La Lettre n°15 de décembre 2002

Actualités : Que se cache-t-il derrière les equity swaps ?

Une terminologie floue

Les equity swaps recoupent des opérations financières très différentes. Littéralement equity swap signifie échange de capitaux propres ou de participations, ceci est suffisamment flou pour inclure :

- des prises de participations croisées. Ainsi, Air France a annoncé vouloir mettre en place des participations croisées avec Alitalia, ces deux groupes devant devenir actionnaires à hauteur de 5 % à 10% l’un de l’autre.

- un échange de capitaux propres contre de la dette. Certaines sociétés en difficulté, pour éviter la faillite demandent à leurs créanciers, en particulier leurs banques, d’échanger leurs dettes contre des capitaux propres. Cette opération provoque généralement une dilution massive des anciens actionnaires et est communément appelée debt for equity swap ou equity swap. La crise économique actuelle donne lieu à un nombre croissant d’opérations de ce type. Le câblo-opérateur NTL a réalisé une telle opération pour plus de 10 Md$, citons également Jazztel, Marconi, Completel, Netia, Sirius, .…

- un échange de la dette publique d’un pays en voie de développement contre une participation dans un investissement d’infrastructure ou une entreprise publique qui sera privatisée sous peu.

- une opération complexe permettant de vendre économiquement (ou d’acheter) un actif (en particulier une participation dans une société) sans avoir à céder (à acquérir) la propriété juridique des titres. Cette opération est également appelée Total Return Swap.

Les Total Return Swaps

Un total return swap est une opération par laquelle deux acteurs économiques échangent les revenus et le risque d’évolution de la valeur de deux actifs différents pendant une période de temps donnée. Une des branches du swap est généralement constituée d’un prêt à court terme, pour l’autre tout type de titre financier est imaginable (indice boursier, une action en particulier, une obligation …).

Dans ce type de montage, le payeur du swap n’a plus d’exposition économique à l’actif swappé ; ce montage consiste donc à dissocier la propriété juridique et la “ propriété économique ” de l’actif.

Ainsi, l’equity swap portant sur les actions GMB (Holding de contrôle des supermarchés Cora) devait permettre à Casino de prendre une participation économique dans Cora, tout en respectant l’accord signé avec l’actionnaire majoritaire de Cora (interdisant la prise de participation proprement dite). Deutsche Bank a acquis les titres GMB puis a signé un accord d’equity swap avec Casino sur une durée de 5 ans. Pendant cette période, Casino touche les dividendes de GMB tout en n’étant pas propriétaire de cette participation que détient Deutsche Bank. Casino verse un taux d’intérêt à Deutsche Bank qui trouve ainsi une rémunération aux capitaux qu’elle a dû mobiliser pour financer l’acquisition des actions GMB. Au terme des 5 ans, Casino s’est engagé à acquérir les actions GMB au prix de la transaction initiale ou à dédommager Deutsche Bank pour la moins-value si les titres étaient vendus à un tiers, l’éventuelle plus-value revenant à Casino.

Ce montage a également été utilisé pour liquéfier des participations, tout en conservant un potentiel d’appréciation de celles-ci. L’opération consiste alors à céder la participation à un établissement financier puis à nouer un total return swap avec ce dernier. L’entreprise dégage des liquidités immédiatement (à l’occasion de la cession de la participation à l’établissement financier) mais conserve le risque économique. Cette solution peut être adoptée lorsqu’il existe un empêchement juridique à la conservation ou à la prise de participation. Cependant notons que comme l’entreprise n’a pas/plus la propriété juridique des titres, elle ne dispose pas des droits de votes attachés.

Ce type de montage a été mis en place par Vivendi sur sa participation dans BSkyB. La chronologie a été la suivante :

- Octobre 2001 : Vivendi cède sa participation à Deutsche Bank et entre dans un accord d’equity swap sur cette participation. Cette cession faciale répondait à la demande de la Commission Européenne que Vivendi céde ses actions BSkyB pour des raisons de concurrence.

- Mai 2002 : l’opération est dénouée avec la cession par Deutsche Bank des actions BSkyB sous-jacentes à l’equity swap sur le marché. La cession des titres à un prix légèrement supérieur à celui de la cession initiale de Vivendi à Deutsche Bank a permis à Vivendi de bénéficier d’un effet positif de 103 M£, et de faire disparaître la dette de 2,8 Md€ qui demeurait sur son bilan.

Comme toute opération visant au financement hors bilan d’un actif, sa comptabilisation est délicate. Comme l’a démontré l’opération Vivendi / BSkyB, en normes américaines, l’opération permet effectivement de ne pas faire apparaître l’emprunt au bilan consolidé. En revanche, en normes françaises, le risque restant supporté par l’entreprise, le montage est comptabilisé comme un emprunt avec un nantissement sur les titres de la participation. La liquidité de l’entreprise est améliorée mais le total de l’endettement reste inchangé.

Notons également l’opération de Frontline qui a consisté, au lieu de réaliser un rachat de ses propres actions, à faire racheter ses actions par une banque (Nova Scotia) et à nouer un contrat d’equity swap. La société a donc dans un premier temps conservé ses liquidités tout en maximisant le programme de rachat d’actions. Hors bilan ou pas, l’endettement est cependant bien réel.

