La Lettre n°186 de Février 2021

Actualités : De nouvelles méthodes d'introduction en Bourse

L’opération d’introduction en Bourse est une opération complexe qui demande beaucoup de préparation et qui, in fine, coûte assez cher. En effet, aux frais directs importants (frais juridiques, commissions des banques qui s’élèvent à quelques pourcents en Europe et qui grimpent à 7 % aux États-Unis[1]), il faut ajouter le manque-à-gagner lié à la décote d’introduction en Bourse. Si plusieurs théories cherchent à expliquer l’existence d’une telle décote[2], celle-ci n’est pas que théorique et se matérialise par l’écart entre le prix d’introduction en Bourse et le premier cours coté. Même si elle évolue dans le temps, suivant les secteurs et les places de cotations, elle est souvent supérieure à 10 %. Mais ces temps-ci, dans un contexte boursier assez particulier pour un certain nombre de valeurs, elle peut être bien supérieure : 4 jours après son introduction en Bourse, HRS cote 72 % au-dessus du prix d’introduction, après un + 30 % le premier jour, il est vrai que le H dans son nom est l’initiale d’hydrogène… Quant à Medesis Pharma, c’est 59 % de hausse le premier jour. Donc, entre les frais et la décote d’introduction en Bourse, le coût réel se situe entre 15 et 20 % du montant levé, que celui-ci soit payé par l’entreprise, supporté par les actionnaires cédants en décote sur le prix réel de leurs titres ou par tous les actionnaires en dilution excessive.

 Par ailleurs, les méthodes traditionnelles d’introduction en Bourse souffrent d’un autre inconvénient majeur : le succès de l’opération est largement lié à la santé des marchés financiers au moment de l’exécution effective de la transaction. Ainsi, une opération préparée pendant 6 à 9 mois devra parfois être décalée de plusieurs semaines (voire plus) pour voir le jour, si elle le voit, et ce parfois même la veille du jour d’introduction.

 

Deux nouveaux types d’opérations se sont développés depuis quelques années pour pallier les deux écueils mentionnés ci-dessus : la cotation directe et les SPACs. Notons tout de suite que ces méthodes n’ont certainement pas vocation à remplacer toutes les introductions en Bourse classiques, mais probablement une partie seulement.

 

La cotation directe

La cotation directe est une méthode d’introduction en Bourse simplissime : une société souhaitant devenir cotée inscrit simplement ses actions sur un marché réglementé et laisse l’offre (d’actionnaires souhaitant monétiser leur investissement) et la demande (d’investisseurs souhaitant acheter des actions) fixer le prix d’équilibre. En France, un prix minimum est fixé pour garantir de ne pas spolier les investisseurs ; aux États-Unis, un prix de référence est indiqué mais n’a aucune valeur contraignante. Cette technique ne nécessite donc pas l’intervention d’une banque, comme c’est le cas pour les introductions en Bourse par constitution d’un livre d’ordres[3].

Cette technique est normalement moins onéreuse que l’introduction en Bourse par constitution d’un livre d’ordres, car l’entreprise économise les commissions des banques et surtout l’opération se fait théoriquement sans décote pour les actionnaires cédants.

Mais la cotation directe ne présente pas que des avantages. Tout d’abord, l’entreprise ne peut pas lever de fonds par cette méthode, seule des actions existantes sont échangées. Par ailleurs, la cession de blocs de titres importants n’est pas possible ou pas optimale. En effet, la demande des investisseurs peut être relativement limitée en l’absence d’un exercice marketing important réalisé par les banques dans la constitution du livre d’ordres (book building avec rencontre avec les investisseurs, diffusion de notes d’analystes…). Enfin, en l’absence de méthode pour la découverte du prix avant la cotation (ce qu’est en réalité le book building), et de mécanismes permettant d’amortir les variations du cours (greenshoe, lock up[4]), la volatilité du titre lors des premières semaines de cotation risque fort d’être sensiblement plus élevée dans le cas d’une cotation directe que dans le cas d’une introduction en Bourse classique.

