La Lettre n°62 de Février 2008

Actualités : La finance en Afrique

Une situation économique en nette amélioration

Quel que soit l’indicateur économique retenu, l’Afrique va mieux depuis plusieurs années et est la seule zone géographique pour laquelle le FMI prévoit en 2008 une croissance supérieure à2007. Mieux, depuis 2000 l’Afrique a un taux de croissance supérieur àcelui du monde :

Parallèlement, l’inflation est en recul net : de 30 % au milieu des années 1990 à6,6 % en 2007 et 6 % en 2008 selon le FMI (hors le malheureux Zimbabwe) :

Pour la première fois depuis 1990, seuls 4 pays africains devraient avoir une inflation supérieure à 10 % par an en 2008.


Les balances courantes sont, globalement à l’échelle du continent, redevenu positives. Certes la hausse du prix du pétrole aide les pays exportateurs, mais ceux qui n’ont pas de pétrole n’ont plus de déficits très marqués.


La dette extérieure du continent est passée de 60 % du PIB en 1990 à moins de 30 %, aidée par un déficit budgétaire passé de – 2 % à – 11 % au début des années 1990 à – 2 % à + 4 % en 2006 et par des exportations supérieures en valeur de 20 % aux importations, en particulier grâce à la très nette revalorisation des cours des matières premières.


Enfin, les réserves de changes sont passées de quelques 10 MdDTS en 1990 à 150 MdDTS en 2006.


Conséquences ou causes, les troubles politiques sont en baisse constante depuis le début des années 1990 où seulement 12 % des pays africains étaient des démocraties contre 60 % actuellement.


Cela dit, malgré cette amélioration générale, les niveaux de développement classent encore la plupart des pays africains dans les profondeurs du classement du développement humain de l’ONU : 30 pays entre les marges 140 et 177.


Malgré ces avancées, l’Afrique reste sous représentée dans l’économie mondiale : 11,5 % de la population de notre planète et seulement 3,5 % du PIB mondial (mesuré en parité des pouvoirs d’achat).


Parallèlement, les disparités restent fortes sur ce continent : les 4 premiers pays font plus de la moitié du PIB africain et les 9 premiers plus des trois quarts :


Economiquement, l’Afrique peut être divisée en 3 zones :

• l’Afrique du Nord : 41 % du PIB et 17 % de la population ;
• l’Afrique Noire : 31 % du PIB et 78 % de la population ;
• et enfin l’Afrique du Sud : 28 % du PIB et 5 % de la population.


La part de l’Afrique du Sud est progressivement diluée par la montée régulière de l’Afrique du Nord et le rebond depuis 2000 de l’Afrique Noire.


Des marchés boursiers en plein développement


Boursièrement, 7 marchés africains bénéficient d’une réelle activité : Afrique du Sud, Nigéria, Egypte, Maroc, Kenya, Tunisie et Ile Maurice :


Mais la capitalisation boursière de l’Afrique s’explique à 74 % par celle de l’Afrique du Sud :

Ces marchés ont connu des progressions très fortes depuis 2004.

Ces marchés boursiers offrent une très bonne diversification théorique aux investisseurs car ils sont faiblement corrélés entre eux et car ils sont faiblement corrélés au marché action mondial. Toutefois et sans surprise, le cas de l’Afrique du Sud montre que lorsqu’un marché progresse en taille, il perd en capacité de diversification et accroit sa corrélation avec le reste des marchés :

… vu la faible taille de ces marchés :

… l’apport de diversification sans faire flamber les cours est faible.




Les principales entreprises cotées sont, soit des groupes de télécom (Télécom Maroc, Orascom Télécom, …), des banques (Attjari Wafa Bank, Banque de Tunisie, National Bank of Malawi, …), des groupes miniers (Anglogold Ashanti, Anglo American, Iam Gold, …) bénéficiant souvent d’une double cotation à Londres ou en Australie, des groupes agroalimentaires (SAB Miller, East African Breweries, Zambia Sugar, …) et des filiales locales de groupes multinationaux (Lafarge, Barclays, Standard Chartered, Diageo, ..).


Les bourses constituent la partie visible de la finance africaine mais ne concernent qu’une franche limitée de l’économie. A l’autre extrême se trouve la microfinance (1).


