La Lettre n°140 de Juin 2016

Actualités : Mais quel est donc ce groupe ?

Vous le connaissez bien, en tout cas vous le croyez, puisque vous le côtoyez régulièrement pour la plupart d’entre vous.

Pour l’analyser, nous allons naturellement suivre le plan type d‘une analyse financière, que l’on peut résumer en une phrase : la création de richesses nécessite des investissements qui doivent être financés et être suffisamment rentables[1].

Très diversifié, le chiffre d’affaires de notre  groupe est réparti de manière équilibrée entre différents secteurs d’activité (les plus importants étant la distribution, les services aux collectivité et l’automobile).

Son chiffre d’affaires a connu une forte croissance en 2011 et 2012 (certainement un effet rattrapage suite à la crise majeure de 2009) mais s’érode depuis. Certaines activités sont même en nette régression : en particulier bien sûr l’énergie (pétrole et gaz en baisse de 9 % par an sur 2012-2015, services aux collectivités et notamment électricité en baisse de 5 % par an sur la même période) mais aussi média-télécom (en baisse de 3 % par an). Comme quoi, la déflation est bien une réalité dans certains secteurs. Ce groupe réalisant une part significative de son activité hors de la zone euro, la baisse de cette devise ces dernières années aurait dû l’aider sur ce point. À taux de change constant, cela suggère que la baisse en volume est plus forte que celle affichée.

Les activités en croissance sont bien évidemment la branche technologie mais également la santé et les biens de consommation.

L’évolution de ses marges peut paraître inquiétante : elles sont nettement en baisse depuis 2010 et ce, que l’on étudie la marge d’exploitation ou la marge d’EBE (cette dernière baissant de 15,6 % en 2010 à 13,7 % en 2015).

En cela, elle est inférieure de 2 à 3 points chaque année à celle des plus grands groupes européens (voir le graphique de ce mois dans la rubrique suivante).

Ainsi, en 5 ans, l’excédent brut d’exploitation de notre groupe a perdu 3 % en tombant à 208 et son résultat d’exploitation a chuté de 24 %, passant de 123 à 93, ce qui laisse supposer que les investissements réalisés depuis n’ont pas été (encore ?) très rentables.

Ce groupe investit peu, ainsi les investissements ne sont supérieurs (de 20 %) aux dotations aux amortissements qu’en 2011 ; les autres années, ils leur sont égaux. Notre groupe ne fait donc que renouveler son outil industriel. Peut-être que, étant en mutation, de moins en moins industriel et de plus en plus actif dans les services, une partie de ses investissements passe dans le compte de résultat (frais de développement, frais de marketing). Mais l’évolution du chiffre d’affaires, en recul depuis 2013, rend cette hypothèse peu probable.

Par ailleurs, son besoin en fonds de roulement représente environ 20 % du chiffre d’affaires et reste assez stable, bien que résultant de tendances différentes.

Le poste client, en jours de chiffre d’affaires, décroît régulièrement de 65 à 54 jours. L’encours fournisseurs et les stocks sont stables à 60 et 40 jours de chiffre d’affaires. Par contre, les autres actifs d’exploitation courante sont en hausse sensible sans qu’il soit possible d’avancer une explication.

 Avec un ratio endettement net/EBE oscillant entre 1,7 et 1,9, notre groupe est endetté mais pas de manière inquiétante. En montant absolu, la dette nette a plutôt tendance à légèrement régresser, comme le chiffre d’affaires d’ailleurs. Avec 265 de disponibilités et de valeurs mobilières de placement, qui représentent 15 % des ventes et un peu moins de 30 % de l’endettement bancaire et financier brut, la liquidité de notre groupe est bonne, d’autant que ne sont pas prises ici en compte les lignes de crédit confirmées et non tirées.

Les flux de trésorerie d’exploitation de ce groupe permettent largement d’autofinancer les investissements puisque ces derniers absorbent environ les deux tiers des premiers. Le groupe peut donc verser des dividendes et faire des rachats d’action. Ainsi, le taux de distribution est en moyenne de 73 %, soit sensiblement supérieur à la moyenne européenne, offrant ainsi un rendement élevé (3,6 % en 2015).

Les rentabilités décroissent fortement ; la rentabilité économique passe ainsi de 8,4 % en 2010 à 5,5 % en 2015. Ce n’est clairement pas une bonne performance puisque la rentabilité économique de 2015 est de l’ordre de grandeur du coût du capital (prime de risque du marché action de 7 % et bêta désendetté de 0,8, taux de l’argent sans risque nul).

Cette baisse de la rentabilité économique est entièrement due à la baisse de la marge d’exploitation relevée plus haut de 9 % en 2010 à 6 % en 2015.

Notons néanmoins que les taux d’intérêt à long terme sont passés durant la même période de 3 % à 1 %, ce qui peut expliquer les deux tiers de la baisse du taux de rentabilité économique. Sachant que ce groupe diversifié a un bêta des capitaux propres de 1, son coût des capitaux propres est de l’ordre de 7 %. Dès lors, avec une rentabilité des capitaux propres de 6,6 % en 2015, notre groupe ne crée pas de valeur pour ses actionnaires, ni n’en détruit beaucoup.