La cotation directe est donc réservée à une certaine typologie d’entreprises : déjà bien connue des investisseurs (donc généralement de taille importante), avec une base d’actionnaires déjà importante (souvent constituée en partie des employés de la société), souhaitant donner une liquidité à ceux-ci, mais n’ayant pas besoin de lever des fonds.

Spotify a choisi ce mode d’introduction en Bourse en 2018, suivi par Slack en 2019 et Asana et Palentir en 2020.

En Europe, cette technique a été utilisée principalement dans le cas de scission par spin-off (ArcelorMittal/Aperam, PSB/Baikowski, HiPay/HiMedia par exemple).

 

Les SPACs (Special Purpose Acquisition Company)

Les SPACs sont souvent présentés comme des sociétés « chèques en blanc » où les investisseurs ont tellement confiance dans une équipe d’investissement (et ont tellement de liquidités à placer) qu’ils acceptent d’investir dans une société sans savoir quelle va être son activité[5]. C’est en fait une réalité tronquée.

En effet, des mécanismes permettent en réalité aux investisseurs du SPAC de sortir si l’acquisition réalisée n’est pas à leur goût. Contrairement à une entreprise classique où les actionnaires ont très rarement leur mot à dire sur les opérations d’acquisition, les actionnaires de SPACs ont le droit de voter pour ou contre la première opération d’acquisition (que l’on appelle despacking). Cette opération est évidemment capitale car elle permet au SPAC de remplir sa mission. Pour rappel, si les dirigeants d’un SPAC ne réussissent pas à trouver une cible adéquate dans un délai de 18 mois, en général, le véhicule est dissout et les fonds rendus aux actionnaires. Il est assez naturel que les investisseurs puissent voter sur cette opération car, avec le délai pour réaliser l’opération qui avance, le management du SPAC a une pression de plus en plus forte pour réaliser une opération… même médiocre ou trop chère. Au moment du despacking, les actionnaires peuvent également choisir de se faire rembourser leur investissement initial. Paradoxalement, cette dernière possibilité les incite en réalité à voter pour l’opération quel que soit leur point de vue sur l’opération. S’ils pensent que l’opération se fait dans de bonnes conditions, ils votent pour et restent ; sinon ils votent oui et sortent en demandant le remboursement de leurs parts. Mais en demandant la sortie, ils peuvent mettre en péril l’opération car, si le SPAC n’a pas suffisamment de fonds pour mener à bien l’acquisition, celle-ci est annulée…

Par ailleurs, il est assez rare que l’opération réalisée le soit pour un montant inférieur ou égal au montant levé par le SPAC initialement. En réalité, les SPACs lèvent pour la plupart quelques centaines de millions d’euros, mais visent à réaliser des opérations beaucoup plus importantes (aux États-Unis en tout cas). Ainsi, il n’est pas rare qu’un SPAC ayant levé 200 M$ réalise une opération de plus d’un milliard de dollars. Dans ce type de situation, le management fait un mini roadshow lorsqu’il a sécurisé l’opération d’acquisition auprès des investisseurs institutionnels actionnaires, mais également potentiellement auprès de nouveaux investisseurs pour faire valoir le bien-fondé de l’acquisition et demander un investissement nouveau. C’est ici une deuxième validation par le marché du rationnel et du prix de l’opération d’acquisition.

