Chrystelle Ferrari, CEO du groupe Encres DUBUIT.

En tant que femme ayant réussi dans le domaine de la finance, pouvez-vous nous présenter votre parcours ainsi que le métier que vous exercez ?
Comment est née cette vocation ?
Avez-vous rencontré des difficultés pour votre orientation ou au contraire avez-vous été soutenue ?
Plus tard, avez-vous rencontré des difficultés liées au genre dans votre évolution professionnelle ?
Pour vous, quelle est la prochaine étape ?

Je viens d’une famille qui a la fibre entrepreneuriale, ce qui a très tôt suscité mon intérêt pour la gestion des affaires, la création d’entreprises. La comptabilité et la gestion ont été des choix naturels.
Expert-comptable diplômée, j’ai très vite rejoint le monde de l’entreprise en intégrant le service d’audit interne d’un groupe coté et acteur majeur des métiers de la propreté et des services associés : le Groupe PENAUILLE Poly services, racheté par le Groupe DERICHEBOURG.
Nous étions en charge du reporting et de la consolidation du groupe, qui comptait une centaine de filiales dans le monde.

J’ai eu l’opportunité en 2004 de prendre la Direction Financière du groupe Encres DUBUIT, une PME familiale internationale cotée en bourse, spécialisée dans la fabrication d’encres de sérigraphie de haute technologie pour l’industrie.
J’ai assez rapidement gagné la confiance des actionnaires qui m’ont nommée Directeur Général en charge des finances dès 2006.
J’ai intégré le Directoire du groupe à cette occasion, avant d’accéder à la présidence d’Encres DUBUIT en 2013, au poste de Président du Directoire.

J’ai continué d’occuper les fonctions de Directeur Administratif et Financier, afin de suivre le développement du groupe et surtout d’accélérer le redressement de l’entreprise qui était dans une situation difficile, en particulier en Amérique latine, où nous avons dû gérer un litige avec les associés minoritaires de la filiale brésilienne.
J’ai réorganisé l’entreprise de façon à pouvoir être dégagée des fonctions commerciales et garder la main sur la partie industrielle. En 2016, les résultats de l’entreprise revenaient dans le vert et la situation brésilienne était assainie. J’ai pris la décision cette année de me dégager des fonctions purement financières pour me concentrer sur le développement du groupe.

Est-ce difficile d’articuler vie de femme, vie de famille, et vie de financière ?
Comment vous organisez-vous ?
Quel est votre secret pour tout mener de front ?

Pour gérer ce double job, il faut bien sûr de l’organisation, être bien entourée, avoir un petit réseau de baby-sitters de confiance…
Mais je remarque que le fait de devoir répondre à cette question entretient le mythe de l’égalité homme-femme.
Le but sera atteint lorsqu’on la posera également aux hommes !

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour exercer dans ce domaine ?

Il faut de la rigueur, tout en restant à l’écoute.
Un bon manager doit cultiver l’agilité et la créativité, pour rester force de proposition, tout en apportant des réponses aux demandes urgentes.
Prendre des responsabilités dans une entreprise implique, nécessairement, une quantité de travail importante et une forte implication personnelle – je crois à la valeur de l’exemple.
J’implique mes collaborateurs, j’entretiens l’esprit d’équipe et je responsabilise les cadres intermédiaires dans leurs fonctions managériales. Je délègue dès que je le peux et j’essaie de rester attentive aux parcours de chacun.
Manager, c’est composer en permanence pour convaincre, rassurer et adapter l’entreprise au changement.

Quelles sont les femmes ayant pu vous servir de modèles (ou success stories) qui vous ont inspiré au cours de votre parcours ?

Je n’ai jamais véritablement ressenti le besoin de m’identifier à des modèles, homme ou femme.
En revanche, je me suis enrichie des rencontres que j’ai pu faire tout au long de ma vie professionnelle. J’ai beaucoup appris des managers, souvent des hommes, sous la responsabilité desquels j’ai travaillé, qui m’ont fait confiance et qui m’ont permis d’évoluer.

Aujourd’hui, les femmes représentent 15 % des effectifs des directrices financières en France. Qu’est-ce qui, selon vous, explique ce chiffre ?
Comment pourrions-nous le faire augmenter ?

Ces parois de verre, bien réelles, sont très culturelles. S’il y a beaucoup de femmes dans les métiers de la comptabilité, de la consolidation, leur nombre diminue très fortement dès lors que vous accédez au poste de Directeur Financier, Directeur Général …
Si beaucoup d’hommes continuent de penser que les femmes sont moins « efficaces, disponibles » dès lors qu’elles ont des enfants, les mentalités évoluent vite, notamment parmi les jeunes.
J’ai bon espoir, même si les choses avancent lentement, que les technologies comme le télétravail, que j’encourage, nous aident à lever ces barrières en facilitant la vie des femmes et des hommes qui en bénéficient.

Quel(s) conseil(s) pouvez-vous apporter pour inciter les femmes des générations Z et K à se lancer dans la finance ?

Elles doivent tout d’abord décider si elles souhaitent avoir une vie professionnelle dans laquelle elles veulent s’épanouir en prenant des responsabilités, puis s’organiser en conséquence. Il ne faut pas écouter les « interdits », selon lesquels les postes de haut niveau dans la finance ne sont pas pour les femmes, mais faire ses propres choix, en les assumant.
Il faut alors être combative pour vaincre les difficultés qui surviendront au niveau des recrutements.