La Lettre n°85 de Mars 2010

Actualités : Investissement dans les PME et avantage fiscal

Les FCPI (fonds communs de placement dans l’innovation) existent depuis 1997. En 12,5 ans plus de 5 Md€ ont été levés au travers de FCPI, et 50% de ce montant a été investis dans des PME innovantes (1).

Les FIP (fonds d’investissement de proximité) sont des véhicules du même type, créés en 2003 avec une vocation de financement régional des PME.

Les fonds investis dans un FIP ou un FCPI doivent être conservés pendant une durée de 5 ans pour bénéficier des avantages fiscaux. L’investisseur peut déduire le quart des montants investis dans des FCPI ou FIP de son impôt sur le revenu (2). FCPI et FIP peuvent également (s’ils respectent certains critères d’investissement plus stricts) donner lieu à une réduction d’ISF. La réduction d’ISF est alors égale à 50% des sommes investies dans les PME éligibles (entre 60% et 70% des fonds levés), le reste (30% à 40% de l’investissement donc) ouvre droit à réduction d’impôt sur le revenu.
Une réduction d’ISF est également offerte à un investisseur investissant directement dans une PME. La réduction d’ISF atteint alors 75% des montants investis.

En 2009, plus de 450 M€ ont été investis dans des véhicules (FCPI, FIP, Holdings PME) permettant de générer une économie d’ISF.

L’avantage fiscal est maximal dans le cas de l’investissement direct dans une PME. Ainsi, tant que la valeur de l’investissement ne chute pas plus de 25% par an, l’investissement offrira un TRI positif ; en imaginant que l’investissement soit revendu au bout de 5 ans pour 100% de l’investissement initial, le TRI passe à 32%.

Bien évidemment, ces rentabilités rémunèrent le risque pris par l’investisseur et l’illiquidité du placement. En effet, la période minimale de détention est de 5 ans, mais rien ne garantit que l’investissement devienne liquide après cette période.

L’avantage fiscal pour un investissement dans les FCPI et FIP est également significatif. Ainsi, pour un investissement de 100€ dans un fonds investi pour 70% dans des PME éligibles, la réduction d’impôt sera de 42,5€ (3). Le TRI de l’investissement deviendra positif à partir du moment où les parts sont cédées au bout de 5 ans pour plus de 57,5€, soit une rentabilité annuelle, hors avantage fiscal, de -10,5%.

Si l’investissement se fait dans le cadre d’une économie d’IR (imputation de 25% du montant investi sur le revenu imposable), le bilan financier est sensiblement moins attractif.

L’avantage fiscal pour l’investisseur peut également être considéré du point de vue de la PME financée au travers de ce type de dispositif. Il s’agit alors d’une « économie » de coût du capital, ou autrement dit d’une plus faible rentabilité requise par les investisseurs. Ainsi prenons le cas d’une start-up financée en direct par des investisseurs bénéficiant d’une réduction d’ISF. Si les investisseurs ne font que récupérer leur mise après 5 ans, ils seront néanmoins ravis car leur TRI aura été de 32% rémunérant confortablement le risque pris. Le coût des capitaux propres pour la start-up est donc nul (voire négatif !). Il en est de même pour le coût du capital, la jeune pousse ne se finançant généralement que par capitaux propres. D’ailleurs à ce prix des capitaux propres, pourquoi aller chercher de la dette qui coûtera beaucoup plus cher !, sans parler de la meilleure adéquation comme source de financement des capitaux propres aux cash flows hautement aléatoires d’une start-up. Au global, le coût du capital est réduit de 32 points grâce à l’avantage fiscal.

Il est vraisemblable que l’entreprise grossissant, trouver suffisamment d’investisseurs en direct deviendra plus compliqué. Des fonds du type FCPI prendront alors le relais, le coût des capitaux propres augmentera alors sensiblement, car comme nous l’avons vu, l’avantage fiscal ne viendra plus diminuer le coût du capital que d’environ 11 points, et, si l’on tient compte des frais de gestion du fonds, l’avantage net pour l’entreprise sera plus proche de 8% (généralement environ 3,5% par an des fonds gérés).

A qui bénéficie l’avantage fiscal ?

A priori au souscripteur puisqu’il peut ainsi réduire son impôt. Cela est vrai en apparence. Mais en réalité, les souscripteurs sont tellement contents de réduire leur impôt, surtout l’inique ISF, qu’ils en oublient presque de regarder les conditions financières qui leur sont proposées.

Nous avons vu à coté de quelques dossiers solidement bâtis et argumentés, beaucoup d’autres où le prix de souscription est complètement inflaté et sans aucun rapport avec la réalité financière. Une idée qui n’a pas commencé à être testée sera vendue sur la base d’un multiple des capitaux propres à faire pâlir d’envie Google, Facebook ou Twitter. Et ceci d’autant plus facilement qu’on adresse à ses amis ou à sa famille … à la sensibilité financière de ce fait émoussée.

Autrement dit, l’avantage fiscal bénéficie surtout aux promoteurs du projet qui sont dilués dans des conditions financières sympathiques, c'est-à-dire beaucoup moins fortement que s’il n’y avait pas ces avantages fiscaux.