Un second reproche qui est parfois fait aux SPACs est que le management du SPAC reçoit « gratuitement » 20 % des actions au moment où le SPAC entre en Bourse (c’est-à-dire au moment où il est créé). Certains trouvent cela choquant… Quelques remarques sur ce point. Tout d’abord, le management investit des fonds certes limités (quelques millions d’euros) mais réellement à risque, car si le SPAC ne « déspacke » pas, les fonds sont perdus (ces fonds viennent payer les frais de fonctionnement du SPAC et les frais de son introduction en Bourse). Par ailleurs, ce goodwill vient récompenser un vrai savoir-faire de la petite équipe de management, un réseau, une capacité à déceler une opération créatrice de valeur… C’est similaire à ce qui s’observe dans les start-ups, où les fondateurs valorisent leur travail et leurs idées par une part plus importante au capital que leur part dans les financements, même après l’ensemble des levées de fonds. De plus, ces actions gratuites représentent 20 % du capital initial, et non de la taille finale de l’opération (c’est-à-dire des 200 M$, dans notre exemple, et non du ou des milliards). Enfin, le 20 % est parfois revu à la baisse par le management lui-même lorsqu’il cherche à convaincre les investisseurs de réaliser un despacking[6]. Nos lecteurs les plus agiles auront reconnu dans cette disposition des SPACs une option que détient le management sur une opération future.

                                                                                 

Vaut-il mieux se faire coter en Bourse traditionnellement ou se faire acquérir par un SPAC ?

Notons en premier lieu que les actionnaires initiaux de la cible d’un SPAC peuvent négocier d’être payés en actions du SPAC et ainsi ne pas solder totalement leur investissement. Les résultats des deux opérations peuvent donc être assez similaires (le SPAC n’étant pas nécessairement synonyme d’acquisition complète et de changement de contrôle).

  • Les actionnaires sortants cédant à un SPAC économisent la décote d’introduction en Bourse, puisque l’entreprise est cédée de gré à gré.
  • Pour les actionnaires restants, si l’entreprise doit lever des fonds lors de l’opération, la décote d’IPO doit être mise en regard de la dilution liée aux actions gratuites du management du SPAC et des bons de souscription[7].
  • Les investisseurs institutionnels ne bénéficient pas de la décote d’IPO mais ils se garantissent une place de choix dans l’opération, ce qu’une allocation dans une introduction en Bourse classique n’aurait pas autorisé.
  • Les vraies perdantes sont les banques d’affaires qui reçoivent une commission beaucoup plus faible que dans une IPO classique. Mais après tout, ce n’est que la réponse intelligente des investisseurs face à un marché de facto cartellisé, celui des banques d’affaires aux États-Unis, qui maintient des rentes injustifiées.

 

Ces nouvelles méthodes d’introduction en Bourse ont donc certainement vocation à co-exister avec la méthode traditionnelle. Il est probable que ces deux méthodes se développent en Europe, même si le caractère sensiblement plus raisonnable des commissions bancaires est certainement un frein à ce développement.

Ces nouvelles méthodes souffrent encore d’un problème d’image : la cotation directe existe en Europe, mais principalement pour les petites sociétés ; les SPACs sont souvent regardés comme des opérations de forbans de la finance. Mais leur institutionnalisation outre-Atlantique, 219 SPACs levant 79 Md$ (contre 67 Md$ pour les introductions en Bourse traditionnelles en 2020), va faire changer cette image, et nous pensons qu’ils survivront à l’actuel contexte boursier (+462 % par rapport à 2019) qui les porte en ce moment, tant les investisseurs sont prompts aux rêves.

 

 

[1] Le marché américain étant sensiblement moins concurrentiel et dominé par quelques grandes banques, les commissions d’accès aux marchés de capitaux, mais également de conseil en M&A sont plus élevées qu’en Europe et assez largement standardisées. Aucune banque n’ose casser ces standards…

[5] Dont nous vous avions présenté le mode de fonctionnement dans La Lettre Vernimmen n°64 d’avril 2008 pour la première fois.

[6] D’autant plus si le déspacking est proposé près de la date fatidique de fin de vie du SPAC…

[7] Dans une introduction en Bourse de SPACs, les investisseurs souscrivent à des ABSA, c’est-à-dire à des actions auxquelles sont attachés des bons de souscription (warrants) permettant de souscrire à des actions nouvelles à un prix supérieur (généralement à 11,5 $ pour des actions émises à 10 $).