Un système bancaire peu profond


Entre les deux se situe en Afrique Noire un système bancaire peu développé : les crédits alloués au secteur privé représentent en 2006, selon le FMI, 16 % du PIB pour les pays de l’Ouest Africain (UEMOA), 6 % pour ceux de l’Afrique Centrale (CEMAC) contre 84 % en Afrique du Sud (107 % dans les pays développés). La situation est bien différente en Afrique du Nord où certains pays ont un système bancaire développé (Maroc, Egypte) et en Afrique du Sud.


Dans la zone Franc, deux tiers des crédits sont à moins d’un an. En Ouganda, seul 0,5 % des dépôts à terme ont une échéance supérieure à 1 an. Les Etats de l’Afrique Subsaharienne ont une dette dont la maturité moyenne est de 231 jours contre 5,5 ans pour les pays développés. Parallèlement, les banques sont sur-liquides puisque les dépôts en Afrique de l’Ouest représentaient, en 2006, 111 % des crédits au secteur privé et 171 % en Afrique Centrale, et ce malgré un taux de bancarisation dans cette zone de seulement 5 %.


Il en résulte que, selon la Banque Mondiale, 42 % des entreprises de l’Afrique Noire employant moins de 25 personnes n’ont pas accès aux crédits bancaires, et qu’elles sont encore 28 % à être dans ce cas lorsqu’elles ont entre 26 et 100 salariés.


Elles sont les victimes de droits de propriété mal définis (prise de garanties difficiles et longues à mettre en œuvre), d’un système comptable complexe qui pousse à rester dans le secteur informel, de l’insuffisance de cabinets comptables compétents et crédibles, de l’inexistence des centrales de risques. L’asymétrie d’informations pousse à l’autofinancement contraint et forcé.


* * *


Si René Dumont avait publié en 1966 un ouvrage titré « L’Afrique noire est mal partie », qui avait connu une large audience, il nous semble qu’aujourd’hui on pourrait titrer sur « Le nouveau départ de l’Afrique ».


Les progrès fait sur ce continent, l’intérêt qu’il suscite (le groupe financier russe Renaissance vient de lever un fonds de 500 M$ pour y investir, la banque chinoise ICBC va investir 5,5 Md$ dans la banque Standard Bank, …) portent à l’optimisme, même si la route du développement est nécessairement longue et non linéaire.
(1) Pour plus de détails, voir la Lettre Vernimmen.net n°53 de décembre 2006.




Tableau : Taux d'impôt en France

La contribution sociale sur les bénéfices de 3,3 % reste applicable en 2008 (cette dernière est calculée sur l’IS diminué d’un abattement de 763.000 euros). Les taux d’impôt en France pour 2008 seront de :


(1) 15 % sur les premiers 38 120 € de bénéfice imposable ;
(2) 33,1/3 % sur la fraction d’IS inférieur ou égale à 763 000 € ;
(3) 16.5%, 15 % ou 1.66% sur la fraction d’IS inférieure ou égale à 763 000 € ;


(a) Sociétés dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 7,630 M€ et dont le capital, entièrement libéré, doit être détenu pour au moins 75 % par des personnes physiques (ou des sociétés qui satisfont aux conditions).


(b) Régime des plus-values et moins-values à long terme :


Sont exonérés sauf application d’une quote-part de frais et charges de 5%, les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans qui revêtent ce caractère au plan comptable ainsi que ceux considérés comme tels par la loi fiscale : (i) titres ouvrant droit au régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du CGI si inscription à une subdivision spéciale d’un compte de bilan correspondant à leur classification comptable (ii) actions acquises en exécution d’une OPA ou OPE par l’entreprise initiatrice.
 
Sont imposables au taux réduit de 15% (15,49% si contribution sociale de 3,3% applicable) les produits nets de concession de brevets, d’inventions brevetables ou de procédés de fabrication ainsi que les plus-values y afférentes (extension aux cessions de brevets, d’inventions brevetables ou procédés de fabrication applicables au titre des exercices ouverts à compter du 26 septembre 2007 et au titre des exercices clos à compter de cette même date). Sont aussi concernées les plus-values de cession de parts de FCPR et d’actions de SCR lorsque ces titres sont détenus depuis plus de 5 ans (avec, sous certaines conditions, application de l’exonération avec quote-part de frais et charges de 5%). 


En revanche, sont désormais taxables au taux de droit commun, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées par une société relevant de l’IS à compter du 26 septembre 2007 (exception : taxation à 16,5% si cession des titres au profit de certaines sociétés immobilières telles que les SIIC ou de certains organismes publics (société d’économie mixte, HLM)).


La cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées est imposée à un taux spécifique de 16,5% (17,04% si contribution sociale de 3,3% applicable) dès lors qu’ils sont détenus depuis au moins 2 ans et considérés comme des titres de participation au plan comptable ou considérés comme tels au plan fiscal pour les exercices ouverts à compter du 31/12/2007.


(c) Participation au moins de 5 % en droits de vote et capital, titres détenus sous forme nominative, concerne aussi les titres dépourvus de droit de vote (actions de préférence) si la société mère détient globalement au titre de cette participation au moins 5% du capital et des droits de vote de la société émettrice. 


(d) Pour les titres ou parts de sociétés soumises à l’IS acquis à partir du 1er janvier 2006, la plus-value de cession à titre onéreux est diminuée d’un tiers par année de détention des titres au-delà de la 5ème année de leur détention (soit en pratique à partir de 2011) : exonération d’imposition sur le revenu pour les actions acquises à partir du 1er janvier 2006 et détenues pendant 8 ans, soit en pratique exonération totale pour les cessions intervenues à compter de 2014 (mais pas d’exonération des contributions sociales de 11%).


(e) Les prélèvements sociaux sur ces produits sont prélevés à la source, au lieu d’une imposition établie par l’administration l’année suivant celle de l’encaissement du    revenu (sauf titres détenus dans un PEA).




Recherche : Pourquoi les entreprises émettent-elles des capitaux propres ?

La question peut sembler basique, et pourtant aucune réponse théorique n’est encore totalement satisfaisante.


Selon la théorie la plus traditionnelle, l’endettement aurait pour inconvénients les coûts liés au risque de faillite et les conflits possibles entre actionnaires et créanciers, et pour avantage une réduction d’impôts (puisque les intérêts de la dette se déduisent du bénéfice imposable). Les entreprises choisiraient entre l’endettement et l’émission d’actions pour parvenir au taux d’endettement optimal. Si cela était juste, en cas de hausse de la valeur des actions, les entreprises opteraient pour l’endettement afin de maintenir un taux d’endettement optimum : ceci va à l’encontre de toutes les études empiriques qui montrent exactement l’inverse.


Depuis 1984 et l’article de Myers et Majluf (1) , une théorie alternative a été développée : celle du pecking order (2). Cette théorie se focalise sur les asymétries d’information entre le dirigeant et les investisseurs. L’endettement serait toujours préférable à l’émission d’actions, qui serait un phénomène rare réservé aux périodes de tension sur les marchés. Là encore, cette théorie a été contredite par des études empiriques récentes (3).
Actuellement, c’est donc une troisième théorie qui est privilégiée : celle de timing hypothesis. Les entreprises choisiraient d’émettre des actions lorsque ces dernières sont surévaluées, pour se financer à moindre coût (4). Cette théorie suppose une irrationalité des investisseurs, incapables de percevoir la surévaluation.


Deux auteurs américains proposent aujourd’hui une autre théorie (5), qui fait l’économie de cette hypothèse d’irrationalité. Cet article part de l’hypothèse que les dirigeants agissent dans l’intérêt des actionnaires. L’émission de dette est coûteuse, puisque les créanciers peuvent estimer que leurs intérêts sont en contradiction avec les projets d’investissement du dirigeant et imposer des contraintes : covenants (1), nantissement, ...

Selon les auteurs, l’émission d’actions a lieu lorsque le prix des actions est élevé et que les anticipations des investisseurs sur les projets à financer sont alignées sur celles du dirigeant. Leur étude empirique porte sur près de 8 000 émissions sur le marché américain entre 1993 et 2002. Elle montre que les entreprises choisissent d’émettre des actions lorsque les bénéfices par action de l’entreprise sont supérieurs aux prévisions (ce qui conduit les investisseurs à accepter les nouveaux projets des dirigeants). Ainsi, les entreprises en situation de valorisation élevée et d’alignement des anticipations sont 4 fois plus nombreuses à émettre des actions qu’à s’endetter, alors que les entreprises dans la situation inverse sont 2 fois plus nombreuses à s’endetter.


Un autre argument avancé par les auteurs pour soutenir leur théorie est que les dépenses d’investissement des entreprises augmentent beaucoup plus souvent à la suite d’une augmentation de capital qu’à la suite d’un endettement nouveau. Ceci est conforme à l’idée d’une émission d’actions pour le financement de projets, alors que le timing hypothesis ne permettait pas de le prévoir.