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De même, la maison mère de Swissair avant de faire faillite avait réalisé des opérations d’equity swap en cédant à une banque ses actions propres tout en conservant le risque économique attaché. Ces opérations ont certes permis d’améliorer la liquidité à court terme du groupe, mais la baisse des cours a entraîné des pertes et des sorties de fonds importantes lorsqu’il s’est agit de racheter ces titres d’auto-contrôle. Bref, la prochaine fois que vous entendez parler d’un equity swap, vérifiez bien de quoi il s’agit au fond !



Tableau : La concentration des marchés boursiers

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En 40 ans la taille des 5 premières capitalisations boursières de la place parisienne est passée de 2,3 Md€ à 270 Md€, soit une croissance moyenne de 12,6 % obtenue par croissance interne (L’Oréal), mais surtout par croissance externe, voire l’article de recherche, et plus précisément par « fusion d’égaux » : Total et Elf, Rhône Poulenc et Hoescht, Sanofi et Synthélabo, BNP et Paribas.

Comme dans les autres pays, le poids des cinq leaders va croissant puisqu’il représente aujourd’hui presque le tiers du marché parisien contre moins d’un sixième en 1963. Ce phénomène reflète l’évolution de la structure de l’économie française avec le poids croissant des services et de l’industrie légère au détriment de l’industrie traditionnelle.



Recherche : Les différentes vagues de fusion-acquisition

Tout observateur de la vie économique n’aura pas manqué de constater que les fusions-acquisitions se produisent par vagues ; la consultation du graphique publié par la Lettre Vernimmen.net d’octobre 2001 le confirmerait si besoin était.

A. Shleifer et R. Vishny (1) , qui se placent hors du cadre des marchés à l’équilibre et dans celui de la finance comportementale (2) , expliquent ce phénomène par la succession de phases de sous-évaluation et de surévaluation des entreprises cotées sur des marchés financiers qui ne sont pas efficients. Seuls les dirigeants sont totalement rationnels ayant parfaitement conscience de la sous-évaluation ou de la surévaluation des entreprises dont ils vont tenter de profiter par des opérations de croissance externe qui sont en fait des opérations d’arbitrage : acquérir
en cash des entreprises sous-évaluées, acquérir en actions en période de surévaluation.

Parallèlement certains dirigeants ont des objectifs à court terme : ils partent en retraite sous peu, ont des stock-options à exercer ou veulent vendre leurs actions. D’autres au contraire ont un horizon plus lointain : trop jeune pour partir en retraite, participations bloquées, stock-options non exerçables...

Dans les années 1960, les acquisitions se font essentiellement en actions et sans logique sectorielle. C’est l’âge d’or des conglomérats (ITT, Gulf and Western, Fiat, Schneider...) qui utilisent leurs actions surévaluées pour acquérir dans des secteurs divers des entreprises moins surévaluées dont les dirigeants ont des objectifs de liquidités à court terme et qui sont prêts à céder le contrôle de leur entreprise contre les actions du conglomérat qu’ils vont rapidement monnayer. Tous sont gagnants : le conglomérat fait un profit à court terme en achetant les entreprises moins surévaluées avec une monnaie, ses actions, surévaluée ; le vendeur vend à un prix très correct puisqu’il obtient très vite du cash en revendant les actions surévaluées du conglomérat.

A l’époque, on justifia ces mouvements par des contraintes anti-trust qui poussaient à la diversification et par le savoir-faire de management apporté par le conglomérat. La vague s’arrêta quand les conglomérats cessèrent d’acquérir, c’est à dire quand il n’y eut plus d’entreprises moins surévaluées à acquérir avec profit. Et ce fut alors la diète (pour les banquiers d’affaires) des années 1970. Sans surprise, les performances boursières subséquentes des acquéreurs furent peu glorieuses, le marché corrigeant alors ses excès passés à la hausse.

Le réveil des années 1980 se produisit quand l’échec des conglomérats devient patent, leurs valeurs devenant inférieures à la somme des valeurs de leurs composants. Ils disparurent progressivement, achetés en cash par les acquéreurs (Hanson, KKR …) qui ne voulurent pas partager les profits des démantèlements auxquels ils se livrèrent. A juste titre, puisque les acquisitions des années 1980 ont été sources de rentabilités très positives au contraire de celles des années 1960. De la même façon, le phénomène s’arrête, quand compte tenu de la hausse des cours de bourse, il n’y a plus de cibles sous-évaluées à acquérir.

La vague d’acquisitions de la fin des années 1990 est bien différente dans sa nature de la précédente : la part des opérations entièrement payées en titres passe de 33 % à 58 %, les acquéreurs sont mieux valorisés que leurs cibles et les opérations sont très nettement intra-sectorielles. Autrement dit, selon A. Shleifer et R. Vishny, les acquéreurs, conscients de leur surévaluation, achètent des actifs survalorisés mais moins qu’eux, consolidant ainsi leur propre valeur et évitant une chute plus grande de la valeur de leurs actions quand la phase de surévaluation s’achève. AOL a ainsi eu raison d’acheter Times Warner même si son cours a baissé de 80 % depuis lors : il aurait baissé
bien davantage sans cette opération. L’erreur à ne pas commettre était de régler les acquisitions en cash (France Télécom, KPN …) la chute a été alors plus grande.