 



Actualités : Le certificat ICCF@HEC Paris franchit la barre des 6 000 personnes formées à la finance d'entreprise

Nous avons conçu pour HEC Paris et First Finance un programme certifiant de finance d’entreprise entièrement digital qui permet à ceux d’entre vous qui veulent rafraîchir leurs connaissances en finance d’entreprise, ou acquérir un niveau similaire à celui que nous transmettons à nos étudiants d’HEC Paris, de pouvoir le faire à leur rythme sur 5 mois.

En 5 ans et demi, 5 552 personnes ont suivi avec un haut niveau de satisfaction cette formation qui débouche sur une certification d’HEC Paris en finance d’entreprise : l’ICCF@HEC Paris. Compte tenu des inscrits à ce jour (plus de 400 personnes pour la prochaine session qui débute le 23 mars), la barre des 6 000 participants est franchie. La taille probable de cette douzième promotion devrait être de l’ordre de 500 personnes.

Le programme couvre l’essentiel de la finance d’entreprise : analyse financière, évaluation de société, choix d’investissement et de financement. Il s’articule autour de sessions de cours par vidéo, d’études de cas d’application, d’échanges en direct avec Pascal Quiry à travers des « classes virtuelles » hebdomadaires, ainsi que d’échanges actifs sur le forum entre les participants et Pascal Quiry. Ce programme est donc aussi un lieu unique d’interactions riches entre professionnels et passionnés de finance d’entreprise. 

Chacun des trois thèmes traités se termine par l’étude d’un cas réel et récent ; l’ensemble du programme se termine par un test final.

Pour en savoir plus sur cette formation, dont le financement peut être couvert par votre Compte Personnel de Formation (CPF), écoutez les témoignages des participants, voyez https://youtu.be/5xAQ5ZvLeBk ou la boîte aux lettres du site vernimmen.net, pour échanger avec nous sur ce programme, destiné à partager efficacement les connaissances et pratiques accumulées, selon un format adapté à votre agenda professionnel ou privé.

 



Tableau : Les levées de fonds des entreprises dans le monde en 2020

Publié initialement par le quotidien Les Échos, avec comme source Refinitiv, ce graphique montre clairement la grande différence entre la crise de 2008, d'origine financière, et celle de 2020. La première s'est traduite par une contraction des levées de fonds des entreprises de 25 % (et, en fait, beaucoup plus forte car concentrée sur le dernier quadrimestre), avec un fort rebond (+78 %) en 2009 quand les investisseurs sont sortis de leur confinement auto-imposé et ont de nouveau joué leur rôle.

En 2020, les injections de liquidités des banques centrales ont rassuré les investisseurs, et les ont poussés vers les titres des entreprises plus rémunérateurs que ceux des États. Et, le souvenir de la crise de liquidité de 2008 ne s'étant pas estompé de l'esprit des directeurs financiers, les groupes ont massivement émis des titres, d'abord de dettes, puis de capitaux propres pour ceux qui estimaient en avoir besoin.

En guise de post-scriptum, rappelons à notre lecteur étourdi, qui s'étonnerait que les émissions de dettes soient structurellement très supérieures à celles de capitaux propres, que cet effet est dû au fait que les dettes se remboursent tôt ou tard, souvent par l'émission de nouvelles dettes, alors que les capitaux propres sont perpétuels. On trouve toujours au bilan de Saint-Gobain les capitaux propres apportés par ses actionnaires à sa fondation en 1665, alors que les dettes contractées ont depuis belle lurette été remboursées, remplacées, et ces dernières ont été remboursées et remplacées des dizaines de fois par d'autres !