À défaut d’aller mieux maintenant, les actionnaires de notre groupe pensent que cela ira mieux demain puisque le PBR est de 1,6.

Alors, avez-vous une idée sur le nom de ce groupe ?

Pour vous aider : il a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 1 513 Md€, fait 53 Md€ de résultat net et a investi 114 Md€. Et tous les chiffres cités précédemment sont en milliard d’euros.

Pas d’idée ?

C’est (malheureusement) l’agrégation des sociétés cotées françaises[2] !

Leurs comptes nous ont été fournis par Infinancials, la société d’informations financières qui nous procure aussi les données financières de 16 000 sociétés cotées dans le monde qui figurent sur la page d’accueil du site vernimmen.net.

Seules les sociétés cotées françaises ont été retenues, ce qui veut dire que des sociétés membres du SBF 120 par exemple, mais non françaises, ne sont pas dans ce périmètre. Probablement excessif pour Airbus et Gemalto dont le centre décisionnel est à Toulouse et Paris malgré un siège juridique aux Pays-Bas, mais justifié pour Nokia, Solvay, LafargeHolcim, ArcelorMittal, etc. Les sociétés financières (banques et assurances) ont été exclues.

Maintenant que nous savons qui est notre groupe mystère, nous pouvons entrer dans quelques détails.

Apprécié en chiffre d’affaires et non en nombre, 45 % des groupes français cotés connaissent une baisse de leurs ventes entre 2010 et 2015, soit parce qu’ils se restructurent (Vivendi, Carrefour, Engie, Véolia, Alstom) et cèdent des actifs, soit parce qu’ils subissent une déflation sectorielle (Orange qui perd 6 Md€ de ventes et 11 % de son chiffre d’affaires, – 8 Md€ pour Total). À l’inverse, d’autres groupes ayant fait des acquisitions voient leurs ventes croître très fortement (Numéricable, Atos, Schneider), même si pour certains cette évolution est temporaire, compte tenu des cessions réalisées récemment, annoncées ou probable (Casino, EDF). D’autres sont sur des marchés porteurs (LVMH, L’Oréal, Safran, Sanofi) ou bénéficient de rattrapage et de conquêtes asiatiques (Faurecia, Valeo).

La baisse des marges d’exploitation de 9 % à 6 % des ventes (pour un résultat d’exploitation de 93 Md€ en 2015) s’explique en particulier par 10 groupes dont le résultat d’exploitation 2015 est plus faible d’au moins un milliard d’euros par rapport à celui de 2010  et qui perdent, à eux 10, 44 Md€ de résultat d’exploitation ! Principalement parce qu’ils sont dans des secteurs entrés en déflation : Total (– 16 Md€), Engie (– 12 Md€), Orange (– 2,4 Md€), EDF (– 2 Md€), Vallourec et Eramet (1,5 Md€ chacun). De l‘autre côté, il n’y a que 5 groupes qui ont accru de 2010 à 2015 leur résultat d’exploitation de plus d’un milliard d’euros : L’Oréal, LVMH, Thalès et Safran bien gérés et sur des secteurs porteurs, et Alcatel bien redressé (+ 1,2 Md€). Mais à eux cinq, ils n’enregistrent que 8,5 Md€ de résultat d’exploitation supplémentaire, à comparer aux 44 Md€ perdus vus plus haut.

Côté rentabilité, en 2015, seuls 59 % des entreprises cotées françaises couvraient le coût de leurs capitaux propres (7 %) ; sans surprise, elles avaient alors dans 86 % des cas un PBR supérieur à l’unité. À l’inverse, les 41 % d’entre elles qui ne couvraient pas le coût de leurs capitaux propres, avaient à 42 % un PBR inférieur à un. Autrement dit, les investisseurs pensaient que 17 % des entreprises cotées françaises (41 % x 42 %) ne créeraient pas de valeur dans les années à venir.

On pourrait penser que, si on éliminait de ces données, le secteur de l’énergie (représenté principalement par Total, Engie, Edf, et Areva), on obtiendrait une vue plus flatteuse.

En fait, ce n’est que partiellement vrai.

Certes la décroissance des ventes entre 2012 et 2015 de 1 % l’an ferait place à  une croissance de 1 % par an ; les marges d’exploitation au lieu de baisser de 9 à 6 % n’enregistreraient qu’un recul de 0,7 % à 7,5 %.

Mais le ratio endettement net / EBE serait marginalement plus élevé à 2,1 contre 1,9. Les rentabilités économiques et les rentabilités des capitaux propres 2015 seraient respectivement de 5,1 % et 6 %, contre 5,5 % et 6,6 %. Autrement dit les groupes d ‘énergie, sur ce critère, tirent plutôt vers le haut l’économie française.

L’économie française cotée, ainsi privée de 23 % de son chiffre d’affaires et de 15 % de sa capitalisation boursière, serait-elle l’économie française sans Total, Engie, Edf et Areva (et d’autres) ? Nous ne le pensons pas.

[1] Pour plus de détails sur le plan et la méthodologie d’analyse financière type, voir le chapitre 9 du Vernimmen 2016.

[2] Pour être précis, l’agrégation des comptes des 217 groupes cotés dont les comptes étaient disponibles sur Infinancial de manière continue sur la période 2010-2015.

