La Lettre n°54 de Janvier 2007

Actualités : L'analyse financière des entreprises chinoises cotées

1 421 entreprises chinoises étaient cotées en décembre 2006 sur les bourses de Shanghai et de Shenzhen. En enlevant les entreprises capitalisant moins de 100 M$ (281), celles des secteurs bancaires, d’assurance et d’immobilier (159), on aboutit à 981 entreprises pour lesquelles des comptes audités sont disponibles (à titre de comparaison, il y a 8 528 entreprises cotées en Europe). Elles représentent les deux tiers de la capitalisation boursière de Shanghai et de Shenzhen, soit environ 450 Md€, ce qui correspondant à la capitalisation boursière cumulée des 5 premières capitalisation françaises.
Nous leur avons appliqué la méthodologie d’analyse financière habituelle (1). Leurs comptes agrégés sont disponibles sur demande par la boite à lettre du site www.vernimmen.net.
Création de richesses
Le chiffre d’affaires cumulé des entreprises chinoises de l’échantillon est de 362 Md€ en 2005, soit l’équivalent du chiffre d’affaires des 10 premières capitalisations boursières françaises non financières.
Les entreprises chinoise cotées font apparaître un très grande diversité de taille : les 20 % les plus grandes font 76 % du chiffre d’affaires, 72 % du résultat d’exploitation et regroupent 53 % des salariés avec des chiffres moyens de : 1,4 Md€, 85 M€ et de 11 320 personnes respectivement.
A l’inverse, les 20 % les plus petites font 1,4 % du chiffre d’affaires, 1,4 % du résultat d’exploitation et regroupent 4,8 % des effectifs globaux avec des chiffres moyens de : 26 M€, 1,6 M€ et 1 015 personnes respectivement.
Leur chiffre d’affaires montre finalement une assez bonne répartition sectorielle même si le secteur des matières premières représente (encore) 19 % de l’activité cumulée :

Sans surprise, le niveau de croissance de l’activité a été fort depuis 2002 : + 28 % / an. Cette croissance est essentiellement en volume car sur le même période l’inflation chinoise a été de l’ordre de 2 %. Ce qui veut dire que ces entreprises cotées croissent en volume 2,5 fois plus vite que l’économie chinoise qui s’est « contentée » d’un taux de croissance en volume de 10 % environ par an depuis 2002.
Cette forte croissance ne s’est pas accompagnée d’une progression parallèle des marges puisque la hausse des matières premières n’a pas été répercutée intégralement sur les clients (peut être pour notre plus grand profit de consommateurs européens !) :
En effet, le résultat d’exploitation passe de 7,9 % du chiffre d’affaires 2002 à 6,4 % en 2005 malgré un effet point mort (2) qui joue bien au niveau des frais administratifs. A titre de comparaison, cette marge d’exploitation était de 9,4 % en 2005 sur un échantillon de 1 372 groupes cotés européens (hors banque, assurance et immobilier).
Ceci malgré une amélioration de la productivité par salarié assez impressionnante : le chiffre d’affaires par employé a en effet progressé de 78 % de 49 000 € en 2002 à 87 200 € en 2005. Alors que sur la période, le chiffre d’affaires a cru de 28 % / an, les effectifs ne se sont accrus que de 6 % / an à 4,2 millions de personnes en 2005.

Investissements

Sans surprise, compte tenu du fort taux de croissance de l’activité, les investissements représentent entre 2,5 et 3 fois la dotation aux amortissements, si bien que les immobilisations nettes représentent les 2/3 des immobilisations brutes contre 50 % pour l’échantillon européen. Est-ce la preuve d’un outil industriel plus efficace que l’européen ou le résultat d’une politique de surinvestissement ?
Financement

Compte tenu de la forte croissance et d’une rentabilité somme toute médiocre comme on le verra dans un instant, les entreprises chinoises de notre échantillon ont dégagé depuis 2003 un flux de trésorerie disponible après frais financiers systématiquement négatif, majoritairement couvert par endettement :