Recherche : Les marchés de capitaux internes : une alternative au crédit bancaire en temps de crise

Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à CY Cergy Paris Université

 

La crise bancaire débutée en 2008 (avec notamment la faillite de Lehman Brothers) a eu pour conséquence, sur plusieurs années, une forte réduction des crédits bancaires accordés aux entreprises dans un certain nombres de pays, mais pas en France. La crise de la dette dans la zone euro en 2011 a encore renforcé cet effet dans de nombreux pays. Au-delà de la fragilisation des bilans des banques, les restrictions sur le crédit bancaire affectent les entreprises non financières, contraintes de renoncer à des projets créateurs de valeur, faute de financement. Un article récent[1] montre que les entreprises qui appartiennent à de grands groupes utilisent les marchés de capitaux internes comme substituts au financement bancaire pendant les crises.

Une fois n’est pas coutume, cet article publié dans une revue majeure n’utilise pas des données américaines, mais italiennes. Les auteurs se sont intéressés aux groupes italiens pour plusieurs raisons. D’abord, l’économie italienne est fortement dépendante de ces grands groupes : ils comptent le tiers des salariés et 55 % de la valeur ajoutée totale dans l’industrie et les services. Ensuite, contrairement au modèle japonais qui connaît aussi des groupes très puissants, les banques ne sont pas directement affiliées à ces groupes. Les effets identifiés dans l’article ne sont donc pas la conséquence d’un lien direct entre les banques en crise et les groupes concernés. L’analyse porte sur les années 2004 à 2014. Les cinq premières années (2004 à 2008) correspondent à la période « hors de la crise », et les six suivantes (2009 à 2014) sont les années de crise.

Le premier résultat porte sur la probabilité de survie des entreprises (étudiée entre 2006 et 2013). Les auteurs montrent que l’appartenance à un groupe augmente cette probabilité de survie. Sur l’ensemble de la période, elle est de 50 % pour les entreprises non affiliées, de 53 % pour celles affiliées à un « petit » groupe[2], et de 61 % pour celles affiliées à un grand groupe. Surtout, l’importance de l’affiliation à un groupe est plus marquée pendant les années de crise. Autre effet notable, la probabilité de survie est améliorée non seulement par la qualité des fondamentaux de l’entreprise avant la crise (ce qui est évident), mais aussi par la qualité des fondamentaux des autres entreprises du groupe. Appartenir à un groupe solide permet de mieux survivre à la crise. Ce résultat est cohérent avec l’argument des auteurs : les groupes font jouer les marchés de capitaux internes pour assurer la survie de leurs entreprises.

Le second résultat important porte sur la substituabilité entre les marchés de capitaux internes et le crédit bancaire. Les auteurs identifient, à l’intérieur des groupes, des flux de capitaux provenant des entreprises à fort flux de trésorerie, mais faibles opportunités d’investissement, et alimentant les entreprises à faibles flux et fortes opportunités. Ces flux sont particulièrement marqués pour les entreprises financées par les banques en crise.

Tout se passe comme si les flux internes reflétaient des marchés de capitaux plus classiques. Durant les années de crise, une hausse de 1 € des flux de trésorerie d’une entreprise affiliée à un groupe se traduit par une baisse de 15 cents de ses emprunts au marché interne. À l’inverse, une hausse de 1 € des flux de trésorerie de l’ensemble du groupe se traduit par une hausse des flux internes à destination de l’entreprise (certes modeste, de l’ordre de 2 cents). Les groupes ont donc tendance, en période de crise, à utiliser des marchés de capitaux internes qui fonctionnent selon l’offre et la demande et se substituent (partiellement) au crédit bancaire.

Cet article contribue à la littérature académique sur les marchés de capitaux internes, en soulignant leur rôle dans le financement des entreprises en période de crise. Il ouvre aussi la voix à des recherches ultérieures sur l’emploi de ces ressources, en particulier les conséquences de l’appartenance à un groupe sur les investissements en période de crise bancaire.

 

[1] R. Santioni, F. Schiantarelli et P.E. Strahan, « Internal capital markets in times of crisis: the benefit of group affiliation », Review of Finance, novembre 2020, vol. 24-4, p. 773 à 811.

[2] Les groupes définis comme « petits » par les auteurs sont ceux qui totalisent moins de 50 salariés et pèsent moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et d’actif ; il s’agit donc de très petits groupes.