La mission confiée à l’Inspection Générale des Finances sur la rémunération des intermédiaires financiers des FCPI, FIP, Holdings ISF PME montre que ceux-ci s’approprient une part non négligeable de l’économie d’impôt : environ 1/3 dans le cas d’un fonds ISF, et 2/3 dans le cas d’un fonds IR). Il est vrai que ces fonds apportent une réelle valeur ajoutée en termes de détection, d’analyse des opportunités d’investissement et de diversification possible. Les investissements étant nécessairement de taille unitaire modeste, voire très modeste, le coût de traitement des dossiers est nécessairement élevé.
Le risque de ce type de mécanisme est toujours de sortir les PME de la sphère financière et d’entretenir des sociétés qui ne créeront pas de valeur et donc d’aboutir à des gâchis. Pour les sociétés en bénéficiant, la levée de fonds à des conditions réelles de marché peut représenter un choc, tout comme la cession des parts par le FCPI à un investisseur ayant un « vrai » coût du capital puisque l’avantage fiscal ne porte que sur le marché primaire et non le marché secondaire.

Mais force est de constater que ce mécanisme permet une collecte efficace de fonds (environ 50 000 personnes ont souscrit à ce type d’investissement) et il est certain que sans la carotte fiscale l’investissement dans les PME non cotées ne génèrerait pas le même intérêt. En cela, la loi TEPA est une vraie réussite pour créer un marché des capitaux propres pour les PME.  

Intéresser un large spectre d’investisseurs particuliers à une classe d’actif présentant un des niveaux de risque le plus élevé est une tache complexe et la carotte fiscale est certainement un des seuls moyens de le faire. On en viendrait presque à souhaiter le maintien de l’ISF, un vrai paradoxe !
(1) Les FCPI doivent investir dans les 2 ans de leur création au moins 60% des fonds levés, le reste peut être investi librement (et généralement placé sur le marché monétaire).
(2) Dans la limite d’une déduction d’IRPP de 3 000 € (6 000 € pour un couple).
(3) 70%x50%=35% au titre de l’ISF et 30%x25% au titre de l’IRPP.


Tableau : Les primes de contrôle depuis 2000

Les primes de contrôle payées pour prendre le contrôle d’entreprises cotées en bourse ne sont pas constantes au cours du temps et seuls les naïfs croient que l’on peut acheter par cher le contrôle d’un groupe en période de cours bas.

Le graphique ci-dessous montre que les primes les plus élevées ont été enregistrées lorsque les cours étaient à la cave (2008-2009).

Le mois passé Kraft a dû payer une prime de 49 % pour emporter le contrôle de Cadbury. Comme le disent les anglais : The proof is in the chocolate box!


Recherche : Action à droits de vote pluriels et efficacité des dirigeants

Depuis un fameux article publié en 1932 par A. Berle et G. Means (1), les problèmes liés à la séparation entre le pouvoir de décision dans l’entreprise (détenu par les dirigeants) et les droits de propriété (détenus par les actionnaires) ont fait l’objet d’une littérature abondante. Beaucoup d’auteurs ont tenté d’évaluer les conséquences de cette séparation, en particulier les problèmes d’agence (2) qui en résultent (les intérêts des dirigeants peuvent ne pas être parfaitement alignés avec ceux des actionnaires). D’autres ont proposé des solutions, via des rémunérations incitatives pour les dirigeants, ou d’autres mécanismes favorisant une meilleure gouvernance d’entreprise.

Nous nous intéressons ce mois-ci à un article qui analyse exclusivement les entreprises américaines dont l’actionnariat est divisé en deux classes d’actions (3) (on parle de dual-class companies) (4). Typiquement, une classe inférieure d’actions cotées pour laquelle à chaque action correspond un seul droit de vote, et une classe supérieure non cotée qui dispose de plus d’un droit de vote par action. Les actions de la classe supérieure sont le plus souvent détenues par des dirigeants de l’entreprise.
Les auteurs montrent que, lorsqu’il existe deux classes d’actions, plus l’écart entre les droits au dividende et les droits de vote est élevé, plus les problèmes d’agence entre dirigeants et actionnaires extérieurs sont importants. Leur étude porte sur un échantillon de 503 entreprises cotées aux Etats-Unis entre 1995 et 2002. L’analyse, purement empirique, aboutit aux quatre résultats suivants. Lorsque l’écart entre droit au dividende et droit de vote augmente :


1. Chaque dollar de disponibilités dans l’actif de la firme contribue moins à sa valeur de marché. La présence d’un niveau de disponibilités élevé a un effet positif sur les asymétries d’information (il réduit les risques de renoncer à des investissements profitables  par manque d’accès au crédit), mais négatif sur les problèmes d’agence (les dirigeants ont beaucoup de latitude dans l’utilisation de ces disponibilités). Lorsque le ratio du droit de vote sur le droit au dividende augmente d’un écart-type, la valeur pour l’actionnaire d’un dollar de disponibilité supplémentaire baisse de 8 cents (et peut même devenir inférieure à un dollar).

