La Lettre n°114 de Avril 2013

Actualités : La politique financière d'AGAP2, une start up devenue ETI

Agap 2 est une entreprise française créée fin 2005 à Lisbonne dans le domaine de l’ingénierie et du conseil opérationnel spécialisée dans l’énergie et les systèmes d’information et contrôlée par ses dirigeants fondateur à ses 62 % et à 38% par un business angel.

Après 7 ans d’activité, AGAP2 atteint en 2012 83 M€ de chiffre d’affaires réalisé avec 1 300 personnes dans 6 pays : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Portugal, Suisse.

Comment une société peut-elle financer un tel rythme de croissance (+ 73 % par an de 2006 à 2012, et « seulement » + 45 % sur les 3 dernières années) ? Il y a quatre explications.

1/ Les caractéristiques du secteur d’AGAP2

Les caractéristiques du secteur d’une entreprise ont naturellement un impact déterminant sur sa politique financière, et en particulier son degré d’intensité capitalistique. AGAP2 est dans l’un des secteurs les moins capitalistiques qui soit : son ratio chiffre d’affaires sur actif économique est de l’ordre de 9. Pour faire 9 de chiffre d’affaires il faut investir 1, là, où à l’autre extrême, Eutelsat dans les satellites doit en investir 32.

Dans son secteur, AGAP2 bénéficie d’un niveau insignifiant d’immobilisations corporelles ou incorporelles et est surtout concerné par le besoin en fonds de roulement. Celui-ci se compose pour l’essentiel de comptes clients puisque le compte stocks dans cette activité de service n’existe pas, et de comptes fournisseurs, essentiellement le personnel (environ 70% des coûts sont des frais de personnel) qui a naturellement un délai de paiement court même si les organismes sociaux sont payés plus tardivement. Ainsi, alors qu’au compte de résultat les charges sociales ne représentent que 27 %  environ de la totalité des frais de personnel, au bilan les dettes aux organismes sociaux équivalent aux dettes au personnel.

Au final le besoin en fonds de roulement d’AGAP2 est assez limité à environ 5% du chiffre d’affaires.

2/ Le recours à l’affacturage

Les clients d’AGAP2 sont les grands groupes industriels de l’énergie. Grâce à l’affacturage, AGAP2 peut trouver facilement des ressources financières peu couteuses, en tous cas moins couteuses qu’un crédit bancaire classique puisque le risque de ses clients est moindre pour un prêteur que le sien propre. Il y a huit ans nous avions consacré un article à l’affacturage(1), intitulé  « L’affacturage est-il sorti du ghetto ? » Déjà à l’époque nous avions conclu que oui et depuis le développement continu de cette source de financement a aidé de nombreuses entreprises à financer leurs activités.

Avec un volume annuel d’affaires de plus de 180 Md€ et un encours fin 2012 de 27 Md€, l’affacturage représente en France environ 22% du montant des crédits à court terme, et est donc devenu très significatif :

Même avec un BFR à 5% du chiffre d’affaires, comme le poste client fait 17% de son chiffre d’affaires, AGAP2 a suffisamment de créances clients à céder à son factor, même compte tenu des choix que ce dernier peut faire, pour financer l’intégralité de son BFR ainsi, voire au-delà.

3/Un autofinancement important

A caractéristiques économiques constantes (marge, intensité capitalistique), plus l’autofinancement est élevé, plus le taux de croissance peut être élevé sans avoir besoin de recourir à des financements externes par dettes ou capitaux propres. En effet, on peut aisément démontrer(2), sous les conditions précédemment énoncées, que le taux de croissance « naturel » de l’entreprise est égal au produit de la rentabilité des capitaux propres par le taux de rétention du bénéfice net.

La rentabilité des capitaux propres a toujours été excellente depuis les premiers mois au Portugal jusqu’à nos jours : de l’ordre de 40% (après impôts) sans effet de levier. Outre la faiblesse de l’intensité capitalistique déjà mentionnée, des marges d’exploitation de l’ordre de 12%, soit 1 à 2 % de plus que des concurrents comme Alten et Altran, expliquent cette situation. Rappelons en effet(3) que la marge d’exploitation moyenne des sociétés cotées en Europe est de cet ordre de grandeur mais avec une intensité capitalistique bien plus élevée. Comme la totalité du bénéfice a été réinvestie dans l’entreprise jusqu’en 2008 inclus, l’autofinancement était maximisé. A partir de 2009, la moitié des résultats sont versés en dividendes, réduisant, à structure financière constante, le potentiel de croissance interne de l’entreprise.

