Laila Benchemsi, Directrice de BMCE Capital Markets.

En tant que femme ayant réussi dans le domaine de la finance, pouvez-vous nous présenter votre parcours ainsi que le métier que vous exercez ?
Comment est née cette vocation ?
Avez-vous rencontré des difficultés pour votre orientation ou au contraire avez-vous été soutenue ?
Plus tard, avez-vous rencontré des difficultés liées au genre dans votre évolution professionnelle ?

Concernant ma formation, j'ai suivi une classe préparatoire scientifique puis j'ai intégré l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Au terme de la première année de tronc commun, je me suis orientée vers la filière Economie, Gestion et Finance et j'ai suivi en parallèle le Master "Probabilités & Finance" (ex-DEA El Karoui, à l'Université Paris VI) pour compléter ma formation d'ingénieur. J'ai toujours été passionnée par la finance et particulièrement la finance de marché. L'univers des salles des marchés me fascinait … A vrai dire j'ai toujours eu une appétence pour les chiffres et les mathématiques depuis que j'étais petite. Les stages que j'ai effectués ont confirmé mon intérêt pour la finance de marché et m'ont permis d'intégrer un desk de Trading du Crédit Lyonnais. En 2003 j'ai décidé de rentrer au Maroc, mon pays d'origine. J'ai rejoint le groupe BMCE Bank en tant que Trader. Par la suite, j'ai occupé différents postes avant d'être nommée Directrice de la salle des marchés. Je n'ai pas rencontré de difficultés dans mon évolution professionnelle, au contraire j'ai été soutenue par mes managers qui ont cru en moi, malgré le fait que ce soit un domaine réservé aux hommes. J'ai pu trouver ma place dans cet environnement masculin, les mentalités évoluent et la présence des filles en première ligne des métiers de la finance est de plus en plus acceptée et appréciée.

Est-ce difficile d'articuler vie de femme, vie de famille, et vie de financière ? Comment vous organisez-vous ? Quel est votre secret pour tout mener de front ?

C'est difficile en effet. Car l'organisation domestique incombe surtout aux femmes qui doivent concilier entre leur vie de famille et leurs obligations professionnelles. Personnellement c'était difficile pour moi au début mais avec le temps j'ai appris à m'organiser et à déléguer.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour exercer dans ce domaine ?

Pour travailler dans une salle des marchés, il faut de la rigueur, pouvoir assimiler des données et prendre des décisions rapidement. C'est aussi un secteur qui bouge beaucoup, donc il faut savoir s'adapter et être réactif aux changements.

Quelles sont les femmes ayant pu vous servir de modèles (ou success stories) qui vous ont inspirée au cours de votre parcours ?

A vrai dire je n'ai pas été inspirée dans mon parcours par un modèle féminin en particulier, car c'est un milieu très masculin, mais si je dois citer une femme dans la finance, je citerai Christine Lagarde.

Aujourd'hui, les femmes représentent 15 % des effectifs des directrices financières en France (sur la base d'une étude Vernimmen 2017 sur le genre des directeurs financiers des sociétés du SBF 120). Qu'est-ce qui, selon vous, explique ce chiffre ? Comment pourrions-nous le faire augmenter ?

En général, les femmes ont beaucoup de difficultés à accéder aux fonctions clés, en particulier dans le domaine de la finance, à cause des préjugés qui laissent penser que ces métiers sont typiquement masculins. Heureusement, les mentalités sont en train d'évoluer et les femmes sont de plus en plus acceptées et même recherchées pour des postes historiquement attribués aux hommes. Cependant, il existe toujours des embuches sur le chemin des femmes dans le domaine de la finance, et s'imposer en tant que fille reste encore un obstacle à surmonter...
Pour corriger cette sous-représentation des femmes aux postes clés de la finance, il faudrait à mon avis imposer des quotas, seules des contraintes légales fermes peuvent réduire ces inégalités.

Quel(s) conseil(s) pouvez-vous apporter pour inciter les femmes des générations Z et K à se lancer dans la finance ?

Pour les jeunes femmes, je dirais que l'essentiel est d'écouter ses passions, d'être attentif à ce qui nous épanouit et de persévérer, quoi qu'il arrive. Il est vrai que le milieu de la finance est réputé être un environnement machiste et difficile d'accès, mais au final ce sont les compétences qui comptent et le travail consciencieux finit toujours par payer.