Clarisse Kopff, Directrice Financière et membre du Comité Exécutif de Allianz France.

En tant que femme ayant réussi dans le domaine de la finance, pouvez-vous nous présenter votre parcours ainsi que le métier que vous exercez ? Comment est née cette vocation ? Avez-vous rencontré des difficultés pour votre orientation ou au contraire avez-vous été soutenue ? Plus tard, avez-vous rencontré des difficultés liées au genre dans votre évolution professionnelle ?

C'est lors de mes études à l'ESCP que mon intérêt pour la Finance s'est révélé et que j'ai donc choisi assez naturellement de poursuivre dans cette voie. J'ai commencé mon parcours chez Lehman Brothers à Londres avant de revenir à Paris pour faire une pause et me consacrer à ma famille. Je suis ensuite devenue auditrice chez PWC dans le secteur des banques et assurances avant de rejoindre la SFAC (Euler Hermes France aujourd'hui).
J'y ai occupé plusieurs fonctions, et je suis montée en grade petit à petit. Arrivée d'abord comme contrôleur de gestion, je suis ensuite devenue responsable du contrôle de gestion d'Euler Hermes France après avoir eu mon troisième enfant, puis j'ai été promue au sein du Groupe Euler Hermes à la tête du contrôle de gestion. Cela s'est fait assez vite, et j'ai dû apprendre rapidement à m'adapter à ce nouvel environnement international. Très vite après, on m'a demandé de reprendre la comptabilité, l'actuariat et les relations investisseurs. En 2014, j'ai été nommée Directrice Financière du Groupe Euler Hermes. Et en 2018, j'ai rejoint Allianz France où je suis actuellement Directrice Financière. C'est un terrain de jeu passionnant. Outre les fonctions régaliennes de la Finance, qui est garante de l'équilibre financier de l'entreprise, je travaille avec mes équipes à embrasser un univers beaucoup plus large, en positionnant la Finance comme un partenaire du business qui accompagne les métiers et Allianz France dans les grands projets de transformation de l'entreprise.
J'ai donc suivi une trajectoire assez linéaire, et j'ai pu m'appuyer sur des personnes qui m'ont fait confiance et m'ont poussée en avant à des moments clés de ma carrière.

Est-ce difficile d'articuler vie de femme, vie de famille, et vie de financière ? Comment vous organisez-vous ? Quel est votre secret pour tout mener de front ?

Je dois avouer que j'ai eu énormément de chance. Je n'ai pas eu de difficulté particulière à concilier vie familiale et vie professionnelle, car j'étais vraiment bien entourée. Mon mari m'a beaucoup aidée et a fait sa part. Nous avons aussi toujours bien organisé la vie de famille avec une nounou solide et nos parents étaient prévenants et disponibles pour nous aider en cas de besoin. Le fait d'être bien entourée m'a indéniablement aidée, et m'a surtout déchargée d'une bonne dose de charge mentale pour reprendre un terme à la mode. Aujourd'hui, je mesure la chance que j'aie eue, car je sais combien il est difficile pour d'autres femmes avec qui j'ai pu travailler d'arriver à s'organiser et à tout mener de front.
Pour autant, outre l'organisation, je me suis quand même fixé des règles auxquelles j'ai rarement dérogé. Ma vie de famille est très importante, et j'ai par exemple toujours souhaité être présente pour mes enfants et mon mari le soir et le week-end. Pour cela, il faut savoir bien prioriser, déléguer bien sûr et accepter que tout ne soit pas toujours parfait.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour exercer dans ce domaine ?

Outre bien sûr les compétences techniques « classiques » nécessaires pour exercer dans la finance, il faut je pense une certaine dose de courage, de ténacité et de confiance en soi pour y arriver. Ce n'est pas toujours simple, mais il faut savoir faire entendre sa voix lorsque c'est nécessaire. C'est le rôle d'un directeur financier de savoir dire non et de défendre ses positions, même si elles ne sont pas toujours agréables à entendre. Mais surtout, il faut faire preuve de curiosité pour le business, bien le comprendre pour bien l'accompagner, et avoir dose de vision stratégique pour créer de la valeur et guider la transformation.

Quelles sont les femmes ayant pu vous servir de modèles (ou success stories) qui vous ont inspirée au cours de votre parcours ?

Dans mon parcours professionnel, j'ai effectivement rencontré des personnes qui m'ont guidée, accompagnée et surtout fait confiance, mais il se trouve que ces mentors étaient des hommes. Il faut se rappeler que les comités exécutifs et les conseils d'administration étaient encore il y a dix ans surtout une affaire d'hommes. Et loin d'être discriminée, j'ai été au contraire très encouragée et j'ai bénéficié de l'ouverture progressive de ces fonctions à des femmes. Les américaines nous ont un peu devancées et les femmes de la Tech qui ont réussi dans un domaine à forte dominante masculine sont un bel exemple.

Aujourd'hui, les femmes représentent 15 % des effectifs des directrices financières en France (sur la base d'une étude Vernimmen 2017 sur le genre des directeurs financiers des sociétés du SBF 120). Qu'est-ce qui, selon vous, explique ce chiffre ? Comment pourrions-nous le faire augmenter ?

Dans le Groupe Allianz, nous sommes près de 40% de femmes au poste de directeur financier et cela s'est fait en à peine 5 ans. La principale barrière selon moi est une certaine forme d'autocensure. Les femmes ont plus de difficultés que les hommes à se mettre en avant, et elles s'interrogent davantage sur leur légitimité. En proportion par rapport aux hommes, elles sont clairement plus nombreuses à douter de leurs capacités, à culpabiliser pour leur famille et à ne pas oser se lancer. Or, être une femme ne doit pas être un obstacle. Je suis convaincue que la mixité est un potentiel de création, d'innovation et de performance dont on ne doit pas se priver.
Plusieurs entreprises s'engagent d'ailleurs à ce sujet, et les initiatives sont de plus en plus nombreuses. Chez Allianz France par exemple, il y a des programmes volontaristes qui se mettent en place pour favoriser la promotion des femmes. C'est notre devoir en tant que dirigeants de veiller justement à ce que les femmes ne se heurtent pas au plafond de verre au cours de leur carrière professionnelle.

Quel(s) conseil(s) pouvez-vous apporter pour inciter les femmes des générations Z et K à se lancer dans la finance ?

Justement, de se lancer et d'oser ! Et de ne jamais laisser les autres vous dire ce que vous devez penser de vous-mêmes.

Avez-vous une autre conviction forte à partager ?

La finance joue un rôle crucial dans les décisions stratégiques, surtout dans les périodes de transformation très fortes que nous traversons. Cela lui donne une responsabilité particulière. Avoir cette vision à 360 est une chance, et c'est le positionnement idéal pour comprendre une entreprise et les défis qui l'attendent.