 



Tableau : Marge d'excédent brut d'exploitation des groupes européens cotés

Exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires, elle est beaucoup plus stable que l’on ne pourrait l’anticiper, mais il est vrai qu’elle agrège les performances des  443 plus grands groupes européens probablement parmi les plus efficaces d’Europe, puisque cotés et de grande taille. Par ailleurs, un indice global lisse naturellement les fluctuations individuelles ou propres à tel ou tel secteur.



Recherche : Introductions en bourse et acquisitions d'entreprises non cotées

Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à Paris-Dauphine

La théorie des asymétries d’information appliquée à la finance s’est développée à l’origine sur les relations entre investisseurs et dirigeants. Les dirigeants sont supposés mieux informés sur les entreprises que les investisseurs, les seconds essayant d’extraire de l’information de l’observation des premiers. Plus tard, la recherche en finance a montré que les dirigeants pouvaient eux-mêmes apprendre des investisseurs sur les fondamentaux de l’entreprise et les opportunités d’investissement, par l’observation de l’évolution des cours de bourse. L’article que nous présentons ce mois[1] suggère une autre source d’information : le marché des introductions en bourse. Il montre que les introductions en bourse ont pour effet de faciliter les décisions d’acquisition.

L’idée générale est que les introductions en bourse dans un secteur économique augmentent l’information disponible en signalant l’existence d’opportunités de croissance. Pour mesurer cela, les auteurs utilisent une base de données (sur le marché américain) d’introductions en bourse annoncées entre 1984 et 2011 et d’acquisitions d’entreprises entre 1985 et 2012. L’information contenue dans les introductions en bourse[2] d’une année est utilisée comme variable explicative des caractéristiques des acquisitions de l’année suivante. Les transactions retenues pour la partie « acquisitions » sont celles effectuées par des entreprises cotées, la cible pouvant être cotée (16 % de l’échantillon), non cotée (51 %) ou filiale d’une autre entreprise (33 %). L’article présente trois résultats principaux.

Premièrement, les acquisitions d’entreprises non cotées sont plus probables lorsque le marché des introductions en bourse est informatif. La part des non cotées dans les cibles augmente de 2,1 % lorsque l’information des introductions augmente d’un écart-type. Ceci est cohérent avec l’idée que ce marché apporte de l’information, puisque les acquisitions d’entreprises non cotées sont celles pour lesquelles les asymétries d’information sont les plus fortes. Les dirigeants d’entreprise observent les introductions en bourse sur leur secteur et en retirent des informations qui facilitent les acquisitions de sociétés non cotées dans le même secteur.

Deuxièmement, la performance boursière des acquéreurs d’entreprises non cotées autour de l’annonce de la transaction[3] est plus élevée de 55 points de base lorsque l’information provenant des introductions augmente d’un écart-type. Cet écart n’est pas négligeable car la hausse boursière moyenne pour ces acquéreurs est de l’ordre de 1% seulement. Les acquisitions d’entreprises non cotées ne sont donc pas seulement plus nombreuses : elles sont plus créatrices de valeur pour l’acquéreur.

Troisièmement, la part de paiement en titres dans les acquisitions d’entreprises non cotées augmente avec l’information en provenance des introductions. Ce dernier effet peut être interprété de plusieurs manières, mais les auteurs suggèrent que les actionnaires des cibles tirent eux aussi des informations de ce marché et souhaitent un paiement (partiellement) en titres pour participer à la croissance future.

Une conséquence intéressante de ces résultats concerne le choix des entreprises non cotées de s’introduire ou non en bourse avant d’être acquises. L’argument apporté au débat est le suivant : lorsque les introductions en bourse sont nombreuses dans le secteur, l’information apportée au marché est une externalité positive pour les acquisitions. Et il n’est plus nécessaire d’être coté avant d’être acquis.

[1] N. AKTAS, J.G. COUSIN, A. OZDAKAK et J. ZHANG (2016), « Industry IPOS, growth opportunities, and private target acquisitions », Journal of Corporate Finance, vol. 37, n° C, pages 193-209.

[2] Mesurée soit par la sous-évaluation des sociétés introduites, soit par le montant total des introductions dans le secteur, dans les différents tests empiriques effectués.

[3] Il s’agit du CAR (Cumulative Abnormal Return).

 



Q&R : Qui a dit quoi ?

Depuis l’ouverture du site vernimmen.net en 1998, nous avons collecté plus de 500 citations liées à la finance et à l’économie. Une apparaît chaque jour sur le site.

Pouvez-vous deviner qui a dit :

L'argent, c'est comme le fumier. Vous devez le répandre, sinon il sent.

Investir dans la SICAV Antarctique a été ma plus grosse bêtise... Maintenant mes fonds sont complètement gelés.

Les intérêts composés sont la huitième merveille du monde. Celui qui les comprend le gagne... celui qui ne les comprend pas... les paie.

Les possédants sont possédés par ce qu'ils possèdent.

Un million de dollars ce n'est pas cool. Vous savez ce qui est cool ? Un milliard de dollars.

Tout ce qui a un prix est de peu de valeur.

Contrairement à une perception très largement répandue, les produits dérivés ont fait du monde une place plus sûre et non pas un monde plus dangereux.