Quant à la prochaine vague d’acquisitions, si l ’on croit la thèse de nos deux auteurs, elle interviendra lorsque la bourse sera de nouveau nettement sous évaluée.

(1) Stock market driven acquisition, working paper juin 2002, Universités d’Harvard et Chicago.
(2) Voir chapitre 21 du Vernimmen 2002.


Q&R : Petit QCM (suite et fin)

Commencée le mois précédent la publication de ce QCM conçu pour Financium s’achève avec ce numéro. Les bonnes réponses figurant à la toute fin de cette lettre.

1. Quel était le PER moyen à la bourse de Paris en 1988 :
•10
•20
•30

2. Lorsqu’un investissement présente plusieurs taux de rentabilité interne (TRI) c’est que :
• les calculs sont faux
• l’investissement vaut financièrement la peine d’être réalisé
• il faut utiliser un autre critère de choix pour se prononcer

3. Le rachat d’actions en vue de leur annulation est financièrement intéressant pour les actionnaires qui conservent leurs actions si :
• le prix de rachat est inférieur à la valeur d’équilibre de l’action
• le prix de rachat est supérieur à la valeur d’équilibre de l’action
• si l’inverse du PER est supérieur au coût de l’endettement après
impôt

4. Quelle est en France la proportion d’ouvertures d’une procédure collective qui débouche, in fine, sur une liquidation de l’entreprise :
• 70 %
• 80 %
• 90 %

5. La seconde plus grosse capitalisation boursière européenne au 30 octobre 2002 était :
•BP
•Vodafone
• GlaxoSmithKline

6. Si le coefficient ß de Nestlé est de 0,6, le taux de l’agent sans risque de 4,5 % et le taux de rentabilité du marché de 11 %, quel est le taux de rentabilité exigé par l’actionnaire de Nestlé :
•6,6 %
•8,4 %
• 10,8 %

7. La nomination d’un commissaire aux comptes est obligatoire en France pour une sarl dès que 2 des 3 critères suivants sont dépassés :
• total du bilan : 1,550 M€, chiffre d’affaires : 3,1 M€, nombre moyen
de salariés : 50 personnes
• total du bilan : 1,5 M€, chiffre d’affaires : 3 M€, nombre moyen de
salariés : 50 personnes
• total du bilan : 2 M€, chiffre d’affaires : 3 M€, nombre moyen de
salariés : 100 personnes

8. Une courbe des taux d’intérêt montante implique des anticipations :
• à la hausse des taux courts
• à la baisse des taux courts
• à la stabilité des taux courts

9. La capacité d’autofinancement se calcule :
• plus et moins values de cession inclues
• plus et moins values de cession, participation des salariés exclues
• plus et moins values de cession exclues, participation des salariés
incluse

10. L’écart de rentabilité entre la rentabilité espérée des actions des grands groupes européens et le taux de l’argent sans risque était fin octobre 2002 de :
• 3,95 %
• 5,25 %
• 6,65 %

11. Les actionnaires d’une entreprise qui dégage sur ses investissements un taux de rentabilité durablement inférieur à son coût du capital, ont intérêt à ce qu’elle :
• s’endette
• verse de forts dividendes
• procède à une augmentation de capital

12. Si France Télécom procédait à une augmentation de capital de 5 € alors que l’action cotait 12 € et à proportion de trois actions nouvelles pour une action ancienne, le droit de souscription vaudrait théoriquement alors :
• 5,25 €
• 2,33 €
• 1,75 €

13. Dans la méthode du cours de clôture, les éléments du compte de résultat des filiales étrangères sont convertis :
• au cours de clôture de la période
• au cours historique
• au cours moyen de la période

14. Lequel de ces pays a adopté l’euro comme sa monnaie :
•la Norvège
•la Suède
• la Finlande

15. La prime de remboursement d’une obligation convertible quand elle figure à l’actif d’un bilan correspond d’un point de vue financier :
• à une non-valeur
•à une dette
• à un produit activé

16. Dans un calcul de valorisation des capitaux propres par actualisation des flux de trésorerie, les provisions pour risques et charges viennent en diminution de la valeur de l’actif économique :
• si les flux de trésorerie futurs n’intègrent pas les charges
provisionnées
• si les flux de trésorerie futurs intègrent les charges provisionnées
• en aucun cas car la provision est une pure écriture comptable

17. La formule de Wilson sert à déterminer :
• le niveau optimum d’un lot de production
• le niveau optimum de crédit à accorder à un client
• le niveau de trésorerie optimum

18. Si les coûts fixes sont de 5 000 €, si le produit est vendu pour 10 € et que les coûts variables sont de 7 €, le point mort est de :
• 3 500 produits
• 7 143 produits
• 1 667 produits

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