Ainsi la structure financière des entreprises chinoises cotées se modifie-t-elle rapidement : le rapport endettement bancaire et financier net sur les capitaux propres est passé de 30 % en 2002 à 47 % en 2005, et le rapport endettement bancaire et financier net / EBE a grimpé sur la même période de 1,7 à 2,2. Ce ratio dont le niveau n’est normalement pas inquiétant (3) à 2,2 l’est beaucoup plus au cas particulier puisque ces entreprises ne génèrent pas de cash-flows disponibles et ne peuvent donc rembourser leurs dettes qu’en coupant dans leurs investissements ou en s’endettant à nouveau, sauf à réaliser des augmentations de capital que leur niveau élevé de valorisation rendraient peu douloureuses aux actionnaires. A titre de comparaison, le ratio est de 1,5 pour l’échantillon européen qui dégage des flux de trésorerie disponibles positifs.
Rentabilité
Avec une rentabilité économique (après impôt) de 5 à 6 %, les sociétés chinoises cotées gagnent largement moins que leur coût de capital estimé à 10 % (en yuan) et à peu près autant que le taux de l’argent sans risque. A titre de comparaison, les entreprises européennes cotées ont eu une rentabilité économique de 9,5 % après impôt en 2005, soit 2,5 % de plus que leur coût du capital moyen.
Plus précisément, seulement 13 % des entreprises chinoises cotées gagnent en 2005 plus que leur coût du capital. Cependant, certaines gagnent beaucoup plus puisque le taux de rentabilité économique du premier quintile est de 18 % alors que dans le dernier quintile il est de – 7 %, en recul de 2 points par rapport à 2003. De façon assez classique, les plus grandes entreprises chinoises ont de meilleures rentabilités puisque le chiffre d’affaires moyen du premier quintile des rentabilités est le double de celui des trois derniers quintile.
Compte tenu de l’effet de levier, et avec un coût de la dette nette de 6 % avant impôt, le taux de rentabilité des capitaux propres est de l’ordre de 9 à 10 %. Mais que l’on nous pardonne de dire qu’il n’y a pas de quoi écrire à sa tante puisque le taux de rentabilité exigé par les actionnaires est de l’ordre de 11 % sur la base d’un taux de l’argent sans risque de 5,2 % et d’une prime de risque de 6 %. A titre de comparaison, en 2005, les sociétés européennes ont presque atteint le 15 % mythique (4) : 14,5 %.
Conclusion
Avec des entreprises en forte croissance, à faible rentabilité mais très bien valorisées en bourse (PBR moyen de 2,3), la situation chinoise actuelle n’est pas sans rappeler celle de l’Europe du début des années 1970 : des outils industriels sont construits et des parts de marché sont gagnées sans grande préoccupation de la rentabilité dégagée. La principale différence est macro-économique : l’inflation est sous contrôle contrairement à la situation européenne d’alors où la qualité des profits était dégradée par la présence de profits d’inflation (5). Dès lors, les entreprises chinoises ne bénéficient ni de taux d’intérêt réels négatifs ni de l’allègement du poids de l’endettement que l’inflation croissante des années 1970 en Europe avait entrainés.
Le niveau d’endettement commence à être, globalement, inquiétant car les flux de trésorerie disponibles après frais financiers sont fortement négatifs. Faible rentabilité (et surinvestissement ?) en sont responsables. Des directeurs financiers chinois seraient bien inspirés de profiter des actuelles bonnes disponibilités du marché boursier chinois : le PER 2005 des 981 entreprises étudiées est de 28,6 et 23,5 pour le multiple du résultat d’exploitation ; le niveau des cours a progressé de 130 % en 2006 sur la bourse de Shanghai :
Elles rendent peu coûteuses les augmentations de capital (6). Il est vrai que le taux d’épargne chinois est spectaculaire (45 % du PIB 2005) même si le système financier, encore peu sophistiqué, n’est pas un atout pour drainer l’épargne vers les actions.
Le taux moyen de distribution des dividendes (légèrement supérieur à 20 %) fait clairement apparaître un problème de gouvernance d’entreprise entre des managers soucieux de contenir leur niveau d’endettement et des actionnaires qui devraient normalement exiger un taux de distribution plus élevé compte tenu d’une rentabilité marginale faible, stable et inférieure à la rentabilité exigée. Il est vrai qu’un PBR moyen de 2,3 rend actuellement le problème indolore puisque le réinvestissement d’un Yuan se traduit par une progression de la valeur de 2,3 Yuans quand même bien que ce Yuan est réinvesti à un taux inférieur au coût du capital !
Mais ce PBR n’est soutenable que si les rentabilités s’améliorent nettement. Les managers chinois ont donc du pain (des canards laqués ?) sur la planche et une obligation de résultat ! A défaut, les niveaux actuels de valorisation ne paraissent pas justifiés.
Avec nos vifs remerciements à Nicolas Chaine pour ses longs travaux de compilation des données.
(1) Pour plus de détails sur cette méthodologie, voir le chapitre 10 du Vernimmen.
(2) Pour plus de détails sur l’effet point mort, voir le chapitre 12 du Vernimmen.
(3) Pour plus de détails, voir le chapitre 14 du Vernimmen.
(4)
 Pour plus de détails, voir le chapitre 15 du Vernimmen.
(5) Pour plus de détails, voir le chapitre 17 du Vernimmen.
(6) Pour plus de détails, voir le chapitre 43 du Vernimmen.