Quelle est ma stratégie financière ? Que mes petits-enfants soient fiers de moi.

Il n'y a qu'une raison pour laquelle une action est offerte à un prix bradé : parce que les autres la vendent. Il n'y a pas d'autre raison. Pour obtenir un prix bradé, vous devez regarder là où le public est le plus effrayé et pessimiste.

N'importe quel imbécile peut acheter une société. C'est au moment de la vente que l’on voit si des félicitations sont appropriées.

Ne pas investir maintenant (octobre 2008), ce serait un peu comme garder le sexe pour ses vieux jours.

L’objet de l’entreprise n’est pas seulement la réalisation d’un profit mais son existence même comme une communauté de personnes qui cherchent la satisfaction de leurs besoins de base.

Les suspects sont :

Warren Buffett

Charles de Gaulle

Jean-Louis Dumas

Albert Einstein

Une blague du Financial Times

Jean-Paul II

John Paul Getty

Henry Kravis

Merton Miller

Friedrich Nietzsche

Sean Parker

John Templeton

 

Au cas où vous l’auriez oublié, Jean-Louis Dumas fut président et actionnaire d’Hermès, John Paul Getty fit fortune dans le pétrole, Henry Kravis a cofondé le fonds de LBO KKR, Sean Parker co-fonda Napster et fut l’un des premiers actionnaires de Facebook, et John Templeton fut un investisseur en actions légendaire. Et si vous ne savez pas qui est Merton Miller, relisez les chapitres 36 et 37 du Vernimmen !

 

Réponses :

 

L'argent, c'est comme le fumier. Vous devez le répandre, sinon il sent. John Paul Getty

 

Investir dans la SICAV Antarctique a été ma plus grosse bêtise... Maintenant mes fonds sont complètement gelés. Une blague du Financial Times

 

Les intérêts composés sont la huitième merveille du monde. Celui qui les comprend le gagne... celui qui ne les comprend pas... les paie. Albert Einstein

 

Les possédants sont possédés par ce qu'ils possèdent. Charles de Gaulle

 

Un million de dollars ce n'est pas cool. Vous savez ce qui est cool ? Un milliard de dollars. Sean Parker

 

Tout ce qui a un prix est de peu de valeur. Friedrich Nietzsche

 

Contrairement à une perception très largement répandue, les produits dérivés ont fait du monde une place plus sûre et non pas un monde plus dangereux. Merton Miller

 

Quelle est ma stratégie financière ? Que mes petits-enfants soient fiers de moi. Jean-Louis Dumas

 

Il n'y a qu'une raison pour laquelle une action est offerte à un prix bradé : parce que les autres la vendent. Il n'y a pas d'autre raison. Pour obtenir un prix bradé, vous devez regarder là où le public est le plus effrayé et pessimiste. John Templeton

 

N'importe quel imbécile peut acheter une société. C'est au moment de la vente que l’on voit si des félicitations sont appropriées. Henry Kravis

 

Ne pas investir maintenant (octobre 2008), ce serait un peu comme garder le sexe pour ses vieux jours. Warren Buffett

 

L’objet de l’entreprise n’est pas seulement la réalisation d’un profit mais son existence même comme une communauté de personnes qui cherchent la satisfaction de leurs besoins de base. Jean-Paul II



Autre : L'actualité du régime d'imposition des dividendes entre sociétés à l'is (régime « MÈRE-FILLE ») au 13 juin 2016

Christine Chassaigne-Servey, EM Strasbourg, laboratoire LaRGE

 

Ce qu’il faut retenir sur les flux entrants (dividendes reçus) :

 

  • Les distributions entre entités soumises à l’impôt sur les sociétés sont exonérées chez la bénéficiaire « à 95 % » grâce au régime « mère-fille ».

 

  • Pour les exercices clos jusqu’au 31 décembre 2015, la combinaison de ce dispositif avec celui de l’intégration fiscale (réservé aux seules sociétés françaises) permettait de procéder à des distributions, au sein du groupe intégré, en franchise totale d’IS.

 

  • La Cour de justice de l’Union européenne a jugé en septembre 2015, dans une affaire Steria[1], que l’exclusion des filiales européennes du régime d’intégration fiscale introduisait une restriction à la liberté d’établissement contraire aux traités européens. Pour les exercices clos au plus tard le 31 décembre 2015, la France doit en conséquence restituer aux sociétés mères françaises membres d’une intégration fiscale qui le réclament l’IS acquitté à raison des quotes-parts de frais et charges sur dividendes en provenance de filiales européennes, dès lors qu’elles auraient pu rejoindre le groupe d’intégration, si elles avaient été établies en France. Les délais de réclamation restent ouverts pour les exercices 2013 à 2015 (solde d’IS acquitté de 2014 à 2016).

 

  • Pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2016, les distributions entre sociétés membres d’un groupe d’intégration fiscale ne sont plus totalement exonérées : elles donnent lieu à l’imposition d’une quote-part de frais et charges au taux de 1 %. Ceci amène les praticiens à reconsidérer les organigrammes en France. Les structures en « râteau » sont désormais préférables aux chaînes de détention verticales.