Finalement, c’est bien une nouvelle explication que nous proposent ces auteurs sur les motivations de l’émission d’actions. Le modèle théorique proposé, du fait de ses nombreuses hypothèses très fortes (absence totale de conflit entre dirigeant et actionnaires, information parfaite et rationalité parfaite des investisseurs), ne convaincra pas forcément, mais l’étude empirique ouvre de nouvelles pistes et démontre que ce thème pourrait encore donner lieu à de nombreux travaux et, souhaitons-le à des découvertes.
(1) S. Myers et N. Majluf (1984), Corporate Financing and Investment Decisions When Firms Have Information That Investors Do Not Have, Journal of Financial Economics, n°13.
(2) Pour plus de details, voir le chapitre 35 du Vernimmen.
(3) Voir notamment l’article de Fama et French (2005), Financing Decisions : Who Issues Stock?, Journal of Financial Economics n° 76.
(4) Pour plus de details, voir le chapitre 37 du Vernimmen.
(5) A. Dittmar et A. Thakor (2007), Why Do Firms Issue Equity ?, Journal of Finance, n°62.


Q&R : L'opinion de viabilité

Inspiré de la pratique américaine de Solvency opinion ou de Capital adequacy opinion, l’opinion de viabilité a un objectif plus large que de mesurer la solvabilité d’une entreprise. En effet, en français la solvabilité traduit l’aptitude de l’entreprise à faire face à ses engagements en cas de liquidation, c’est-à-dire d’arrêt de l’exploitation et de mise en vente des actifs. Une entreprise peut donc être considérée comme insolvable dès lors que ses capitaux propres sont négatifs : elle doit en effet plus qu’elle ne possède.


Comme le souligne Jean-Florent Rérolle dans un article (1) auquel nous renvoyons notre lecteur qui voudrait approfondir cette notion, l’opinion de viabilité s’attache à une perspective dynamique de l’entreprise et non seulement à une mesure à la date d’échéance de ses dettes.


L’opinion de viabilité est sollicitée en générale par un conseil d’administration qui souhaite avoir une opinion professionnelle et indépendante de la viabilité financière d’une entreprise avant d’approuver une opération majeure conduisant à la décapitaliser : versement d’un important dividende exceptionnel, réalisation d’une réduction du capital massive par voie d’OPRA (2), fusion avec une société à la situation financière précaire.


Le plus souvent, l’émission d’une opinion de viabilité intervient lors de l’examen d’un projet de debt push down (3), comme celui par exemple qui a vu les Pages Jaunes verser un dividende exceptionnel de 2,5 Md€ à ses actionnaires faisant plonger ses capitaux propres à – 2 Md€.


Dans le cadre de cette mission, le Tribunal de Commerce de Paris avait missionner deux experts afin « d’apprécier (i) le caractère acceptable pour la structure financière de la société (…) d’une distribution exceptionnelle de réserves financières par endettement (…) (ii) les conséquences de la distribution envisagée sur le niveau des capitaux propres de la société (…) ; de se prononcer sur l’adéquation entre la structure d’endettement après la distribution exceptionnelle et les perspectives de développement envisagées par la société (…) et reflétées dans son plan d’affaires. »


Aux Etats-Unis, où les choses sont souvent beaucoup plus formalisées, la pratique, que rappelle Jean-Florent Rérolle dans son article déjà cité, mobilise trois tests :


• le test de bilan (Balance Sheet Test) : la valeur de l’actif économique de l’entreprise est-elle supérieure à celle de ses dettes ?


• le test de cash flow (Cash Flow Test) : l’entreprise peut-elle honorer ses dettes aux échéances prévues contractuellement ?


• le test du caractère raisonnable de la structure financière (Reasonable Capital Test) : l’entreprise a-t-elle des capitaux propres suffisants compte tenu de son activité ?


Le premier parait assez formel car on imagine mal des prêteurs disposés à prêter à une entreprise plus que la valeur de son actif économique, à moins d’être totalement incompétents ou d’être fous furieux. Malheureusement, comme l’épisode des subprimes vient de nous le rappeler, ce cas de figure ne peut pas être totalement écarté !


Les deux suivants sont plus logiques et leur réalisation s’appuie sur le plan d’affaires de l’entreprise, dont la solidité est testée par des études de sensibilité et par l’analyse des lignes de crédit dont dispose l’entreprise, ainsi que des actifs pouvant être cédés sans trop de difficultés au cours du plan.
(1) Revue Bimestrielle Lexisnexis Juriclasseur – Janvier-Février 2007.
(2) Pour plus de détails, voir le chapitre 42 du Vernimmen 2005.
(3) Voir la Lettre Vernimmen.net de décembre 2007. 




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