4/ Un recours modéré à l’endettement

C’est à peu près à ce moment-là qu’AGAP2 a commencé à s’endetter pour financer une première opération de croissance externe, l’endettement prenant pour partie le relais d’un autofinancement désormais ponctionné par le versement de dividendes. A dose modérée puisque le rapport dette brute sur excédent brut d’exploitation est de seulement 0,8, et qu’une fois les disponibilités et les valeurs mobilières prises en compte l’endettement net  est négatif. Le rôle de l’endettement est en effet de prendre le relais partiel des capitaux propres dans le financement d’une entreprise lorsque celle-ci a démontré sa viabilité économique avec un historique suffisant.

    *             *             *            

Les actionnaires manageurs d’AGAP2 ont intégralement financé la prise de risque initiale de la création de l’entreprise par capitaux propres comme il se doit. Compte tenu des caractéristiques financières très favorables de ce secteur, la croissance a été financée sans financement externe par recours systématique à l’affacturage et par un réinvestissement intégral des profits avant de faire appel à un endettement modéré pour financer une opération de croissance externe.

L’étape suivante logique, pour autant que les excellentes performances opérationnelles ne se dégradent pas et qu’AGAP2 puisse continuer à s’étendre géographiquement ou sectoriellement, serait l’introduction en bourse. Il lui reste à démontrer qu‘elle maitrise aussi bien la croissance externe, c’est-à-dire au fond réussir l’intégration d’équipes travaillant précédemment pour des concurrents, que la croissance interne. AGAP2 y trouvera alors les ressources financières nécessaires car il n’est pas à douter que l’accueil des investisseurs soit très positif compte tenu de ses performances dans la durée, et ses actionnaires une liquidité une dizaine d’années après leur investissement initial

 

 

(1) La Lettre vernimmen.net d’avril 2005, n°38

(2) Voir le chapitre 41 du Vernimmen 2013

(3)Voir le chapitre 10 du Vernimmen 2013

 



Tableau : Les financements à effet de levier dans le monde

Ils ont évolué de façon très différenciée entre les trois principales zones économiques :

Aux Etats-Unis, ils ont retrouvé quasiment leurs plus hauts historiques d’avant crise avec une progression de 34% par rapport à 2011. C’est de ce même pourcentage que le volume de ces crédits à baisser en Europe portant le recul à 85 % (sic) depuis 2007. L’Asie est aussi en recul du même pourcentage.

Début 2013, les volumes aux Etats-Unis continuent sur leur lancée de 2012. Ceux de l’Europe repartent à la hausse.



Recherche : Structures actionnariales et contraintes de financement

avec la collaboration de Simon Gueguen - Enseignant-chercheur à Paris Dauphine

 

Les actionnaires exerçant  le contrôle d’une société détiennent souvent un pouvoir de décision disproportionnellement élevé par rapport à leur détention de capital. Ils utilisent pour cela notamment des actions à droit de vote double, ou des structures de détention pyramidales. Ce phénomène a été documenté par un fameux article datant de 1999(1) Les conséquences pour l’entreprise sont généralement négatives. En plus du traditionnel problème d’agence entre actionnaires et dirigeants, vient s’ajouter un conflit entre l’actionnaire majoritaire et les minoritaires. En effet, avec de telles structures actionnariales, celui qui détient le contrôle peut avoir intérêt à détourner les choix et les ressources de l’entreprise à son profit exclusif, au détriment des autres actionnaires. Nous présentons ce mois-ci un article(2) qui montre que cette situation peut rendre l’accès au financement externe plus difficile pour les entreprises.

L’article est centré sur la contrainte de financement, c’est-à-dire la difficulté pour une entreprise d’accéder à un financement externe. Une entreprise contrainte financièrement est conduite à renoncer à des projets créateurs de valeur, ou du moins à les repousser. Elle affiche, toutes choses égales par ailleurs, un niveau d’investissement plus faible, moins de flux de trésorerie, une moindre croissance du chiffre d’affaires, et des taux de distribution plus faibles.

En recueillant ces données et en procédant à une étude empirique sur un échantillon d’entreprises américaines entre 1997 et 2002, les auteurs montrent que l’existence d’une divergence entre pouvoir de contrôle et détention du capital augmente cette contrainte financière, et que cela se traduit bien par une baisse du niveau d’investissement. En classant les entreprises en trois groupes suivant leur contrainte de financement, les plus contraintes affichent un niveau d’investissement de 17% inférieur à celui des moins contraintes.

Les résultats les plus intéressants de l’étude concernent les facteurs qui influencent cette relation. Une opacité dans les informations rend plus difficile le monitoring par les investisseurs externes, et facilite l’expropriation par les majoritaires ; la contrainte de financement doit donc augmenter. Pour mesurer l’opacité de l’information, les auteurs retiennent les critères suivants : sont considérées comme plus opaques les entreprises :

  • dont la taille (mesurée par le montant des actifs) est plus petite ;
  • suivies par moins d’analystes ;
  • dont la dette ne dispose pas de rating ;
  • qui ne sont pas incluses dans un grand indice boursier (en l’occurrence, le S&P 500).