 

  • Les produits de participation bénéficiant du régime mère-fille sont précisés. L’introduction au CGI d’une CLAUSE ANTI-ABUS de portée très large pourrait exclure du dispositif les sociétés holdings « manquant de substance ». Ces nouvelles règles s’appliquent aux distributions intervenant à compter du 1er janvier 2016 mais concernent les structures déjà existantes à cette date.

 

Ce qu’il faut retenir sur les flux sortants (distributions de dividendes) :

 

Les sociétés françaises qui ont acquitté la contribution de 3 % sur leurs distributions de dividendes (flux internes ou transfrontaliers) ont intérêt à déposer des réclamations conservatoires très rapidement au titre des exercices 2014 et 2015 (voire 2016). Concrètement il s’agit dans un premier temps de déposer une réclamation relative à la contribution payée en 2014 et 2015 (voire 2016 le cas échéant), puis en l’absence de réponse de l’administration dans les six mois de ce dépôt, de saisir le tribunal administratif.

 

INTRODUCTION

Le régime mère-fille codifié aux articles 145 et 216 du Code général des impôts est un dispositif essentiel de la fiscalité des sociétés à l’IS. Il évite en effet la double imposition économique des distributions de résultat entre deux sociétés soumises à cet impôt, en exonérant les produits de participation pour la bénéficiaire. À défaut d’un tel mécanisme, le dividende prélevé sur le résultat de la fille après impôt sur les sociétés, subirait de nouveau l’IS entre les mains de la société mère.

Les conditions à remplir pour en bénéficier ne sont pas très contraignantes au regard des avantages qui en découlent : posséder plus de 5 % du capital et conserver les titres au moins deux ans permet à la bénéficiaire d’exonérer les produits de participation, sous réserve de la réintégration d’une quote-part de frais et charges de 5 % du dividende. On parle alors parfois, par abus de langage, « d’exonération à 95 % ».

Ce régime pourtant ancien (1920 dans sa toute première mouture) et que l’on croyait stabilisé suite à la transcription en droit interne, il y a vingt-cinq ans, de la directive européenne mère-fille, connaît depuis 2014 une très forte actualité tant législative que jurisprudentielle, dont les conséquences financières sont parfois importantes pour les entreprises.

Il nous a dès lors paru nécessaire de recenser et de hiérarchiser les principales modifications du régime mère-fille pour les praticiens.

  • Nous nous sommes concentrés sur la situation de l’entreprise française percevant des dividendes de source française ou étrangère.
  • Les modifications aux conséquences financières particulièrement importantes apparaissent en gras dans le texte afin d’être facilement identifiées par les praticiens.
  • Les nouveautés portant sur les flux sortants ne sont pas détaillées dans ce qui suit. Toutefois, compte tenu de l’actualité de la contribution de 3 % acquittée par les entreprises françaises sur leurs distributions hors intégration fiscale, nous avons rajouté en partie B, un paragraphe à ce sujet, afin d’inviter les entreprises concernées à préserver très rapidement leurs droits.

 

  1. L’ACTUALITÉ DU RÉGIME MÈRE-FILLE EN DÉTAIL : FLUX ENTRANTS

 

  1. Des précisions sont apportées quant aux sociétés mères et filiales bénéficiant du régime : elles sont globalement favorables aux entreprises.

 

  • Le régime s’applique aux sociétés mères soumises à l’IS au taux normal. La doctrine administrative reconnait désormais expressément qu’il s’étend également aux PME soumises à l’IS au taux réduit de 15 %[2].
  • Les distributions provenant d’une filiale située dans un État ou territoire non coopératif peuvent pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015, bénéficier du régime mère-fille sous certaines conditions[3].
  • Les distributions effectuées par une société de personnes sont quant à elles, exclues du régime[4].

 

  1. La condition de détention d’une participation minimale de 5 % au capital de la filiale est clarifiée dans un sens favorable aux entreprises.

 

  • Les titres détenus en nue-propriété sont pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015, dans le champ du régime des sociétés mères (CGI, art.145 1-b). Ils peuvent donc s’ajouter aux titres non démembrés, pour apprécier la condition de détention par la mère d’un minimum de 5 % au capital de la fille.
  • L’administration fiscale conditionnait le bénéfice du dispositif au cumul de 5 % du capital et des droits de vote[5]. Elle a été sévèrement contredite par le Conseil d’État dans la décision Sofina[6]. Voici ce qui ressort de cet arrêt :
  • Le seuil de détention minimum de 5 % dans la filiale pour accéder au régime des sociétés mères s’entend de 5 % au capital et non du cumul de 5 % au capital et de 5 % des droits de vote.
  • Posséder 5 % du capital sans atteindre 5 % des droits de vote permet d’exonérer uniquement les dividendes correspondant aux titres auxquels est attaché un droit de vote. Ceci concerne par exemple les actions de préférence, les actions à dividende prioritaire ou encore les certificats d’investissement.
    • On notera toutefois qu’une décision récente du Conseil constitutionnel ouvre des perspectives aux entreprises percevant des dividendes afférents à des actions dépourvues du droit de vote et détenant 5 % du capital de la filiale sans justifier d’au moins 5 % des droits de vote[7]. Elles ont tout intérêt à se rapprocher de leurs conseils pour déposer très rapidement des réclamations à titre conservatoire. Ce sujet, qui peut paraître anecdotique, n’est visiblement pas sans enjeu puisque dans sa doctrine du 7 juin 2016, l’administration fiscale avait étendu le bénéfice du régime mère-fille aux titres dépourvus du droit de vote[8], pour finalement faire volte-face deux jours plus tard dans le bulletin du 9 juin 2016[9] !
    • En tout état de cause, le cumul du seuil de 5 % des droits financiers avec 5 % des droits de vote déclenche, si la bénéficiaire le souhaite, l’exonération des dividendes afférents aux titres dépourvus de droit de vote.
  • L’article 145 du CGI conditionne l’exonération des dividendes à la détention d’au moins 5 % du capital de la fille et à la conservation des titres pendant au moins deux ans. Dans un arrêt Technicolor[10], le Conseil d’État précise que la conservation par la mère, au moins vingt-quatre mois, de 5 % au capital d’une fille permet d’exonérer tous les dividendes perçus de ladite filiale, quand bien même certains d’entre eux seraient attachés à des titres détenus depuis moins de deux ans. Une autre décision précise en sus que le régime peut s’appliquer aux dividendes perçus dès la première année de détention du socle minimum de 5 %, dès lors qu’in fine cette participation est bien conservée en continu au moins deux ans[11]. Ces éléments sont repris dans la doctrine administrative du 7 juin 2016[12].