 



Q&R : Comment le coût des capitaux propres se matérialise-t-il pour une entreprise ?

Commençons par une analogie. Avez-vous conscience que vous avez besoin d’air pour vivre ? La plupart du temps non, car on n’y pense pas. Maintenant que nous vous avons posé la question, vous vous rendez bien compte que si vous arrêtez de respirer, vous êtes condamné à un terme bref.

Eh bien le coût des capitaux propres, c’est un peu la même chose. La plupart du temps, tout va bien, et les entreprises ne se rendent pas compte qu’il existe, parce qu’elles le respectent, le satisfont, presque sans s’en rendre compte, comme nous respirons et que nous vivons ainsi, automatiquement, sans nous en rendre compte.

Notez par ailleurs, qu’en finance, un coût n’est pas nécessairement une charge comptable comme des frais financiers, ou un décaissement de trésorerie comme un dividende. Ainsi, lorsque l’État russe se décidera à adopter les règles de gouvernance et de respect du droit similaires à celles de l’Europe occidentale, le cours des actions des sociétés russes s’envolera et leur coût du capital baissera. Cette bien pauvre gouvernance qu’on observe en Russie, tant dans le domaine public que privé, ne se traduit ni par un flux, ni par un coût comptable, et pourtant elle a un impact sur la valeur. C’est la même chose pour le coût des capitaux propres. Une partie de celui-ci, voire la totalité pour une entreprise qui ne distribue pas de dividendes, s’exprime autrement que par un débours de trésorerie.

Prenez, pour simplifier, une entreprise qui ne verse pas de dividendes, comme par exemple une start-up. Elle a pourtant un coût des capitaux propres bien réel, qui se matérialise par le fait que ses actionnaires attendent une certaine progression de ses performances opérationnelles (mettre au point un prototype, franchir un seuil de mille clients, puis d’un million, etc.). Faute de cette progression, les investisseurs ne réinvestiront pas d’argent pour couvrir ses pertes et la start-up finira par disparaître, comme 70 % d’entre elles au bout de 10 ans.

 

Prenez une entreprise comme Worldline qui ne verse pas de dividendes, mais qui n’est plus une start-up. Comment se matérialise son coût des capitaux propres ? De la même façon que précédemment, par une progression attendue de sa performance opérationnelle qui, cette fois, se matérialise par des flux de trésorerie disponible, des résultats positifs et croissants. À défaut de les obtenir sur moyen terme, les investisseurs vendraient leurs actions Worldline, le cours de Bourse chuterait. À un moment donné, le conseil d’administration changerait alors les dirigeants pour mettre en œuvre une nouvelle politique ; à défaut, une OPA hostile se produirait. C’est ce qui est arrivé par exemple à ABN Amro après des années de performances décevantes. Le groupe a été racheté et dépecé. Ou à Paribas, huit ans auparavant, quand il a été racheté par la BNP. Ou ce qui menace actuellement la Société Générale.

 C’est un peu comme lorsque vous faites du vélo. Quand vous arrêtez de pédaler, vous tombez. Ici, c’est la même chose, si vous ne respectez pas sur le moyen terme les demandes de rentabilité des investisseurs, ces derniers vont arrêter de vous financer, ils vont vouloir changer les pilotes pour continuer à apporter des fonds.

Même si l’entreprise est contrôlée, elle n’est pas à l’abri d’investisseurs qui se font entendre et qui obligent à un changement de stratégie. Pensez par exemple à Casino qui a dû, sous la pression d’actionnaires activistes, céder des actifs pour réduire et restructurer sa dette qui l’étouffait du fait de faibles performances opérationnelles.

 



Autre : Formations

Voici les dates des prochaines formations que nous avons conçues pour Francis Lefebvre Formation, avec des enseignants que nous avons sélectionnés pour l’excellence de leur pédagogie :



Commentaire : Sur l'actualité financière, postés sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen

Régulièrement, nous publions sur les pages Facebook et LinkedIn du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière, des réponses à des questions qui nous sont posées ou des citations.