Tableau : Le taux d'impôt en France

La contribution sociale sur les bénéfices de 3,3 % reste applicable en 2007 (cette dernière est calculée sur l’IS diminué d’un abattement de 763.000 euros). Les taux d’impôt en France pour 2007 seront de :

(1) 15 % sur les premiers 38 120 € de bénéfice imposable.
(2) 33,1/3 % sur la fraction d’IS inférieur ou égale à 763 000 €.
(3) 15 % ou 1.66% sur la fraction d’IS inférieure ou égale à 763 000 €.
(a) Sociétés dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 7,630 M€ et dont le capital, entièrement libéré, doit être détenu pour au moins 75 % par des personnes physiques (ou des sociétés qui satisfont aux conditions).
(b) 15% sur les cessions de titres détenus depuis au moins 2 ans de sociétés à prépondérance immobilière, parts de FCPR ou actions de sociétés de capital-risque. Sont désormais exclus de ce taux réduit les titres dont le prix de revient est au moins égal à 22,8M€ et représentant une participation inférieure à 5% du capital. Ils seront soumis au taux d’IS de droit commun. L’exonération (avec quote-part de frais et charges de 5%) concerne les titres détenus depuis au moins 2 ans qui revêtent le caractère de titres de participation au plan comptable, les actions acquises d’une OPA ou OPE par l’entreprise qui en est l’initiatrice, ainsi que les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères.
(c) Participation au moins de 5 % en droits de vote et capital, titres détenus sous forme nominative. La Loi de finances rectificative pour 2005 étend le régime aux titres dépourvus de droit de vote (actions de préférence) si la société mère détient globalement au titre de cette participation au moins 5% du capital et des droits de vote de la société émettrice.
 
(d) Pour les titres ou parts de sociétés soumises à l’IS acquis à partir du 1er janvier 2006, la plus-value de cession à titre onéreux est diminuée d’un tiers par année de détention des titres au-delà de la 5ème année de leur détention (soit en pratique à partir de 2011) ; exonération totale du prélèvement de 16 % pour les actions acquises à partir du 1er janvier 2006 et détenues pendant 8 ans (loi de finances rectificative pour 2005) soit en pratique exonération totale pour les cessions intervenues à compter de 2014.


Recherche : Les clients actionnaires des fournisseurs

Les relations entre un client et son fournisseur peuvent prendre des formes plus ou moins étroites, de la simple transaction de marché à l’intégration verticale. Trois chercheurs américains (1) ont étudié empiriquement les facteurs déterminant la détention par le client d’une participation dans le capital de son fournisseur. Leurs résultats valident empiriquement les principales explications fournies par la théorie financière.
Globalement, la détention par une entreprise d’une participation dans le capital de son fournisseur est relativement rare : elle ne concerne que 3,31% des relations commerciales de l’échantillon. Trois caractéristiques encouragent une telle participation : la spécificité des investissements, l’intensité des relations commerciales et le besoin de financement du fournisseur.
Père de la théorie des coûts de transaction, O. Williamson (2) explique que le degré d’intégration du fournisseur par un client dépend notamment de la spécificité des investissements : si le fournisseur engage des investissements dont le résultat n’a de valeur que pour l’un de ses clients, ce dernier a intérêt à en être le propriétaire pour fournir les meilleures incitations. Pour vérifier cette hypothèse, les auteurs s’intéressent aux fournisseurs de produits riches en recherche et développement souvent très spécifiques. Leur travail économétrique montre que l’intégration est près de trois fois plus fréquente pour les fournisseurs de R&D que pour les autres.
La deuxième variable explicative est l’intensité des relations entre l’entreprise et son fournisseur. Sans surprise, la prise de participation est plus fréquente lorsque l’entreprise cliente représente la plus grande partie du chiffre d’affaires du fournisseur. Plus intéressant, la présence d’un accord commercial formalisé par un contrat à long terme est aussi favorable à la prise de participation : ces deux modes de coordination seraient donc plus complémentaires que substituables.
Le troisième élément est le besoin de financement externe du fournisseur. Les auteurs constatent que la prise de participation est plus fréquente lorsque le fournisseur fait apparaître  des flux de trésorerie disponibles (3) négatifs, c’est-à-dire que leur activité ne suffit pas à couvrir le coût des financements externes. Un bon exemple est le soutien apporté par Ford à l’équipementier Visteon dont il est devenu actionnaire, via des BSA, pour le sauver de la faillite, alors même que Ford s’était totalement séparé de Visteon quelques années auparavant via une scission.
Enfin, cette étude montre que si ces trois facteurs augmentent l’occurrence d’une prise de participation du client dans le capital du fournisseur, ils n’augmentent pas significativement la taille de cette participation. Autrement dit, la simple présence du client dans l’actionnariat du fournisseur suffit à assurer une bonne coordination des investissements, alors qu’une prise de participation excessive peut faire apparaître d’autres problèmes de gouvernance.