 

  1. Pour les sociétés mères, le montant de la quote-part de frais et charges est modifié. Deux périodes sont à distinguer :

 

  • Pour les distributions intervenues au cours d’exercices clos au plus tard le 31 décembre 2015, la situation est globalement favorable aux entreprises.

 

  • Les distributions intervenant entre sociétés françaises qui ne font pas partie d’un groupe d’intégration sont exonérées, sous réserve de la réintégration par la mère à son résultat imposable d’une quote-part de frais et charges de 5 % du dividende (CGI, art. 216 I).
  • Les distributions intervenant entre sociétés françaises membres d’un groupe d’intégration fiscale sont totalement exonérées, quel que soit le nombre de paliers. En effet, dans ce dispositif, la tête de groupe neutralise les quotes-parts sur distributions internes, pour la détermination du résultat d’ensemble.
  • Sur la base de la jurisprudence Steria[13], une société mère française membre d’un groupe intégré peut réclamer la restitution de l’IS qu’elle a acquitté sur les quotes-parts de frais et charges afférentes aux dividendes en provenance d’une filiale établie dans un autre état de l’Union européenne et qui aurait rempli les conditions d’appartenance à l’intégration fiscale si elle avait été résidente fiscale en France.
  • En effet, saisie d’une question préjudicielle sur ce sujet, la CJUE a constaté que l’exclusion des filles européennes du bénéfice de l’intégration fiscale introduisait une restriction à la liberté d’établissement qui n’était justifiée ni par la nécessité de préserver la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres, ni par la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal français et qui était donc contraire aux traités européens. Cette décision impose dès lors à la France de restituer aux sociétés qui le réclament l’IS sur les quotes-parts imposées à tort, sous réserve bien sûr qu’elles présentent un dossier étayé.
  • Les réclamations doivent porter sur les distributions perçues au titre des exercices clos le 31 décembre 2015 au plus tard. Les Échos chiffraient d’ores et déjà le 19 octobre 2015 les conséquences financières pour Bercy en 2016 à  340 m€.
  • S’agissant des distributions perçues en 2013 (société mère ayant acquitté son solde d’IS 2013 en 2014), la réclamation écrite doit être impérativement adressée à l’administration au plus tard le 31 décembre 2016. Les délais de dépôt au titre des distributions perçues en 2014 et 2015 expirent respectivement les 31 décembre 2017 et 2018.
  • Les sociétés mères concernées porteront un soin particulier aux pièces justificatives présentées à l’appui de leur demande, afin de ne pas essuyer de refus pour conditions de forme.

 

  • Pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2016, les distributions sont globalement plus lourdement imposées.
    • Les distributions intervenant entre sociétés membres d’un même groupe d’intégration fiscale entraînent désormais la réintégration d’une quote-part de frais et charge fixée à 1 % du dividende (CGI, art. 216 I) dès le premier exercice intégré.
    • La fin des remontées de dividendes internes en parfaite neutralité fiscale au sein de l’intégration amène beaucoup de groupes à reconsidérer leurs structures juridiques. Les organisations en « râteau » sont désormais préférables aux chaînes de détention verticales. Nul doute que certains groupes seront tentés de procéder à des fusions pour supprimer certains paliers. Nous invitons les praticiens à bien mesurer toutes les conséquences des opérations envisagées et si nécessaire à consulter leurs conseils. Certes, le régime de faveur des fusions permet de limiter l’impact fiscal immédiat de telles opérations. Pour autant, des mauvais choix, par exemple s’agissant du sens de l’opération, peuvent générer des sursis d’imposition indolores aujourd’hui mais susceptibles d’entraîner des conséquences financières désastreuses… dans le futur, qui le plus souvent auraient pu être évités.
    • La quote-part de 1 % concerne également les distributions au profit d’une mère française membre d’un groupe fiscal en provenance d’une filiale établie dans un autre état de l’Union européenne ou de l’EEE et qui aurait rempli les conditions d’appartenance à l’intégration fiscale si elle avait été résidente fiscale en France.
    • Les autres distributions au bénéfice d’une mère française optant pour le régime mère-fille entraînent la réintégration de la quote-part traditionnelle de 5 %.

