de personnes) pour un meilleur suivi personnalisé, dans le centre de Paris pour accessibilité aisée et la distribution de la dernière édition du Vernimmen sont au menu de chacune de ces formations.

 

Pour les découvrir et vous inscrire, cliquer ici.

 

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