(1) C.E. Fee, C.J. Hadlock et S. Thomas, 2006, Corporate Equity Ownersip and the Governance of Product Market Relationships, Journal of Finance, vol.61/1
(2) O. Williamson, 1975, Market and Hierarchies : Analysis and Antitrust Implications, The Free Press, New York
(3) Pour plus de détails sur les flux de trésorerie disponibles, voir le chapitre 2 du Vernimmen.


Q&R : Petit QCM (suite et fin)

Nous avons réalisé le questionnaire du jeu concours de Financium, le symposium des dirigeants finance gestion qui s’est déroulé les 12 et 13 décembre 2006. Nous soumettons à la sagacité de nos lecteurs les 15 dernières questions, les quinze premières questions ayant été publiées avec la Lettre Vernimmen.net de décembre 2006. Les réponses sont données à la fin du qcm.
16.Le coût moyen pondéré du capital d’une entreprise diversifiée :
- est le même pour toute les divisions ;
- est propre à chaque division et à chaque zone géographique ;
- est le même quelque soit la zone géographique.
17. Une augmentation de la part de la dette dans le financement de l’entreprise :
- réduit le coût des capitaux propres ;
- augmente le point mort total de l’entreprise ;
- abaisse le coefficient béta de ses actions.
18. Une entreprise est d’autant plus sensible à une variation de conjoncture :
- qu’elle est loin de son point mort ;
- que la part des coûts fixes est élevée ;
- qu’elle est faiblement endettée.
19. Qui a dit « on ne gâte jamais assez les actionnaires » ?
- John D. Rockfeller ;
- Albert Frère ;
- Claude Bébéar.
20. Quelle est l’action la plus volatile ?
- Alcatel ;
- Altadis ;
- BNP Paribas.
21. DFCG signifie :
- Association Nationale des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion ;
- Dette Financière Contre Garantie ;
- Direction Fiscale et du Contrôle Général.
22. La courbe des taux en France est actuellement :
- relativement plate ;
- plutôt pentue et croissante ;
- plutôt pentue et décroissante.
23. DPO signifie :
- Dividende Par Obligation ;
- Direction Par Objectif ;
- Dette Prioritaire Obligataire.
24. L’intégration verticale d’une entreprise dans son secteur :
- n’a aucun impact sur son besoin en fonds de roulement ;
- réduit son besoin en fonds de roulement ;
- augmente son besoin en fonds de roulement par rapport au chiffre d’affaires.
25. Un emprunt qui prévoit un taux d’intérêt annuel de 6 % versé à chaque trimestre échu a un taux actuariel de :
- 6 % ;
- 6, 14 % ;
- 6, 66 %.
26. La duration d’une obligation est :
- égale à sa sensibilité ;
- inversement proportionnelle à sa sensibilité ;
- proportionnelle à sa sensibilité.
27. Si au comptant, un euro vaut 1,2700 dollar, si le taux d’intérêt sur le dollar à 3 mois est de 5,30 % et le taux d’intérêt de l’euro à 3 mois est de 3,60 %, alors le taux de change à terme du dollar / euro 3 mois est de :
- 1,2647 ;
- 1,2753;
- 1,2725.
28. Une clause de tag along permet :
- à un prêteur de bénéficier des mêmes garanties que celles accordées à un autre prêteur sur un emprunt ultérieur ;
- à un actionnaire minoritaire de céder ses actions au même prix que l’actionnaire majoritaire ;
- à un actionnaire majoritaire de forcer les actionnaires minoritaires à vendre leurs actions lorsqu’il vend les siennes.
29. La prime de risque du marché actions en Europe est de l’ordre de grandeur de :
- 3 % ;
- 4,5 % ;
- 6 %.
30. Dans un LBO, le second lien est :
- plus risqué que la dette senior ;
- plus risqué que les capitaux propres ;
- n’est jamais utilisé.
Réponses :



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