 

  1. Les produits de participation bénéficiant du régime des sociétés mères sont précisés et de nombreuses exclusions sont introduites notamment par le biais d’une clause anti-abus de portée très large.

 

  • Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015, les titres détenus en nue-propriété sont dans le champ du régime. Dès lors, les distributions de réserves qui reviennent au nu-propriétaire pourront bénéficier de l’exonération sous réserve de la détention de 5 % au capital au moins deux ans.
  • L’article 145, 6 du CGI exclut expressément certains produits exonérés du régime pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015. La logique poursuivie est simple : le régime mère-fille vise à éviter les doubles impositions économiques et non à permettre les doubles exonérations. Sont par exemple exclus désormais les dividendes des SIIC prélevés sur leurs bénéfices exonérés, les produits distribués par les sociétés de capital-risque exonérés, etc.
  • Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2015, l’article 145, 6-b du CGI dispose que « le régime fiscal des sociétés mères n'est pas applicable aux produits des titres d'une société, dans la proportion où les bénéfices ainsi distribués sont déductibles du résultat imposable de cette société » (dispositif de lutte contre les instruments hybrides, commenté à la Lettre Vernimmen.net n° 133).
  • Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, une clause anti-abus de portée très large est mise en place. L’article 145 6-k du CGI précise « que le régime des sociétés mères n’est pas applicable aux produits […]distribués dans le cadre d'un montage […]qui, ayant été mis en place pour obtenir à titre d’objectif principal […], un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du régime, n’est pas authentique, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents. […] Un montage ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où il n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique. ». Cette clause appelle plusieurs remarques :
  • Elle s’applique pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016 mais vise les structures existantes à cette date.
  • Elle est issue de la directive européenne mère-fille et concerne donc les distributions transfrontalières au sein de l’UE. Le Conseil constitutionnel a toutefois précisé qu’elle vise également des situations internes[14].
  • Trois conditions doivent se cumuler pour que les distributions soient exclues du régime :
    1. le montage doit avoir pour objectif principal un avantage fiscal ;
    2. cet objectif doit être contraire à la finalité du régime ;
    3. ce montage ne doit pas être authentique.

 

  • S’agissant du premier point, il est indéniable que le régime des sociétés mères procure un avantage fiscal. Encore faut-il que l’administration démontre qu’il ne s’inscrit pas dans la logique du régime qui est d’éviter les doubles impositions économiques.
  • On imagine alors que le dispositif anti-abus pourra être invoqué par exemple dans les situations de double exonération.
  • Reste que seront épargnées « les structures mises en place pour des motifs commerciaux valables». Comme le soulignent A. Lagarrigue et C Truong[15], la difficulté provient de ce que nombre de sociétés holdings ont une raison d’être économique sans pour autant exercer de véritable activité commerciale. Heureusement, sur ce point, l’administration a publié le 7 juin 2016 une doctrine qui se veut rassurante[16] : elle précise que « la notion de motifs commerciaux s’entend au sens large de toute JUSTIFICATION ÉCONOMIQUE même si elle n’est pas liée à l’exercice d’une activité commerciale au sens de l’article 34 du CGI. Sont donc susceptibles d’être considérées comme présentant des motifs valables au sens de la clause, des structures de détention patrimoniale, d'activités financières ou encore des structures répondant à un objectif organisationnel. »
  • Sur ce fondement, on peut penser que les holdings dans les structures de LBO, les holdings patrimoniales, voire les holdings dotées de moyens et de salariés même sans activité commerciale sont à l’abri des restrictions introduites par la clause anti-abus.
  • L’administration fiscale a ouvert sur ce sujet une consultation publique, du 07 juin 2016 au 07 juillet 2016
  • Les entreprises qui estiment les commentaires publiés trop flous ont tout intérêt à dialoguer ouvertement avec Bercy sur ce sujet directement ou via leurs instances représentatives, de sorte que les commentaires administratifs à paraître soient plus précis encore.
  • En tout état de cause, cette future doctrine « affinée » ainsi que les éclaircissements susceptibles d’être apportés par la CJUE, dans la mesure où il s’agit de la transposition de dispositions édictées par la directive communautaire, seront à suivre de près.

 

  1. DIVIDENDES DISTRIBUÉS : L’ACTUALITÉ DE LA CONTRIBUTION DE 3 %

 