2. La rémunération totale du chef d’entreprise augmente. Une rémunération excessive du chef d’entreprise est un exemple typique de bénéfice privé pour le dirigeant aux dépends des actionnaires. Les auteurs ont bien entendu pris en compte les autres paramètres traditionnellement associés à une rémunération élevée du chef d’entreprise : taille de l’entreprise, taux d’endettement (en moyenne, la rémunération est moindre dans les entreprises très endettées), secteur d’activité. L’effet de la double classe reste très spectaculaire : le salaire augmente de 1 million de dollar annuel lorsque le ratio augmente d’un écart type.

3. Les acquisitions effectuées créent moins de valeur pour les actionnaires, et sont plus souvent destructrices de valeur. Les dirigeants sont tentés de se construire un empire, ne serait-ce que pour des raisons de prestige. Ils réalisent alors trop d’opérations de croissance externe. Les auteurs montrent que la probabilité de réaliser des acquisitions destructrices de valeur augmente de 6% lorsque le ratio augmente d’un écart type. Ils montrent également que les dirigeants renoncent moins souvent à des acquisitions mal accueillies par les marchés.

4. Les dépenses d’investissement sont elles aussi moins créatrices de valeur, une partie pouvant être effectuée au profit des intérêts privés du chef d’entreprise.

Il n’y a rien de surprenant dans ces résultats qui confirment que l’existence de plusieurs classes d’actions nuit à la création de valeur pour l’actionnaire.  L’article a toutefois le mérite de proposer quatre canaux par lesquels l’écart entre droit de vote et droit au dividende se traduit par une réduction de la valeur de marché d’une firme.
(1) Pour plus de détails sur les problèmes d’agence, voir le chapitre 32 du Vernimmen 2010.
(2) A.A. BERLE et G.C. MEANS, 1932, The modern corporation and private property, Macmillian, New York.
(3) R.W. MASULIS, C. WANG et F. XIE (2009), Agency problems at dual-class companies, Journal of Finance, vol.64, p.1697-1727.
(4)  Ces entreprises représentent environ 8% de la capitalisation boursière américaine.


Q&R : Qu'est-ce qu'une clause d'assimilation ?

Une fois qu’un emprunt est émis, le même émetteur pourra émettre ultérieurement d’autres emprunts qui présenteront les mêmes caractéristiques que le premier (même durée résiduelle, même coupon, même échéancier, même prix de remboursement, mêmes garanties…) de sorte qu’ils pourront lui être assimilés. Au lieu d’avoir plusieurs emprunts, il n’y en aura plus qu’un seul, pour un montant global plus élevé. L’assimilation d’emprunts présente deux avantages :

• réduire les frais de gestion : il n’y a plus qu’un seul emprunt après assimilation ;
• mais surtout augmenter la liquidité et donc la négociabilité de ces emprunts sur le marché secondaire, ce qui permet de diminuer leur coût car les investisseurs sont prêts à demander un taux d’intérêt légèrement inférieur si la liquidité de leurs titres est accrue.

Elle présente toutefois l’inconvénient pour l’émetteur, la plupart des obligations étant remboursables in fine, de concentrer les échéances de remboursement sur une seule date ce qui réduit la flexibilité financière de l’entreprise.

Techniquement, les emprunts assimilables sont émis avec les mêmes caractéristiques que celles de l’emprunt auquel ils s’assimilent ; seul le prix d’émission est différent  afin de s’ajuster aux conditions du moment du marché qui se sont modifiées depuis l’émission du premier emprunt. Parfois le premier coupon versé est différent et le prix d’émission identique ; ce n’est qu’après le détachement de ce premier coupon que les emprunts sont assimilés.


Autre : Actualisation de l'édition électronique du Vernimmen

Les graphiques suivants du Vernimmen ont été actualisés en mars 2010, mis en ligne et à la disposition des abonnés de la version électronique en ligne du Vernimmen disponibles sous www.vernimmenenligne.fr :
• Valeur de quelques actifs financiers depuis 1996
• Bêta des groupes de l’Eurostoxx 50
• Primes de risque en Europe et aux Etat-Unis
• Primes d’illiquidité
• Courbe des taux d’intérêt
• Spreads sur les emprunts obligataires aux Etats-Unis
• Spreads sur les emprunts obligataires en Europe
• Evolution des taux d’intérêt français depuis 1973
• Volume d’échanges sur les bourses mondiales depuis 1990

 

*********** SONDAGE***********

Vous avez été près de 2 000 à répondre à la question de l’évolution de l’activité économique dans les trimestres à venir :
Vote
• en W, avec une rechute rapide 33 %
• en V, avec un rebond fort et rapide 4 %
• en U, avec un rebond fort mais différé 14 %
• en brouette, avec une redémarrage lent 49 %

Ce qui ne fait pas montre d’un grand optimisme.


Le nouveau sondage concerne vos préférences en matière d’endettement.

Préférez-vous un endettement :
• à taux fixe ?
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Pour y participer, cliquez ici.


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