En effet, tous ces critères sont des facteurs d’augmentation du lien entre divergence capital-contrôle et contrainte financière. Il est à noter que celui du nombre d’analystes couvrant l’entreprise apparait comme le plus déterminant, laissant supposer qu’il s’agit là d’un critère essentiel de transparence de l’information financière. A l’inverse, la présence d’investisseurs institutionnels au capital de l’entreprise réduit ce lien ; ces derniers sont capables d’assurer le monitoring du majoritaire même lorsqu’ils ne détiennent qu’un faible pourcentage du capital.

Pour toutes ces raisons, l’écart entre détention du capital et contrôle exercé par l’actionnaire majoritaire est un élément essentiel de la structure du capital des entreprises. Si cet écart grandit, l’entreprise a plus de mal à faire appel au financement externe, et sa valeur s’en trouve affectée.

(1) R. LA PORTA, F. LOPEZ-DE-SILANES et A. SHLEIFER (1999), Corporate ownership around the world, Journal of finance, vol. 54, p. 471-517

(2) C.LIN, Y.MA et Y. XUAN (2011), Ownership structure and financial constraints : evidence from a structural estimation, Journal of Financial Economics, vol.102, p. 416-431



Q&R : Comment mesurer la liquidité d'un titre ?

On dit qu’un titre est liquide s’il est possible d’acquérir ou de céder sur le marché un nombre important d’actions sans influer sur le cours de Bourse. La liquidité d’un titre sera utile pour déterminer la pertinence d’un cours de Bourse. En effet, analyser le cours de Bourse d’une action qui ne donne lieu qu’à un échange par semaine n’aura pas beaucoup de sens !

Un cours de Bourse n’est pertinent que si le titre est relativement liquide.

La liquidité d’un titre s’apprécie notamment au travers du flottant, des volumes échangés et de la qualité du suivi par les analystes financiers (nombre d’analystes suivant la valeur, fréquence de publication des notes de recherche, etc.)

a) Le flottant

C’est la part des actions qui appartient à des investisseurs obéissant à une pure logique financière : acheter quand le cours paraît bas, vendre quand il semble élevé. N’appartiennent pas au flottant les actions d’investisseurs qui les gardent pour des raisons autres que financières : contrôle, attachement familial et qui ont tendance ni à vendre, ni à acheter, mais à garder.

Mais la fidélité n’est (malheureusement) pas une notion financière ! Un cours qui s’envole va donner des idées à des actionnaires fidèles ; certains d’entre eux vendront, élargissant ainsi le flottant.

Il est nécessaire d’apprécier le flottant en montant (en millions d’euros) et en pourcentage (nombre d’actions dans le flottant/nombre total d’actions émises).

b) Les volumes

Les volumes de titres échangés quotidiennement définissent également la liquidité d’un titre. Les volumes doivent là encore s’analyser en valeur absolue. En effet un investisseur institutionnel important étudiera avant de devenir actionnaire d’une société, le temps qu’il lui faudra pour investir et désinvestir la somme qu’il souhaite placer.

Mais les volumes doivent également être exprimés en pourcentage du nombre total de titres ; voire en pourcentage des titres composant le flottant.

Pour les titres les plus liquides voient plus de 0,5% de leur capital s’échanger en moyenne par jour. Un titre pour lequel en moyenne moins de 0,10% du capital se traite par jour sera considéré comme illiquide.



Autre : Actualisation de la version en ligne du Vernimmen

Disponible pour ses abonnés sur le site www.vernimmenenligne.net, la version électronique du Vernimmen a été mise à jour des nouveautés fiscales françaises jusqu’à la fin 2012 ainsi que de 28 tableaux de statistiques parmi lesquels :

 

  • Valeur de quelques actifs depuis 1996
  • Beta des membres de l’Eurostoxx 50
  • Prime de risque en Europe et aux Etats-Unis depuis 1978
  • Prime d’illiquidité en Europe depuis 1986
  • Courbe des taux d’intérêt
  • Spread sur emprunts obligataires en Europe depuis 1999
  • Spread sur emprunts obligataires aux USA depuis 1999
  • Evolution des taux d’intérêts français depuis 1973
  • Volume de billets de trésorerie en France et en Europe depuis 1990
  • Crédits syndiqués dans le monde depuis 2000
  • PER par secteur depuis 1990
  • Taux de rendement par secteur depuis 1990
  • PBR par secteur depuis 1990
  • L’indice de volatilité VIX depuis 1990
  • Emissions d’obligations convertibles en Europe depuis 1990
  • Primes de contrôle payées et niveau de l’indice Stoxx 600 depuis 2000
  • Taux d’inflation, taux d’intérêt réel et taux de croissance en France depuis 1969
  • Augmentation de capital en Europe et en France depuis 1999
  • Introduction en bourse dans le monde depuis 1990
  • Opérations de rapprochement dans le monde depuis 1980
  • Moyens de paiement en Europe


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