  • Depuis août 2012, les dividendes distribués par les sociétés à l’IS sont soumis à une contribution additionnelle au taux de 3 % codifiée à l’article 235 ter ZCA du CGI.
  • De nombreux praticiens se sont interrogés dès 2012 sur la comptabilité de cette contribution avec le droit communautaire.
  • En effet, les distributions effectuées par une filiale française au profit d’une mère française faisant partie du même groupe d’intégration fiscale sont exonérées tandis que la contribution est due lorsque la mère bénéficiaire est établie dans un autre état de l’UE.
  • Cette différence de traitement pourrait constituer une restriction à la liberté d’établissement contraire aux traités européens.
  • De plus la contribution pourrait être qualifiée de retenue à source déguisée ce qui serait cette fois, incompatible avec la directive mère-fille de 1990. La Commission européenne a lancé le 26 février 2015 une procédure d’infraction contre la France à ce sujet.
  • Mais l’activité juridique s’emballe, suite à la transmission le 4 avril16 par le tribunal administratif de Montreuil au Conseil d’État, d’une question prioritaire de constitutionnalité[17]. Les motifs invoqués sont notamment le principe d’égalité devant les charges publiques et la discrimination à rebours. Le Conseil d’État a trois mois pour se prononcer. Il est possible que la Haute Assemblée ne saisisse pas directement le Conseil constitutionnel mais soumette une question préjudicielle à la CJUE dans la mesure où la QPC dépend notamment de l’interprétation de la directive mère-fille[18]. Cela pourrait donc prendre « du temps ». Mais il est également possible que le CE transmette directement le sujet au Conseil constitutionnel, qui a alors trois mois pour se prononcer.
  • Or le Conseil constitutionnel limite fréquemment les effets de sa décision aux seules procédures en cours à cette date. Il est dès lors important pour les entreprises de préserver leurs droits. Concrètement, il s’agit dans un premier temps de déposer une réclamation au titre de la contribution payée en 2014 et 2015 (voire 2016 le cas échéant), puis en l’absence de réponse de l’administration dans les six mois de ce dépôt, de saisir le tribunal administratif.
  • On l’a compris, les réclamations conservatoires peuvent porter tant sur les distributions internes que sur les distributions transfrontalières au sein de l’UE. S’agissant des flux au profit d’une société établie dans un autre État de l’UE, la réclamation s’appuiera principalement sur la différence de traitement constitutive d’une restriction à la liberté d’établissement ainsi que sur l’incompatibilité de la contribution avec la directive mère-fille.
  • S’agissant des flux internes, les motivations pourront reposer sur la rupture du principe d’égalité de traitement devant les charges publiques et sur la discrimination à rebours.

 

CONCLUSION

  • On retiendra de cette actualité du régime des sociétés mères des clarifications favorables aux entreprises, s’agissant des sociétés pouvant bénéficier du dispositif ainsi que des conditions de détention à remplir.
  • La décision Steria de la CJUE était également apparue comme une bonne nouvelle. Toutefois, ses conséquences potentielles sur les finances publiques ont amené le législateur à mettre un terme aux distributions en franchise d’IS dans l’intégration fiscale. Cette modification est particulièrement pénalisante en cas de détentions verticales successives, ce qui amène les groupes à modifier les structures juridiques.
  • La clause anti-abus est un « mal nécessaire » pour éviter les doubles exonérations. Les commentaires de l’administration du 7 juin 2016 sont rassurants mais restent peu détaillés et une consultation publique sur le sujet est en cours jusqu’au 7 juillet 2016. La future doctrine « affinée » ainsi que les commentaires de la CJUE sur ces nouvelles règles seront aussi très attendus.
  • Enfin, s’agissant des flux sortants, les sociétés françaises ayant acquitté la contribution de 3 % sur revenus distribués en 2014, 2015 voire même 2016, ont intérêt à déposer rapidement des réclamations en vue de préserver leurs droits.

 

[1] CJUE 2 sept. 2015, aff. C-386/14.

[2] BOI-IS-BASE-10-10-10-10, §110, 25 juill. 2014.

[3] Introduction d’une clause de sauvegarde au CGI à l’art. 145, 6-d.

[4] CE 24 nov. 2014, req. n° 363556.

[5] BOI-IS-BASE-10-10-10-20, n°60, modifié le 25 juill. 2014.

[6] CE 5 nov. 2014, req. n° 370650, Société Sofina.

[7] Cons. const. 3 févr. 2016, n° 2015-520 QPC. Le Conseil constitutionnel relève que la directive mère-fille prévoit l’exonération des produits afférents aux titres dépourvus de droit de vote dès lors que la mère possède 5 % au capital. La double condition ( 5% au capital et 5 % des droits de vote) exigée au CGI introduit donc pour les distributions internes une discrimination à rebours. Le Conseil d’État renvoie le 18 mai 16 la question de la conformité du texte actuel à la Constitution au Conseil constitutionnel : CE 18 mai 2016, req. n° 397316 QPC.

[8] BOI-IS-BASE-10-10-10-20-20160607 n°60.

[9] BOI-IS-BASE-10-10-10-20-20160609 n°70.

[10] CE 15 déc. 2014, req. n° 380942, SA Technicolor.

[11] TA Montreuil 15 juin 2015, n° 1307241, SAS CVT Holding.

[12] BOI-IS-BASE-10-10-10-20-20160607 n°210 &  220.

[13] CJUE 2 sept. 2015, aff. C-386/14.

[14] Cf. décision du 3 févr. 2016, n°2015-520 QPC, Société Metro Holding France.

[15] En ce sens, Alexandre Lagarrigue, Carole Truong, « Nouvelle clause anti-abus du régime mère-fille : une revue s'impose ! », Option Finance 1er février 2016.

[16] BOI-IS-BASE-10-10-10-10-20160607 n°s 180 à 260.

[17] TA Montreuil, n° 1600379, Société Apsis.

[18] CE 31 mai 2016, req.  n° 393881.

 



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