 

Rentabilité et risque

La semaine passée, l’Espagne a émis pour 5 Md€ d’obligations à 50 ans qui se sont arrachés comme des churros. Quelques semaines avant, la Belgique et la France avaient fait de même sur cette maturité, à un taux de 0,5 % pour la France, et le même accueil enthousiaste des investisseurs.

Ont-ils conscience que, si dans 10 ans, les taux à 40 ans doublaient à seulement 1 %, l’obligation ne vaudrait plus que 84 % de son pair, et 59 % s’ils passaient à 2 %, niveau auquel ils étaient il n’y a pas si longtemps. Quant à un bond à 5 % des taux d’intérêt, il réduirait la valeur de cette obligation à 23 % de son pair, conséquence logique de devoir se contenter de 0,5 % de coupon, contre un taux du marché de 5 %, pendant encore 40 ans. Ce qui donne une certaine aigreur à cette phrase prêtée à Franz Kafka ou à Woody Allen, « L’éternité c’est long, surtout vers la fin ».

En effet, la sensibilité d’une obligation au taux d’intérêt du marché n’est jamais aussi élevée que lorsque l’obligation est longue et que le taux nominal est faible. Exactement les conditions dont on parle.

 

Aviva, ou une nouvelle illustration du pouvoir des actionnaires

Après BlackRock qui en avait évoqué la possibilité, Aviva monte d’un ton vis-à-vis de 30 groupes miniers, pétroliers et gaziers à qui il a écrit pour demander qu’ils se donnent l’objectif et les moyens de parvenir à zéro émission de gaz à effet de serre, tant dans leur activité que dans l’usage que font leurs clients des produits qu’ils leurs livrent. Faute de quoi, Aviva vendra les actions et les prêts/obligations qu’il détient dans ces 30 groupes qui n’ont pas (encore) pris les engagements que Total ou Shell ont déjà pris de leur côté par exemple. 

Comme Aviva gère 400 Md€ pour le compte de tiers, il est peu probable que cette lettre aille directement à la corbeille. Peu de dirigeants aiment des cours qui baissent et des coûts de financement qui montent.

Tesla

« Je sais que vous ne donnez pas de conseils boursiers » nous écrit l’un d’entre vous, « mais quelles pourraient être les raisons de pas acheter d’options de vente sur l’action Tesla, avec une maturité assez longue, mettons 2 ans ».

Voici 2 raisons pour ne pas faire :

1/ Un put sur Tesla est peut-être aussi peu bon marché qu’une action Tesla. Une option de vente à 2 ans sur Tesla à la monnaie (830 $) vaut actuellement 339 $, et montre une volatilité implicite de 66 % par an. Ce qui veut dire que si voulez avoir une rentabilité de 30 % sur votre investissement en option, il faut que d’ici 2 ans le cours de Tesla baisse de 69 %. Si vous pensez que le cours de Tesla sera divisé par 10 en 2 ans, votre rentabilité sera de 48 %.

2/ C’est de l’argent dont vous pourriez avoir besoin dans le futur, et rien ne vous dit que vous ne perdrez pas toute la valeur de cette option de vente.

 

Encore une introduction en Bourse d’annulée

Et pas de petite taille, 10 Md€ d’anticipé sur la Bourse de Londres, où le fonds de private equity EQT pensait introduire IVC Evidensia, chaîne de cliniques vétérinaires, mais qui a préféré, qui l’en blâmerait ?, une offre de Silver Lake et Nestlé, valorisant l’entreprise à 12,3 Md€, permettant à EQT de sortir pour partie et de réinvestir pour un nouveau tour pour le solde. La frontière séparant les marchés boursiers du monde du private equity ne cesse donc de remonter depuis sa chute de 2007.

 

[1] Que vous pouvez consulter ici pour Facebook, et  pour LinkedIn.



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